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Guide d’introduction à la scène locale de Québec

Tour d'horizon de l'industrie musicale de la Vieille Capitale.

Par
Mathieu Aubre
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URBANIA et Volkswagen s’unissent pour vous faire découvrir une scène musicale unique.

Si Montréal est reconnue comme une plaque tournante de l’industrie musicale canadienne, alors que des artistes en provenance de Toronto, Calgary ou encore Halifax viennent régulièrement s’y installer pour les loyers modiques ou les communautés inspirantes, elle est loin d’être la seule ville à faire vibrer le Québec musical.

La vieille capitale n’a en effet rien à envier à la métropole, avec une scène aujourd’hui bouillonnante de créativité et d’initiatives.

Cet essor est cependant relativement récent et chez URBANIA Musique, on était curieux d’explorer la scène locale actuelle et comprendre les différents facteurs qui ont mené à ce « nouveau » dynamisme. Pour une fois qu’un article sur Québec ne parle pas de Régis Labaume ou de radios-poubelles.

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Des débuts bien tranquilles

Bien qu’au début des années 2000, certains gros noms résidaient à Québec, la scène indépendante en était quant à elle à ses premiers balbutiements. Ce n’est pas qu’il n’existait pas de groupes, mais on y trouvait peu d’initiatives permettant des orientations communes ou des mouvements artistiques assez marquants pour s’imposer dans l’imaginaire collectif.

En 2012, ça commence à changer. Il faut dire que la ville héberge alors plusieurs groupes qui commencent à faire parler d’eux dans les médias émergents, mais cette situation engendre peu de gros acteurs pour la scène underground, faute de lieux de diffusions ou de réelle industrie locale parce que si les groupes ne manquent pas, les salles de moindre envergure, un public local et fidélisé et des bons vieux lieux de rencontre comme des bars ou des magasins d’instruments, eux, qui brillent par leur absence.

Parenthèse

Petit cours de géographie de Québec 101 : la plupart des artistes indie sont centralisés dans les environs de deux quartiers centraux de la basse-ville, soit St-Roch et St-Sauveur (l’équivalent du Plateau et d’Hochelag pour Montréal). Les quelques salles de concert s’y trouvent aussi et certaines roulent déjà très bien, comme le Scanner, temple du punk de la place. Par contre, le public à même d’apprécier les musiques émergentes qui y apparaissent reste jeune et bien souvent étudiant. Et il faut se le dire, l’Université Laval est assez loin de tout ça et les transports en commun de la Capitale ne sont pas reconnus pour leur efficacité. De plus, Québec ayant une banlieue très élargie, ce n’est pas tout le monde qui est prêt à faire de la route pour aller voir trois bands inconnus dans un petit bar crado.

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Un projet qui donne l’exemple

C’est là que le Pantoum entre en ligne de compte. Deux jeunes vingtenaires, musiciens et visionnaires, décident de créer un lieu multifonctionnel pour supporter leurs projets et ceux de leurs amis. Membres notamment de la formation nu funk Beat Sexü, Jean-Étienne Colin-Marcoux et Jean-Michel Letendre-Veilleux créent un collectif qui proposera, quelques années plus tard, un lieu de résidence temporaire, un studio d’enregistrement, une salle de spectacle, un label et un micromédia, le tout sous un même toit. Ouin, rien que ça.

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Aidés par cet élan, plusieurs groupes feront bientôt parler d’eux ailleurs que sur les ondes de CHYZ, la radio étudiante de l’Université Laval, et des frontières du blogue culturel Écoutedonc.ca. Certains groupes font en effet leur entrée à Montréal via la station radio CISM ou le journal Voir et tournent dans le cadre de Pop Montréal ou dans des soirées au Quai des Brumes, au Divan Orange et à l’Esco. C’est ainsi que la scène s’exporte, les De La Reine, Gab Paquet et Men I Trust de ce monde peuvent enfin sortir de chez eux.

En parallèle : une autre scène, une autre tradition

En ce qui a trait à la scène punk et metal, cet engouement existe déjà. Certains groupes, comme Mute, Get the Shot, Blinded By Faith ou encore Never More Than Less, ont déjà des carrières internationales et Les Goules sont des légendes partout au Québec. Leur musique, bien souvent anglophone, s’exporte mieux et fait face à une demande plus marquée.

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Le public metal existe partout et un réseau s’active à la grandeur du Québec depuis les années 90, dans des lieux aussi reculés que Rouyn-Noranda. Et les lieux de diffusions à Québec même sont déjà existants. Le Scanner roule depuis 1997 et la jeune compagnie District 7 Productions, menée par le booker et producteur de spectacles Karl-Emmanuel Picard, qui organise des soirées depuis son adolescence, avant de co-fonder le « nouvel » Anti en 2015. Des dizaines de bookings sont réalisés chaque mois par l’organisation.

