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« Qu’est-ce que tu dessines, Alex? »
« Un hommage au club! »
Il me branle devant le visage une feuille sur laquelle on voit le logo des Canadiens de Montréal, avec des traits colorés tout autour. Un genre de mandala tricolore. Ne lui dites pas, mais ce n’était pas super beau.
C’était ma première interaction avec Alex, le fondateur de HFTV, il y a maintenant quinze ans.
Alors que nous étions en troisième année du primaire, pour être plus exact.
Je m’en souviens très clairement, parce que c’était durant les premières semaines dans ma nouvelle école. Je n’avais pas encore d’amis, il fallait que je trouve des sujets de small talk.
Il est rare que nos premières impressions soient fondées, mais dans le cas d’Alex, j’ai compté dans un filet vide : c’était le plus grand fan du Canadien.
Nos chemins se sont séparés depuis, jusqu’au jour où, alors que je naviguais sur le réseau qui me zombifie chaque jour de plus en plus (TikTok), j’ai lâché un cri modéré en voyant Alex dans mon feed.
Maintenant devenu un homme, il avait troqué les crayons pour un micro fixé à un petit bâton de hockey. Il interviewait des partisans du CH à l’extérieur du Centre Bell. Les vues se comptaient par centaines de milliers.
Ben voyons! Il fallait que je renoue avec lui.
Se réconcilier avec la partisanerie
Fidèle aux traditions entourant le sport, c’est autour d’une pinte à la Cage aux Sports qu’on s’est rencontré pour la première fois depuis notre après-bal pour échanger sur son projet. Je voulais comprendre d’où lui était venue l’idée de consacrer plusieurs soirs par semaine à faire des vox pop d’après-match.
« Je te jure, la première fois que j’ai parlé de ce concept, c’était dans un bar pendant un party, au cégep. J’ai glissé l’idée à un ami après quelques verres, mais on en est restés là. »
« J’étais aussi en break up avec le club, depuis le départ de PK Subban. J’avais raccroché mon jersey. »
Entre-temps, je suivais beaucoup ce que faisait la chaîne AFTV, en Angleterre. Je dirais que c’est l’inspiration principale derrière ma page. J’ai constaté qu’il n’y avait rien de semblable qui se fait ici, à Montréal. »
Pour les non-initiés, la chaîne AFTV est un média sportif qui, comme HFTV, couvre la partisanerie de l’équipe de football britannique Arsenal.
« La finale de la Coupe Stanley, en 2021, c’est ce qui m’a ramené sur la glace. J’ai réalisé que j’avais manqué le bateau en voyant les attroupements de fans à l’extérieur du Centre Bell. J’ai donc lancé le projet tout de suite après. Un ami m’a aidé en m’apprenant les bases du montage et comment lancer une page. Petit à petit, on a bâti notre communauté. »
Dans la défaite ou la victoire, on célèbre
Plus sa page augmentait en popularité, plus Alex voyait qu’il s’attirait les foudres d’internautes frustrés, allant même parfois jusqu’à lui envoyer des menaces. Mais peu importe parce que pour lui, l’important, c’est de garder une ligne éditoriale positive lorsqu’il est question du hockey.
« Et c’est là qu’on est tombés sur Danick. Beau temps mauvais temps, victoire ou non, match après match, il est là. Il félicite les joueurs et attire les foules. Il se fait reconnaître, maintenant, et il demeure un personnage important pour HFTV, parce qu’il est “vrai”. Il représente ce qu’on a le goût que la page soit, une place pour encourager le club. »
Si vous avez déjà vu du contenu produit par HFTV, vous êtes sûrement tombé sur une vidéo de Danick, le fan par excellence. Et pour l’avoir rencontré à la Cage, la légende vivante est comme dans les clips. Énergique, un peu chaud et passionné de hockey.
« J’ai ma job, et j’ai le hockey. » Simple, mais vrai.
Entourée de ses chums à une tablée où la booze et les ailes abondent, la vedette de TikTok est très reconnaissante du travail d’Alex. Une gratitude qu’il lui retourne à coup de shooters et de vidéos virales.
Un partisan à une table d’à côté m’a même accroché le bras pour me demander s’il s’agissait de célébrités. Afin d’aider mon média, je lui ai dit d’aller lire mon article sur le sujet.
Les fans ont des fans
Le match commence, j’accompagne Alex et Cédric (la jeune recrue du média) pendant l’affrontement opposant Montréal au Blue Jackets de Columbus.
Rapidement, j’ai l’impression d’aller regarder un match avec les Beatles. Peu importe où on va, tous les regards se tournent vers eux. Prises de photo, poignées de mains et deux-trois insultes bien placées à l’adresse des refs, les gars sont proches des admirateurs du club, mais ne s’enflent pas trop la tête avec ça.
« Je sens qu’on a un peu une responsabilité envers les partisans et les joueurs, me partage Alex. On sait que les joueurs regardent nos capsules, donc on se donne le devoir de les encourager. Oui, on se fait de plus en plus reconnaître, for better or worse mais pour nous, c’est important d’aller regarder le match tout en haut, proches des vrais fans lorsqu’on achète nos billets. C’est là qu’ils sont. »
Alex admet qu’il vit un rêve de p’tit cul en faisant tout ça. Mais un rêve qui a un prix. C’est plus de 40 heures par semaine qu’il investit dans la page. Il doit publier en continu, faire du montage et interagir avec sa communauté. Il doit faire de plus en plus de gestion.
« Je vais délaisser de plus en plus le devant de la caméra pour m’occuper du management, derrière. C’est pour ça que j’ai des nouveaux joueurs comme Cédric qui prennent le lead. »
« Et tous ces sacrifices, pour moi, c’est payant, surtout quand j’ai des abonnés européens, par exemple, qui me disent qu’ils ne connaissaient rien au hockey et que, grâce à HFTV, ils sont maintenant de grands adeptes du Canadien. »
Aweille sur la glace
Je ne pouvais pas suivre l’équipe de HFTV sans les voir dans leur habitat naturel, soit en plein vox pop!
À cinq minutes de la fin du match, c’était une véritable course contre la montre. On ne veut pas manquer une seule minute de la frénésie des partisans après une victoire. Surtout que cette soirée-là, Caufield a marqué en overtime. C’était sick.
Telle une chorégraphie d’un premier trio bien rodé, les gars sont diablement efficaces.
Sprint dans les escaliers, montage de l’équipement, visionnement de la dernière minute du match sur la télévision de la Cage… VICTOIRE, célébrations et hop!, au tournage.
Il pleuvait à siaux, mais rien ne les arrêtait. Il devait bien y avoir 150 personnes autour de nous. On sentait l’énergie dans l’air.
Danick surgit de la foule, la crinque à un autre niveau. Les vidéastes tournent en continu. Une heure plus tard, ce n’est toujours pas terminé, ils continuent les entrevues. Je suis trempé jusqu’aux os, et je décide de rentrer. Faut croire que je ne suis pas fait fort.
C’était encore une fois mission réussie pour Alex : il a rassemblé les fans du Tricolore pour louanger l’équipe.
Go Habs go!