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Et Lucie Mitchell n’a jamais brûlé les mains de la petite Aurore.
L’autre soir, j’entendais Céline Galipeau dire qu’Emmanuelle, la célèbre actrice des films folichons des années 70, était morte. Quelques jours plus tôt, Patrice Roy annonçait la sortie de la nouvelle BD d’Aurélie Laflamme, La Célibataire. Pas être au courant qu’India Desjardins travaillait sur une BD, j’aurais pu comprendre que le personnage fictif d’Aurélie Laflamme avait décidé d’écrire une BD, information qui aurait difficilement pu trouver sa pertinence dans un segment du téléjournal. À moins qu’il ne se fût agi de l’interprète d’Aurélie, Marianne Verville, qui se soit mise à l’écriture? Mais non. Il s’agissait bel et bien d’une BD d’India Desjardins, et du décès de la reine de Bleu Nuit, Sylvia Kristel.
Ça fait, comme ça, sept ou huit fois en quelques jours seulement que j’entends des animateurs, chroniqueurs, commentateurs, confondre Angie Caron avec Élise Guilbeault, le gars qui se touche dans le parc avec le chanteur des Trois accords, le personnage du psychologue d’En Thérapie avec un vrai psychologue membre de l’ordre qui lui, on le sait, n’est pas sensé agripper son client par le collet ou dire à sa patiente qu’il a envie d’elle.
Comme si, depuis quelques jours, on avait oublié la ligne mince qui sépare la réalité de la fiction. Un tout petit glissement, comme ça. En somme, ce n’est pas très grave. C’est poche pour India et pour le chanteur des Trois accords qui doit expliquer à heure de grande écoute qu’il ne se touche pas dans le parc. Mais c’est pas la fin du monde.
Pourtant, la confusion réalité fiction peut avoir des effets pervers.
En 1952, l’actrice Lucie Mitchell campait le rôle de la méchante belle-mère d’Aurore l’enfant martyre. Dans ce temps-là, c’était comme si la madame avait elle-même mis les mains de la petite fille sur le rond du poêle. On dit que ce rôle a sonné la fin de sa carrière. On dit aussi que la fin des Belles histoires des pays d’en haut a été fatale pour la carrière de Jean-Pierre Masson, l’acteur derrière Séraphin. Le pauvre n’aura pas survécu jusqu’à la mise en ondes d’ARTV, où il aurait au moins reçu des droits de suite.
On peut penser que les gens des années 50 étaient niaiseux de confondre ainsi réalité et fiction, mais à l’époque, c’était compréhensible. La télévision venait d’arriver dans nos foyers, et seulement 50 ans plus tôt, la projection d’un film où on voyait un train entrer en gare faisait sortir les gens de la salle parce qu’ils avaient peur que le train leur fonce dessus.
Les gens des années 50 avaient l’excuse de la nouveauté. Nous, celle du relâchement? On a fait des efforts pendant des années et là on slaque un peu parce que c’est compliqué de pas mélanger les deux? Dans ce cas, je n’aurais qu’une chose à nous dire : Ressaisissons-nous!
J’ai parlé beaucoup de cet insidieux glissement avec ma blonde et ensemble, nous nous sommes questionnées sur ce qui a pu se passer pour qu’on l’échappe comme ça. Récemment, elle est tombée sur le courrier des détenues d’Unité 9, une expérience prolongée sur le web qui a permis à «Une amie qui t’ aime» de demander à Marie Lamontagne: «J’aimerais savoir ce que tu as fait à ton père, je n’étais pas présente lors de cette émission».
J’aimerais juste dire à «Une amie qui t’ aime» que Marie Lamontagne, que vous voyez évoluer dans la série Unité 9, ne sait pas qu’elle est dans une «émission». J’aimerais aussi expliquer à Nat la tannante que Marie ne peut pas recevoir de visites et à toutes les autres que les conseils que vous donnez aux détenues risquent d’avoir peu d’impact sur le cours de votre divertissement du mardi soir.
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