« Les groupes punk ou métal ont déjà leur réseau de construit depuis un bout, mais ça reste relativement hermétique. Y a pas mal de groupes hardcore ou stoner qui trouvent malheureusement pas leur compte dans la vieille scène ici. » – Jean-Étienne Colin-Marcoux du Pantoum.

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Rap queb de Québec

Du côté du hip-hop, comme dans le reste de la province, ce n’est qu’à partir des années 90 que l’on voit un certain engouement et, entre 2000 et 2005, certains s’en sortent déjà très bien. Souldia, ex Mafia 03, a une carrière florissante, même s’il peine quelque peu à percer la scène montréalaise.

Boogat débute sa carrière solo et Webster fait la loi dans Limoilou. En 2007, Alaclair Ensemble, collectif réunissant les deux solitudes de Québec et Montréal, formé notamment du duo local Accrophone, lance un album majeur. 4,99 est encore cité comme le point de départ de l’engouement récent pour le rapkeb et les yeux commencent à se tourner tranquillement pas vite vers l’extérieur de la métropole. Koriass s’est d’ailleurs installé dans la Capitale il y a quelques années, soulignant ainsi le renouveau de la scène. Depuis, des jeunes artistes talentueux se sont chargé de la relève, comme Maestronautes ou Sarahmée.

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Québec la rassembleuse

Suivant cet courbe qui reste ascendante, plusieurs festivals prennent de l’expansion. Le Festival d’été de Québec, qui célébrait sa 51e édition cette année, soutenait déjà un peu la scène locale, mais a commencé à le faire de plus en plus avec les années. Envol & Macadam aura fait de même depuis les années 90 pour les groupes à tendances plus loud. D’autres évènements ont vu le jour depuis, comme les Nuits psychédéliques, les festivals OFF de Québec et St-Roch Expérience. Tous offrent de nouvelles tribunes aux groupes émergents ou underground, souvent devant un public beaucoup plus large et nombreux que dans les quelques rares salles où ces groupes se produisent de manière régulière.

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« C’est cool qu’il y ait plus de festivals, mais c’est pas tout le monde qui se déplace pour y aller, de sorte qu’on finit quand même par jouer devant le même monde. Va falloir que l’offre se diversifie un peu comme St-Roch Expérience le fait avec un volet bouffe, si on veut vraiment attirer le grand public et inciter les gens de la banlieue à sortir » — Laurence Gauthier-Brown du groupe Victime.

Les salles ferment

Parlons-en, justement, de ces salles, parce qu’une crise subsiste depuis maintenant quelques mois sur la scène de Québec. En 2007, un nouveau joueur a chamboulé les cartes on-ne-peut-plus positivement. Le 228 St-Joseph, alors vacant, a fait place à un nouveau complexe offrant deux salles de spectacle et un restaurant aux citoyens de la ville. Ce complexe, c’est le Cercle. Si l’Impérial voisin ou le (coûteux à louer) complexe La Méduse existent déjà, le Cercle vient jouer le rôle de salle intermédiaire (en taille et en budget) dans le milieu. Son sous-sol offre un lieu de diffusion aux bands les plus weirds, accueille des soirées électros qui ne pourraient se faire booker ailleurs tandis que sa salle principale offre environ 300 places. Ce nombre est parfait pour accueillir des bands indie de l’extérieur à coûts relativement moindres et laisse du même coup beaucoup de places à des premières parties locales, offrant ainsi l’occasion à plusieurs artistes de pouvoir enfin être payés pour jouer sans devoir s’autoproduire!

« En 2017, tout bascule. En faillite, le Cercle doit fermer ses portes. »

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Mais en 2017, tout bascule. En faillite, le Cercle doit fermer ses portes. La partie restaurant sera remplacée par une succursale du bar Le Shaker tandis que la salle de spectacle sera éventuellement rachetée par André Gagné, ancien propriétaire du bar-spectacle le D’Auteuil, alors situé sur la rue du même nom, jusqu’à son incendie en 2001. Or, la réouverture se fait toujours attendre et certains doutent déjà que la salle puisse vraiment compenser le manque criant qui existe actuellement.

« À Montréal, t’as plusieurs salles de petite et moyenne envergure ou tu peux jouer et faire des premières parties régulièrement, comme le Quai ou l’Esco. À Québec, si je vais pas à l’Anti, j’ai plus vraiment d’options. Tsé, je vais pas louer la Méduse pour un show. » — Laurence Gauthier-Brown.

