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Percé, c’est un peu le Las Vegas de la Gaspésie : il y a des boutiques de souvenir partout, des gens qui gossent des rochers percés en bois sur le quai, des restaurants qui sentent l’arnaque. N’importe quoi pour attraper un touriste. Mais Marc Donahue, lui, fait des bateaux en bois depuis bien avant que la place soit devenue commerciale. Et ses petits bateaux n’ont rien à voir avec la compagnie de vêtements pour gosses de riches.
Comment vous avez commencé à faire des bateaux?
C’est mon grand-père qui me l’a montré, il y a bien des années. Je devais avoir 5-6 ans. C’est une tradition que je suis en train de perpétrer. C’est la même technique. À la même place.
C’est ici que votre grand-père vous a tout montré?
Oui, c’était sa boutique. La route passait cent pieds plus bas.
Il a commencé ça comment, votre grand-père?
Il travaillait à la halte-routière, dans le temps de la deuxième guerre mondiale. Il s’amusait à faire des petits bateaux avec son couteau. Les touristes en voulaient. Il a commencé à en vendre.
Qui achète vos bateaux?
Les touristes. Ça fait beau dans un salon. Pis c’est fait solide. Souvent, c’est des coups de cœur. Ils voient ma vitrine et ils arrêtent. Ça leur fait un souvenir.
C’est quoi la plus grande qualité de vos bateaux?
Sont uniques. Ils sont solides aussi, et ils se lavent facilement. Un p’tit coup de douche et ils sont comme un sous neuf. Ils sont faits pour ça.
Et c’était quoi la plus grande qualité de votre grand-père?
La patience. Ça en prend pour faire des bateaux.
C’est quoi les prix?
Entre 8$, pour les enfants, jusqu’à 200$ pour les gros. Mais la moyenne c’est 50$.
Êtes-vous les seuls à faire des bateaux comme ça dans la région?
Anciennement, il y en avait partout. Là on serait à peu près trois en Gaspésie, mais c’est différents styles.
Il y a des styles de bateaux en bois?
C’est comme les peintres. On a chacun notre style pis on respecte ça.
Vous c’est quoi votre style?
Moi c’est tout des voiles en bois, pour que ça dure toute la vie. D’autres vont les faire avec des vraies voiles. C’est pour différents goûts.
Développez-vous de nouvelles techniques?
Je fais vieillir mon bois en forêt. Il vient avec plein de lignes noires, par un procédé d’acide naturel. C’est beau. J’essaie aussi d’en faire avec du bois dur, comme l’érable piqué. C’est un bois de valeur, qui est beaucoup plus dur à travailler. C’est plus long, mais ça fait beau. Mon grand-père me disait : «si toi tu le trouves beau, y a des chances que tu sois pas tout seul».
Est-ce que vous faites juste des petits bateaux?
Je répare et je construis des bateaux aussi. Des vrais, de 30-40 pieds. Ça a été ça mon métier pendant ben des années.
Est-ce que c’est votre aptitude à faire des petits bateaux qui vous a emmené à en faire des gros?
C’est aussi les histoires de pêches. Quand j’étais petit, j’en ai entendu beaucoup. Ça m’a vite donné le goût d’aller à la pêche. J’ai fait mes propres bateaux. J’en ai construit pour d’autres. Quand la pêche a arrêté, je suis revenu aux sources. J’ai essayé pratiquement tous les métiers : je reviens toujours aux bateaux. Je suis bien là-dedans.
C’est quoi la différence entre faire un petit bateau et un gros?
Y en n’a pas. Les deux c’est plaisant. C’est un peu comme un hobby.
Est-ce que c’est compliqué?
Non. Plus y a de courbes, plus j’aime ça. J’ai plus de misère à faire une bâtisse carrée, toute simple, qu’un bateau avec des formes incroyables. Quand on est né pour une chose…
Ça serait quoi votre dream boat?
J’aimerais me faire un voilier pour voyager, mais le prochain, je vais me faire une petite barque pour aller m’amuser sur la mer.
Il y a plein de cages de homard sur votre terrain. Faites-vous aussi la pêche aux homards?
Non, mais les touristes aiment ben ça. J’ai des amis pêcheurs qui m’apportent celles qui sont trop maganées, et les touristes les ramassent. C’t’une mode. Ça décore leur jardin.
Percé, vous trouvez pas que c’est rendu trop touristique?
Ça a beaucoup changé. Ils ont orienté le tourisme dans une direction, pis aujourd’hui ils n’ont pas le choix de vivre avec. C’est dommage parce qu’avant, le monde avait du plaisir à Percé. Les touristes pouvaient venir passer une semaine. Là, ils ont développé le côté commercial, mais ils n’ont pas développé le côté loisir. On n’a pas de festival et de choses de même. Maintenant, les gens passent juste une nuit à Percé.
Comment c’était avant?
C’était plein de pêcheurs et les touristes aimaient ça les regarder, les voir arranger leurs poissons. Aujourd’hui, t’as même plus le droit de rentrer là avec un bateau. Quand tu visites une région, tu veux voir l’esprit de la place, comment le monde vit. Aujourd’hui, c’est pas ça.
Mais vous, vous vivez du tourisme non?
Non, c’est juste un petit à côté pour perpétrer la tradition. J’arrive pas à vivre de ça. Si c’était comme avant, peut-être. Mais là j’essaie de vendre mes produits par d’autres moyens, comme avec l’internet. C’est mondial ça. Vous pouvez dire à vos lecteurs de visiter mon site, c’est www.artisandupetitbateau.com.
Est-ce que vous avez de la relève?
J’y pense. J’aimerais pas ça que ça tombe dans l’oublie. Peut-être que je vais donner des cours, plus tard. Ça pis la taxidermie de crustacé. Ma grand-mère m’a appris à empailler les homards et les étoiles de mer. J’aimerais ça transmettre ce savoir.
Qu’est-ce qui vous fait plaisir?
De voir les pièces partir parce que les gens aiment ça.
D’autres entrevues de la tournée QC12 : James Henry Atkins, Jessy Mamano, le Père Noël de Val David, un maire en deltaplane.