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HAKIM À QUÉBEC

Enquête sur notre peur de l'Autre

Par
Maxime Beauregard-Martin
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Pour le dernier numéro du magazine URBANIA, on s’est penché sur nos réflexes collectifs, notamment notre peur de l’autre. La ville de Québec est souvent pointée du doigt quand on se penche sur nos bobos identitaires. Elle a été le théâtre d’une fusillade visant précisément la communauté musulmane ; les commentateurs radio qui y règnent ne se gênent pas pour tomber dans la provocation et le dénigrement de l’étranger ; les plaintes pour crimes haineux y sont en hausse. Mais qu’en est-il au quotidien ? On a tendu le micro à ceux qui doivent composer avec notre peur. Incursion dans la vie de (quelques) musulmans de la capitale.

Cet article est tiré du Spécial Nouveau Québécois du magazine URBANIA (en kiosque dès maintenant).

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Le 29 janvier 2017, un étudiant canadien de 27 ans, connu pour son ultranationalisme et sa xénophobie, a tiré sur les fidèles réunis dans la grande mosquée de Québec, tuant six personnes et en blessant huit autres. Près d’un an plus tard (quelques jours après la manifestation à visage découvert de groupes d’extrême droite devant l’Assemblée nationale), j’apprenais que depuis la fusillade, 71 crimes haineux avaient été enregistrés dans la capitale nationale, dont 42 avaient visé spécifiquement des musulmans. Le verdict tombait une fois de plus sur ma ville avec une statistique désolante… Je dis ma ville, parce que même si je suis né à Montréal, j’ai choisi de vivre à Québec pendant cinq ans. Et 6000 des 300 000 musulmans de la province ont fait le même choix.

Les Montréalais branchouillards roulent généralement des yeux lorsqu’ils apprennent que j’y ai jadis vécu. J’imagine que c’est parce qu’on aime bien pointer du doigt Québec pour sa fermeture d’esprit et ses politiques de droite. Après tout, c’est dans cette région qu’aux élections fédérales de 2016, le Parti conservateur a récolté 39 % des voix, contre 25 % dans le reste du Québec… Sans parler des propos acides qui polluent les ondes FM du coin. Je me suis toujours interdit de les écouter, pour les mêmes raisons que je ne m’inflige pas de regarder des films d’horreur. Et aussi parce que je refuse de les laisser définir mon rapport à la ville. Mais il suffit d’une virée sur le site sortonslespoubelles.com pour mesurer tous les efforts que certains animateurs déploient pour creuser le fossé des différences. C’est bas, c’est mal documenté, c’est à vos risques et périls.

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Toujours est-il que pour cet article, on m’a demandé de m’immiscer dans le quotidien d’une personne musulmane de Québec pour en comprendre les défis, pour mesurer de manière qualitative le racisme systémique qu’elle peut vivre. Je ne m’attendais pas à découvrir que la population québécoise est meilleure ou pire qu’ailleurs. Je ne fais pas partie de ceux qui, après une semaine dans Tribeca, sont capables de définir les New-Yorkais. En fait, ça m’intéressait parce que j’espérais qu’une histoire me tombe dans les mains.

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On m’a organisé un blind date avec Hakim à la Place-Laurier. Il arrive d’un pas assuré dans son complet gris, on se met en file devant le resto japonais de la halte-bouffe. Je le trouve très à l’aise, et c’est normal. « Je ne suis pas sûr d’être le candidat qu’il vous faut. Ça fait au-delà de 20 ans que j’habite la ville, et je me sens déjà bien intégré. Toi, tu commandes quoi ? »

Père d’une famille reconstituée, ancien militant de Québec solidaire, assistant-coach de l’équipe de hockey de son fils, professionnel d’un domaine affichant le plein emploi, Hakim ne se considère pas comme étant de confession musulmane. Mais de culture musulmane, « assurément ». Et il se sent chez lui à Québec. Vous me voyez venir : documenter le processus d’intégration de Hakim, ç’aurait été comme faire passer un test de solfège niveau 1 à la cantatrice Marie-Nicole Lemieux.