La traversée du désert

Certains décideront d’ailleurs de quitter Québec pour venir s’installer à Montréal, où les occasions de jouer semblent plus nombreuses et où le bassin de population est peut-être plus bénéfique pour la scène indépendante. C’est notamment le cas de Men I Trust ou de Guillaume Chiasson, leader du projet Ponctuation. Ce dernier se garde toutefois toujours un rôle actif parmi ses collègues québécois, jouant encore avec la formation Blaze Veluto Collection. D’autres continuent de ne jurer que par Québec, comme Hubert Lenoir, qui a fait de Beauport sa muse.

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« On peut pas parler d’exode. Oui, y a quelques musiciens qui sont partis pour Montréal dans les dernières années, mais on en voit aussi plusieurs qui reviennent quand ils se rendent compte que c’est possible d’avoir une belle carrière chez nous. Pis je pense que c’est un peu plus convivial ici. » — Émilie Rioux de CHYZ.

Résilience et espoir

Sans se laisser aller au désespoir, la gang du Pantoum, aujourd’hui bien plus nombreuse que le duo original, a déjà quelques idées pour la suite des choses. Premièrement, sa salle de spectacle, qui pouvait auparavant difficilement accueillir plus de 100 personnes à la fois, est en rénovations pour en agrandir la capacité et également la mettre à niveau, en termes de normes de sécurité. Mais ça ne veut pas dire que tout va bien non plus!

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« En ce moment, on arrive parce que presque tout est bénévole et qu’on a pas de permis d’alcool. On aimerait ça pouvoir opérer une vraie salle de spectacle, mais se lancer ailleurs serait un trop gros risque économiquement. C’est pour ça que personne le fait. » — Jean-Étienne Colin-Marcoux, cofondateur du Pantoum.

« J’ai déjà joué dans une salle pendant que, juste en face, y’avait un espèce de rassemblement de néonazis. »

Et l’un des problèmes de Québec, c’est que plusieurs représentants de la scène n’osent pas prendre position politiquement en demandant plus de subventions ou en se faisant clairement identifier comme étant de gauche, vu la situation générale de la ville. En effet, certaines salles sont parfois victimes de mauvaises critiques ou de pressions de la part de groupes d’extrême-droite lorsqu’elles se prononcent sur des enjeux de société, forçant ainsi souvent les gens à faire leur revendications de manière individuelle plutôt qu’à titre d’organisation. Et pour ceux qui pensent que la situation est exagérée, ce point est revenu à trois reprises au cours de mes conversations avec des intervenants locaux.

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« J’ai déjà joué dans une salle pendant que, juste en face, y’avait un espèce de rassemblement de néonazis. Tu veux pas trop t’afficher dans ces situations-là, mettons. » — Gab Paquet, musicien.

D’autres initiatives

On garde toutefois espoir pour l’avenir. Des initiatives de la ville et des SDC, comme les places éphémères ou le SPOT (Sympathique Place Ouverte à Tous) offrent des alternatives aux salles traditionnelles durant la période estivale. De plus, les partenariats avec certains des plus récents festivals donnent également l’occasion aux jeunes groupes de jouer de plus en plus régulièrement et ceux-ci s’exportent mieux de toute façon, comme en témoigne le miracle Hubert Lenoir que l’on a vu passer d’illustre inconnu à star montante de la pop canadienne en moins d’un an. Tout n’est donc pas si sombre pour la scène musicale de la Vielle Capitale!

En conclusion : les souhaits de quelques intervenants consultés

Laurence Gauthier-Brown : « Que les gens recommencent à sortir. Même nous, avec Victime, on va moins voir les shows des autres bands qu’avant et je pense qu’on devrait être un peu plus solidaire ensemble. »
Jean-Étienne Colin-Marcoux : « Un jour, j’espère qu’on va enfin mettre fin à la bataille Québec-Montréal et qu’on va juste parler de musique québécoise. Si on s’organise tout le monde ensemble et qu’on crée des meilleurs réseaux de diffusion, l’impact va clairement être meilleur! »

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Gab Paquet : « Les médias locaux doivent parler plus des bands indie. Je comprends pas que Radio-Canada passe pas plus d’artistes de la scène de Québec que ça. »

Émilie Rioux : « Je pense que Québec s’en va déjà dans la bonne direction. Faut juste arrêter de se plaindre pis regarder en avant pis je suis sûre que dans trois ou cinq ans, on va avoir une scène de calibre international qui aura pu rien à envier à Montréal. »

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Si vous avez envie de découvrir la scène musicale locale de Québec, allez-y donc en Jetta!