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Halloween et M. Nagano

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Pour l’Halloween, L’OSM présente trois concerts sous le thème de l’épouvante et vous invite à venir écouter (déguisé) des pièces allant de la chanson thème du film Psycho à La Danse macabre de Saint-Saens. Voici la fois où on a parlé de musique classique, de requin et de fantastique avec Kent Nagano.

“Préparez-vous, dimanche matin, 9 h 50, vous recevrez un appel de M. Nagano sur votre téléphone cellulaire.”

La première chose à laquelle je pense, c’est qu’ils n’ont pas décidé de cette heure au hasard. M. Nagano a, il parait (et j’y crois), un horaire réglé au quart de tour, et je me dis que je n’ai que jusqu’à 10 h – dix minutes top chrono — pour poser mes questions. Je ne pensais pas passer une demi-heure à parler d’Halloween, d’enfance et de démocratisation de la musique classique avec cet homme mythique.

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Je suis assise dehors, ça sent les feuilles mortes et la terre et j’écoute La sorcière de midi, de Dvorak pour me mettre dans l’ambiance. J’ai le cellulaire sur mes genoux et j’entends à nouveau la voix dans ma tête :

“Préparez-vous, dimanche matin 9 h 50, vous recevrez un appel de M. Nagano sur votre téléphone cellulaire.”

Ça sonne. Je suis nerveuse. Je sors mon plus beau “Oui, bonjour?”. C’est une voix de femme, ça me perturbe :

-Bonjour, Madame Brossard-Charbonneau, êtes-vous prête à être mise en relation avec M. Nagano? Vous avez vos questions? Vous êtes prête?

-Oui oui, je suis prête.

-Parfait, je vous transfère.

“Bonjour, Madame Brossard-Charbonneau, ici Kent Nagano”.

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Sur quoi enchainer, après tout ce processus? Je suis déjà épuisée. Mais il me rend la tâche facile, il est déjà prêt à me parler de l’Halloween avec un enthousiasme débordant, puisqu’il me lance dès le début de l’entrevue qu’il s’agit de sa fête préférée.

Ayant grandi sur une ferme dans l’État de la Californie, pour M. Nagano, l’Halloween c’est le temps des récoltes. C’était le moment de l’année où les enfants n’avaient pas à travailler au champ et qu’ils pouvaient se réunir dans la grange pour se raconter des histoires de fantômes ou encore aller se perdre dans les champs de maïs déguisés en monstres.

Ce n’est pas aussi facile de passer l’Halloween dans une région agricole que dans un quartier de Brossard. Les enfants devaient prendre le tracteur pour parcourir les quelques kilomètres qui les séparaient de la ferme voisine où ils étaient invités à passer une partie de la soirée. Au-delà des costumes et des bonbons, il me dit aimer particulièrement l’Halloween pour cet aspect communautaire, un côté que la fête aurait perdu aujourd’hui par sa commercialisation.

L’Halloween, pour M. Nagano, n’évoque donc pas que l’horreur ni l’épouvante, mais plutôt le plaisir et la liberté.

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On ressent justement cette pluralité d’émotions dans la programmation du concert de l’Halloween, de l’OSM. Contrairement à ce que je croyais, on n’y retrouve pas que des morceaux dramatiques suscitant l’angoisse et le suspense. Ils ont justement choisi les pièces en considérant un équilibre entre des chefs-d’œuvre classiques et des extraits de musique de film.

Je me demande justement s’il a autant de plaisir à orchestrer la chanson thème d’Harry Potter qu’une œuvre de Moussorgski. Je vais même jusqu’à oser lui demander s’il a intégré ces pièces populaires dans l’optique de toucher un plus grand public.

Il me ramène à l’ordre en me disant que le public montréalais est exceptionnel, curieux et ouvert d’esprit et que ce dernier réagit toujours bien aux œuvres présentées, que ce soit de grands classiques ou des chansons plus folkloriques – comme il les désigne. Il ne juge pas ces pièces puisqu’elles deviennent, pour lui, des classiques dans la mesure où le public les estime depuis plusieurs années : “Si elles passent the test of time, c’est un symbole de qualité.”

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Je suis tout de même surprise quand, lui demandant quelle pièce de la programmation lui fait vivre le plus d’émotions, il me répond la chanson thème de film Jaws.

Il me raconte cette anecdote de la fois où, faisant du surf dans l’océan Pacifique (!), il a vu une masse noire glisser sous sa planche. La musique thème de Jaws a automatique joué dans sa tête, le paralysant de la tête au pied de terreur, jusqu’au moment où la tête d’un phoque (“avec ses jolies moustaches!”) a surgi de la surface de l’eau. L’histoire l’amuse beaucoup et son rire franc résonne dans mes oreilles. Je me prends à l’imaginer, lors du concert du 29 octobre, me remémorer cet évènement lorsque la chanson thème du légendaire requin résonnera dans la Maison Symphonique.

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Mais sa pièce préférée de la soirée est Tamara, de Balakirev, une œuvre qu’il souhaite mettre de l’avant depuis son arrivée à l’OSM.

Je me demande comment une des pièces favorites du chef d’orchestre peut avoir été mise de côté pendant si longtemps : “Ça a valu la peine d’attendre, elle est parfaite pour cette soirée!” Le morceau raconte l’histoire d’un jeune homme perdu dans les Alpes qui découvre, la nuit venue, un château sinistre d’où il discerne par la fenêtre une silhouette de femme d’une grande beauté. Une fois à l’intérieur, l’homme constate qu’il s’agissait en fait d’une sorcière, ce qui le fait bondir en bas de la fenêtre et causer sa mort.

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Cette histoire digne d’un conte de Maupassant me fait oublier qu’on parle de musique. Ça sent l’automne, le ciel est gris et lourd, les arbres sont dénudés de feuilles. Et M. Nagano me raconte des histoires fantastiques. Je sens que ce sera une Halloween mémorable.

***

Si vous êtes trop peureux pour écouter l’orchestre vous jouer la chanson thème de Psycho, il y aura d’autres occasions. Notez ces dates à votre agenda!

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