« Quand des musulmans d’ailleurs me demandent des conseils au sujet de leur immigration au Québec, je leur dis : “Apprenez l’anglais, et déménagez dans le reste du Canada.” »

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Hakim a bien ressenti, au lendemain des attentats terroristes de Paris, que les discussions de collègues s’évaporent dès son arrivée dans la salle des employés, mais sinon, rien. Son témoignage m’a soulagé. Oui, c’est possible pour un immigrant de se sentir chez lui et en sécurité à Québec. Mais il me fallait aussi tendre l’oreille aux autres. « Je me positionne peut-être du côté le plus optimiste du spectre, reconnaît Hakim. Il y a des musulmans qui ne partagent pas mon sentiment, surtout depuis la fusillade. » Il me présente donc par courriel à Rachid Raffat, qu’il décrit comme un pilier de la communauté, un pivot entre laïcs et religieux. Parallèlement, une autre piste m’a mené jusqu’à Malika.

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Quand Malika[*] raconte son histoire, on dirait qu’elle ficelle adroitement un happy end.

Elle a un continuel sourire en coin, et son gloss rose le rend bien. Ses yeux sont turquoise lumineux. Son voile, turquoise mat. On est là pour parler de discrimination systémique en milieu de travail, mais ça ne paraît pas.

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Quand Malika raconte son histoire, ça part de loin. On finit par se dire que le Tim Hortons de l’avenue Myrand est indigne d’en être le témoin privilégié. Mais quand Malika raconte, on écoute. Elle a un petit rauque jazz dans la voix. Il faut dire que ça donne le goût. Et quand on écoute bien, on finit par comprendre qu’elle ne la connaît pas plus que nous, la fin de son histoire.

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Nous étions à la mi-janvier quand j’ai reçu cette réponse de Rachid, adressée à Hakim et moi :

« Salam Hakim,

Je croule, avec d’autres, sous le nombre de requêtes de journalistes, cinéastes, documentaristes, chercheurs, depuis la fin décembre et dans la perspective du 1er anniversaire de la tuerie de la mosquée. Je t’assure qu’il ne passe pas UNE JOURNÉE sans une entrevue.

Vu mon âge, mon état de santé et mon travail, je suis épuisé, mais je ne refuse pas la moindre requête. Je dois bien ça à nos frères assassinés, aux six veuves, aux 17 orphelins, aux survivants blessés, aux traumatisés, dont quatre enfants terrorisés par les assassinats perpétrés sous leurs yeux.

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Il me fera donc plaisir de rencontrer Maxime à sa convenance et selon les disponibilités de chacun.

Salam à toute la famille. »

On convient d’un rendez-vous dans le lobby du Delta. « Entre-temps, si vous êtes à Québec ce week-end, je donne une conférence à l’Université Laval : Fragilité du vivre ensemble, religion et violence. »

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Quand Malika raconte, on écoute religieusement, même si on n’est pas croyant. Et c’est tant mieux, parce que l’enregistreuse fait défaut. On comprend qu’il s’agit d’une femme de tous les combats. Une immigrante formée comme ingénieure en Algérie, tentant en vain, faute d’argent, de faire valoir l’équivalence de son diplôme dès son arrivée au Québec en 1999, dans un milieu majoritairement masculin, afin de subvenir, comme mère monoparentale, aux besoins de ses trois enfants, dont un atteint de la trisomie 21. « À 42 ans le sacrifice est devenu monnaie courante. Il ne me fait plus peur. Je sais qu’il donne de bons résultats à long terme. »

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Elle loue l’éducation de son père qui l’a, dans un pays aux valeurs traditionnelles, encouragée à se battre avec les garçons et à prendre sa place. L’éducation paternelle, mais aussi la biographie d’Helen Keller, la première personne sourde et aveugle à obtenir un diplôme universitaire. « Mon fils aîné me fait penser à moi, lorsque j’étais jeune. Il est famous à l’école, et utilise son influence pour lutter contre la discrimination et l’intimidation. C’est ce leadership positif que j’essaie de léguer à mes enfants. »

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Les gradins sont dégarnis, une vingtaine de personnes tout au plus sont présentes. Une dizaine de nouveaux auditeurs se joindront au compte-gouttes tout au long de la conférence. Rachid, doyen de l’assemblée du haut de ses 64 ans, s’avouera déçu du faible taux de participation des jeunes musulmans.

Il l’annonce d’entrée de jeu : les propos de sa conférence n’engagent personne d’autre que lui, et encore moins le Centre culturel islamique de Québec. Fonctionnaire provincial établi à Québec depuis quarante ans, il révèle que son espoir d’un vivre ensemble a été lui aussi fusillé le 29 janvier. « Quand des musulmans d’ailleurs me demandent des conseils au sujet de leur immigration au Québec, je leur dis : “Apprenez l’anglais, et déménagez dans le reste du Canada.” » Sa dureté a quelque chose de triste, mais son argumentaire est touffu.

« C’est l’absence de ressources que j’ai trouvée difficile. Le sentiment d’isolement, d’injustice.»

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Pendant sa conférence, il pointe d’abord du doigt les élites politiques et médiatiques, qu’il accuse d’entretenir un déficit identitaire à travers la province. « Pourquoi annuler la consultation sur le racisme systémique ? Comment interpréter le fait qu’au lendemain de la tuerie de la mosquée, j’aie pu répertorier 11 groupes haineux antimusulmans de droite, uniquement à Québec ? Pourquoi se sentent-ils désormais autorisés à sortir dans les rues ? Pourquoi bénéficient-ils d’une si grande couverture médiatique ? Pourquoi, au Québec, les antimusulmans d’origine musulmane sont-ils des vedettes ? On lutte contre la radicalisation, mais quel geste posons-nous pour l’intégration ? Notre obstination à engager un réel débat sur le racisme me fait penser à un patient qui refuse d’accepter la maladie qui le ronge : il n’y a aucun secours possible. Toutes ces élites résistent à cet appel à la discussion, profond et triste, ce qui n’augure rien de bon pour le vivre ensemble. D’autant plus dans une société obligée d’ouvrir ses portes à l’immigration pour ne pas disparaître. »

Selon le dernier bilan démographique du Québec de 2017, l’indice de fécondité reculait sous la barre du 1,6 enfant par femme. Un chiffre qui ne suffira pas à combler le départ à la retraite de 1,1 million de travailleurs entre 2013 et 2022, selon les estimations.

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Je m’étonne d’entendre Rachid décocher ses dernières flèches contre les musulmans du Québec eux-mêmes, qu’il taxe de passivité nocive. « On ne peut pas se faire respecter si on n’a pas pris conscience de la nécessité d’être organisés. Quitte à faire un lobby ! Et c’est comme ça que ça marche dans les démocraties occidentales. Sans réelle mobilisation pour créer une force – pacifique, bien entendu –, il n’y aura rien. Nous n’avons aucune prise parce que même si nous sommes nombreux, nous n’intervenons pas. L’individualisme des musulmans est effarant. Pourquoi les gens victimes d’actes islamophobes ne portent-ils pas tous plainte ? Pour les autres musulmans, je les supplie de le faire ! Les élites en place comme les membres de la communauté, nous sommes dans un no man’s land. »

La période de questions s’étire, et se tend. « Je suis impressionné par la haute teneur en cynisme de votre conférence, avance un jeune professionnel. Il devait être question de vivre ensemble ! Nous sommes la deuxième génération, nous sommes au Québec pour y rester, et nous voulons des solutions. Notre génération croit encore en un vivre ensemble harmonieux. » D’autres prennent le relais pour compléter le propos, jusqu’à ce qu’une sage s’avance au micro. Elle est digne, et sa voix tempère. « À nous de refuser d’être vus comme de simples musulmans. Je suis citoyenne canadienne, sénégalaise d’origine, noire, femme, mère, grand-mère, amie d’énormément de gens. Et musulmane. C’est la religion que je pratique, et j’en suis fière. Avant, je ne portais pas de foulard. Après le débat sur la Charte des valeurs québécoises, j’ai décidé de le porter. Quelle que soit notre religion, nous sommes tous des immigrants au Québec. Nous devons avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs. On ne peut pas obliger les gens à nous aimer, mais on peut au moins, selon les institutions qui existent, les obliger à appliquer les lois. À nous de faire en sorte qu’elles soient respectées. » Je me dis qu’à un mot vulgaire près, nous ne sommes pas loin des paroles d’un hit de Meredith Brooks. Sauf que je ne prends pas le crachoir.

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«Le fils de l’un de mes amis a voulu aller jouer avec deux autres enfants près de notre table. Quand mon ami est allé le chercher, le père des deux enfants lui a dit : “Pourquoi vous regardez mes enfants ? Je ne veux pas que vous les approchiez. Je sais comment vous faites, vous autres, avec les enfants.” »

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Quand Malika finit son histoire, le café refroidit. Avec la plus grande élégance, elle passe de son admiration pour Keller au récit du arcèlement psychologique qu’elle a subi au travail et qui l’a récemment conduite à l’épuisement professionnel. Je comprends que ce harcèlement ne visait ni son voile ni sa religion, mais je la laisse quand même finir. Au cœur du conflit, des papiers trafiqués sur lesquels elle aurait refusé d’apposer sa signature de chargée de projet, au nom de l’éthique professionnelle. « On me demandait de mentir sur certains rapports. Pour moi, c’était hors de question. » Sa résistance a fini par lui coûter son emploi. « On aurait voulu que je démissionne. On m’a isolée des autres collègues, surchargée de travail. Mais je suis restée. Jusqu’à que j’apprenne qu’on avait coupé mon poste. » Malika demeure évasive, par crainte de représailles.

Elle doit partir dans une dizaine de minutes. Un employeur potentiel l’attend pour une entrevue d’embauche. Un contrat de quelques mois, qui pourrait combler les besoins de sa famille, et lui fournir de meilleures références que son employeur précédent.

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Avant qu’elle ne se lève, je me lance : « Mais Malika, votre histoire, elle aurait pu arriver à n’importe qui. On ne s’est jamais attaqué à votre identité, n’est-ce pas ? » Elle me répond que non. « C’est l’absence de ressources que j’ai trouvée difficile. Le sentiment d’isolement, d’injustice. Par exemple, si j’avais été plus proche de ma famille, les choses auraient peut-être été moins difficiles. »

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Une dizaine de jours après son passage à l’Université Laval, je retrouve Rachid. En formule tête à tête, il repasse un à un les arguments de sa conférence. « Nous avons échoué à vivre ensemble », répète-t-il. Mais je ne veux pas croire qu’il le pense. À la commémoration citoyenne – qui avait eu lieu quelques jours plus tôt, dans le stationnement de l’église Notre-Dame-de-Foy –, nous étions plusieurs milliers à nous recueillir dans le froid extrême pour honorer la mémoire des victimes de la fusillade de la grande mosquée. Des paroles des veuves et des premiers écorchés par la fusillade, je retiens cette phrase d’un homme, qui refuse de détester sa terre d’accueil : « Pour un musulman, aimer sa patrie, c’est en soi un acte de foi. » Les gens applaudissaient en mitaines, et c’étaient des battements de cœur qu’on entendait.

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« Mais, Rachid, sans vous en rendre compte, vous l’avez nourri pendant votre conférence, l’espoir d’un vivre ensemble. En nous racontant une histoire ! Celle de votre père musulman, qui, en pleine crise politique en Algérie, a été sauvé par des prêtres français chrétiens. Il faut bien croire aux ponts qui nous unissent. »

Rachid s’attendrit. Il veut raconter de nouveau son récit, cette fois en savourant les détails. « En tant que croyant, je suis sûr que Dieu nous envoie des signes d’une symbolique inouïe pour soulager notre détresse. Et c’est ce qui m’est arrivé. Avant que la guerre ne se déclenche en Algérie en 1954, mon père militait déjà pour l’indépendance de son pays. Quand la révolution a éclaté, il a fui en Tunisie pendant sept ans, aidé par des prêtres ouvriers. Durant la guerre, ce sont eux qui m’ont formé, m’ont donné une tête, une passion pour la littérature. Et ces prêtres militaient aussi pour l’indépendance de l’Algérie. Certains ont vécu en prison, torturés par l’armée française. Ils vivaient avec le monde, le vrai. Et ils étaient animés par une obsession de la justice sociale et de la dignité. Pour eux, c’était la justice avant la patrie.

