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Gonfler ses pneus, ses bras et son coeur: de mécano de vélo à aspirante pompière
« Aujourd’hui, j’ai combattu mon premier feu. Dans un simulateur, mais mon premier feu quand même. Je ne voyais rien, il y avait de la fumée partout, j’avais chaud, je traînais une hache et un tuyau. C’était super éprouvant et difficile, mais je me suis dit: “Holy fuck que je suis à la bonne place” ! »
Avant de discuter avec Marissa Plamondon-Lu, étudiante en techniques de sécurité incendie, je n’avais jamais réfléchi au fait que pour apprendre à être pompier.e, il fallait se pratiquer avec de vraies situations d’incendies avant d’en éteindre en urgence. Logique, pareil.
Plus largement, j’ai toujours été fascinée par les parcours professionnels atypiques. Voici comment Marissa est passée d’étudiante en économie à Guelph, à propriétaire d’une shop de vélo queer friendly à Montréal à aspirante pompière.
Se partir une shop de vélo à 22 ans
Marissa vient de Toronto. Après un bac en marketing et en économie, elle déménage à Montréal dans l’espoir de se réorienter, peut-être comme charpentière ou prof au secondaire. Un jour, une connaissance lui parle d’une shop de vélo queer friendly avec une punk vibe, qui offre autant des coupes de cheveux que des tuning de vélo, et qui bat légèrement de l’aile. La jeune vingtenaire décide alors de proposer ses compétences en administration et en gestion en échange de quelques leçons de mécanique vélo.
EN L’ESPACE De cinq minutes, elle me faisait la proposition, je demandais à mon collègue Mackenzie s’il voulait reprendre la shop avec moi et on acceptait l’offre.
« Après environ 2 ans à travailler comme mécano, l’entreprise ne marchait toujours pas très bien. Puis, la propriétaire m’a proposé de me céder la shop, me confie Marissa. Je me souviens que j’étais dehors, devant la boutique. En l’espace de cinq minutes, elle me faisait la proposition, je demandais à mon collègue Mackenzie s’il voulait reprendre la shop avec moi et on acceptait l’offre. » se remémore Marissa. Je me rappelle aussi qu’on ne savait pas trop comment ça marchait, donc on a appelé notre amie qui venait d’ouvrir son commerce et on a copié son contrat, en remplaçant le nom de son entreprise par “Bike shop”. C’était pas numérisé rien, donc j’ai recopié les douze pages du document, une par une. T’sais! »
C’est comme ça que Bikurious est né.
« Au début, on ne faisait pas une cenne, on travaillait dans deux autres jobs et on faisait nos commandes avec une carte de crédit de 500$, m’explique Marissa. On a travaillé vraiment fort et ça a été toujours été super important pour nous que Bikurious soit un endroit inclusif où tout le monde allait se sentir le.la bienvenu.e. Je pense qu’on a réussi. ».
Bikurious < