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Hangar 7826 : une salle d’exposition dans la ruelle
Je roule en vélo dans l’étroit labyrinthe de ruelles qui sillonne le cœur du quartier Villeray lorsque je tombe nez à nez, entre les rues Saint-Gérard et Foucher, avec l’artiste visuel et fondateur du Hangar 7826, Gilles Tarabiscuité, avec qui j’ai rendez-vous. Il allume une cigarette alors que le commissaire Laurent Vernet et l’artiste Emmanuel Galland nous rejoignent pour papoter autour du singulier projet érigé devant nous.
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Cachée entre les vignes et les escaliers en colimaçon, une minuscule quoique charmante salle d’exposition se dresse sur deux étages, minimaliste et détonante de modernité.
« Je crois que le bâtiment d’origine était occupé par le cheval du laitier dans les années 1950, évoque Gilles. L’ouverture était une porte cochère, donc possiblement une petite écurie. J’ai contacté la Ville à l’été 2019 et elle fut ravie par l’idée de métamorphoser la structure. Je pense que l’arrondissement essaie de se débarrasser de ces reliques d’une autre époque. J’ai eu un permis pour en faire un atelier d’artiste très rapidement, pourvu que ce soit bien isolé contre le feu, c’était l’une des seules conditions. »
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« Ça faisait des années que j’y réfléchissais, parce que pour participer à certains concours ou foires en Europe, bref avoir de la visibilité outremer, il faut être représenté par une galerie, souligne-t-il. J’ai donc décidé d’en construire une dans ma cour! »
Il m’explique que les travaux ont été effectués selon l’école DIY, en suivant les conseils d’un vieux maçon américain déniché sur YouTube. Les coûts sont demeurés faibles, outre pour la porte, qui fut l’investissement le plus important. L’édification s’est arrêtée en novembre 2019, le mortier régissant mal au froid automnal. Puis est survenue la pandémie, dont a profité l’enseignant au collégial pour continuer les travaux jusqu’en décembre 2020.
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« Les voisins voulaient une structure plus colorée, mais je désirais garder l’apparence brutaliste, poursuit Gilles. La réception dans le quartier est vraiment incroyable depuis le commencement. Tout le monde trouve ça trippant. Pendant le confinement, la ruelle était un lieu de réunion important. Le hangar perpétue cet esprit. J’ai d’ailleurs organisé une expo de dessin des enfants du coin. C’était magnifique. Et puis le quartier est rempli d’artistes, le mot s’est passé et les propositions fusent depuis. »
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En activité depuis avril 2021, le Hangar 7826 accueille actuellement sa cinquième exposition. Laurent décrit l’endroit comme « une galerie sans programmation officielle ni motivation mercantile ». « L’idée est d’exposer des artistes de manière indépendante à une époque où la représentation est difficile, et les délais d’attente, interminables », mentionne-t-il.
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« Ça prend des années avant de recevoir une réponse des institutions. Le nombre de lieux de diffusion est bien trop faible pour le volume de dossiers soumis. Il y a un engorgement évident », enchérit Emmanuel, également commissaire de profession.
Gilles ajoute : « Ce n’est pas une initiative antisystème, mais une offre alternative, réellement citoyenne, s’inscrivant dans la spontanéité et qui veut réunir les gens autour de l’art. Proposer des artistes professionnels issus de la scène des arts visuels, mais aussi une mixité plus amateure, un mélange d’échanges sans âgisme. Des projets qui me parlent, accessibles, susceptibles d’entretenir une belle relation avec l’inusité des lieux. »
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Le Hangar 7826 est ouvert au public, évidemment par la ruelle, les samedis et dimanches de 15 h à 17 h en présence de l’artiste exposé.e. « Je laisse d’ailleurs les lumières éclairées à la tombée du jour, donc les marcheurs du soir peuvent pratiquement voir tout l’expo, c’est une vitrine la nuit », dit Gilles en nous invitant à entrer.
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Avec ses puits de lumière, l’espace est illuminé et respire confortablement malgré l’exiguïté de la charpente bétonnée. Laurent m’introduit à S’AGITER, la série en cours. « Nous proposons un triptyque d’expositions individuelles rassemblant trois artistes : Emmanuel Galland, suivi en décembre de Sayeh Sarfaraz, une artiste d’origine iranienne développant un discours très personnel à travers l’univers du jeu, dit-il. Et on conclut en janvier avec Michael Patten, un artiste d’origine autochtone dont la pratique photographique se nourrit du quotidien. Je l’ai invité à revisiter l’immensité de son corpus. »
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L’exposition de novembre, Mes dates / Close friends, dévoile l’œuvre de Galland, une mosaïque de collages post-it grand format. « C’est un énorme gangbang, compulsif et évanescent », décrit l’artiste. Ses rencards, qui placardent les murs, sont des captures d’écran de génériques de films pornographiques gais, dévoilant un univers tant identitaire que typographique : « Une connivence silencieuse, anonyme. Un jeu sur les noms, la fiction. Le terrain graphique du juste avant, à la limite de la peau. Tout cela en respectant bien sûr le voisinage, dit-il, sourire en coin. J’ai toujours aimé faire le portrait décalé d’une communauté. »
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Enchanté par l’originalité de ce projet inspirant, j’emprunte à nouveau la ruelle sous les cordes à linge, convaincu que le futur est grand pour cette galerie aussi petite qu’inusitée.