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Quand il partait pour la France, l’un de ces prêtres passait par la Tunisie pour y voir mon père. Un beau Breton à la grosse barbe. Lorsqu’il était de retour en Algérie, mon grand-père le faisait venir à la maison, une heure avant le couvre-feu. Il nous prenait à tour de rôle dans ses bras, mes frères et sœurs et moi, en nous disant : “Ça, c’est ton papa qui t’embrasse.” Et je sentais l’étreinte de papa. À l’époque, gamin que j’étais, ça m’impressionnait. Aujourd’hui, je sais que ça m’a marqué à vie et à mort. Je pense que les seuls moments de bonheur que j’ai eus dans ma vie ont été quand je cultivais ce souvenir. Ni l’amour d’une femme, ni ma réussite professionnelle, ni l’amour d’un enfant ne m’auront procuré une joie aussi profonde. Parce que ça transcende la famille, la religion, le temps, le lieu. C’était extraordinaire. Le monde dont je rêve existe, de manière très marginale, à travers ces prêtres ouvriers. Quand je suis allé me recueillir sur la tombe de ce prêtre en Bretagne, c’était un hommage à l’universalité humaine. Et mon père et ce prêtre chrétien sont au paradis ensemble. Je le sens. »

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Plus tard en soirée, Malika m’écrit : « Maxime, ton nom m’a porté bonheur deux fois hier. Parler avec toi a diminué mon stress. Et un ancien collègue du même nom a dit beaucoup de bien sur moi à cet employeur. J’ai obtenu le poste. »

J’ai cru au départ que son témoignage était inutilisable, parce qu’elle ne faisait pas l’objet d’un racisme systémique probant. Mais elle était peut-être là, la clé, au fond. N’est-ce pas un piège que de remâcher inlassablement des histoires de foulard ? Ne gagnerions-nous pas plutôt à utiliser plus souvent nos tribunes pour saluer le courage d’une femme menant des combats qui pourraient aussi être les nôtres ? Ne la respecterions-nous pas davantage ? N’avons-nous pas la responsabilité de laisser les musulmans se raconter à travers un autre filtre que celui de la religion, à Québec comme dans le reste de la province ?

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L’article devait s’arrêter là. On m’avait commandé un texte sur l’état des lieux du racisme à Québec et mes rencontres m’avaient finalement mené sur un tout autre chemin. Hakim, Malika et Rachid ne constituaient en rien un échantillon, encore moins LE visage de la communauté musulmane de Québec. Simplement trois parcours où la religion était en toile de fond, sans être le centre du portrait. Au risque d’avoir l’air fleur bleue – il faut croire qu’apprendre par cœur le film You’ve Got Mail forge une personnalité –, j’espérais surtout que ces histoires nous donnent envie de s’en laisser raconter d’autres.

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Et puis Hakim m’a écrit : « Hier, j’étais dans un restaurant de la Place-Laurier avec des amis tunisiens. Le fils de l’un de mes amis a voulu aller jouer avec deux autres enfants près de notre table. Quand mon ami est allé le chercher, le père des deux enfants lui a dit : “Pourquoi vous regardez mes enfants ? Je ne veux pas que vous les approchiez. Je sais comment vous faites, vous autres, avec les enfants.” » Le gestionnaire de l’établissement est intervenu. Mais le repas entre amis a été avalé de travers.

« Ça m’a chamboulé. Comme s’il ne pouvait exister de solidarité entre papas. Plus tard, pendant le souper, mes amis ont raconté des épisodes semblables qu’ils avaient vécus. Force est de constater qu’il existe un malaise général au Québec autour de la communauté musulmane. Un malaise plus grand que je ne le soupçonnais. Mais il est difficile à quantifier : personne ne rapporte ce genre d’incidents. Pour ma part, c’était la première fois de toute ma vie que j’assistais à un épisode de racisme aussi direct. La journée avait pourtant bien commencé. J’arrivais justement de la séance photo pour cet article. »

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L’histoire me désole. Je refuse de croire que l’incident est le fruit d’une circonstance géographique, mais les arguments me manquent pour le prouver. À chacun sa foi.

Pour lire d’autres reportages au sujet du Québec d’aujourd’hui, procurez-vous le Spécial Nouveau Québécois du magazine URBANIA, en kiosque ou en ligne !

[*] Nom fictif