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Souvent perçu comme cinglant et polémiste, l’humoriste Guillaume Wagner sait aujourd’hui manier la nuance. La leçon, apprise à la dure chaque fois qu’il a trébuché, sera mise à l’épreuve dans son troisième spectacle Du cœur au ventre.
Guillaume Wagner ne s’en cache pas : entre son personnage médiatique et lui, les relations ne sont pas toujours au beau fixe. Ce rapport conflictuel, il en a fait un puissant moteur de création pour la construction du prochain one man show dont la première aura lieu dans quelques jours. Mais c’est un processus qui ne se fait pas sans heurts.
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Image ou marque
« C’est extrêmement violent », lance-t-il en entrevue, avec une note d’impuissance dans la voix. « Tout le monde pense que je suis cinglant, baveux. On me cantonne à quelque chose alors qu’un être humain, c’est tellement plus complexe que ça. »
«Tout le monde pense que je suis cinglant, baveux. On me cantonne à quelque chose alors qu’un être humain, c’est tellement plus complexe que ça.»
Réaliste, et concevant qu’il ne peut échapper au regard du public, l’humoriste tente au mieux de maîtriser les contours de son image. « J’veux juste être moi-même. Chaque artiste doit jouer avec la manière dont les gens le perçoivent et ce qu’il est vraiment. »
Un défi difficile à relever. Surtout qu’il ne veut pas être « juste le gars arrogant, négatif, cynique », en admettant du même souffle qu’il s’agit de son principal ressort humoristique et donc, logiquement, de ce qui le fait vivre. Entre l’image et la marque de commerce, la ligne est mince. Selon lui, aucun artisan de la sphère publique n’a le luxe d’être soi-même. Pas trop loin « dans le fond de sa tête », sa conscience sait qu’il est constamment en représentation.
Faire « réfléchrir»
Force est de constater que ces réflexions ont aussi du bon puisque l’humoriste est convaincu d’avoir concocté son meilleur spectacle en carrière. Une heure trente où se côtoient des thèmes sérieux ancrés dans les préoccupations de notre époque, et des moments de malaises avec la pointe d’acidité qui ont fait la marque de l’artiste.
Guillaume Wagner en profite donc pour déchiffrer l’individualisme, le narcissisme, la surconsommation pour « planter une graine » dans la tête de son auditoire. L’objectif? Brasser la cage, rien de moins. « J’veux être capable de détruire les idées préconçues du public, qu’il fasse table rase et que les gens trouvent par eux-mêmes ce qu’ils veulent construire par-dessus ça. »
Évidemment « ça reste un show d’humour », ce n’est pas un exercice d’endoctrinement. La force du spectacle est ailleurs. On y apporte un peu d’espoir, on propose des pistes de réflexion plutôt qu’une morale.
Un mandat ambitieux… et parfois périlleux « J’me fixe pas beaucoup de limites, mais on en même temps, j’me censure toujours », réalise-t-il avant d’enchaîner « quand je blesse du monde, au moins j’essaye que ce soit pour une bonne raison ! »
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Embarquer dans le train
Diplômé de l’École nationale de l’humour en 2006, Guillaume a toujours voulu faire du stand up, c’est son « dada ». Mais comme la plupart de ses collègues, il a dû tâter d’autres plateformes. Et ça, ça le « fait chier », dit-il après avoir tourné sa langue qu’une seule fois.
« On est vraiment trop partout. […] C’est comme si on était là pour désamorcer. Si c’est trop sérieux, on pourra dire ‘‘Hey non non c’est pas si sérieux que ça, on peut faire des blagues’’ ».
Télé, radio, YouTube, réseaux sociaux, selon Wagner, l’omniprésence des humoristes abaisse l’humour au rang de simple divertissement, alors qu’il s’agit pour lui d’une forme d’art. Ce serait là un des symptômes d’un fléau beaucoup plus vaste : « on est vraiment trop partout. On ajoute du sucre dans tout, surtout dans les émissions de variétés. C’est comme si on était là pour désamorcer. Si c’est trop sérieux, on pourra dire ‘‘Hey non non c’est pas si sérieux que ça, on peut faire des blagues’’ ».
Chose certaine, de son côté Guillaume Wagner semble prêt à « crisser à terre » les limites de l’humour. On pourra en juger dès le 8 mai au théâtre Outremont pour la première montréalaise de Du cœur au ventre présenté dans le cadre du Dr. Mobilo Aquafest.
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Cette entrevue a été réalisée dans le cadre de la 23e édition des Jeux de la communication qui s’est déroulée du 6 au 10 mars 2019 à Montréal. URBANIA ainsi que Royal Photo étaient partenaires de l’épreuve « Portrait journalistique » lors de laquelle le texte et la photo qui l’accompagne ont été produits.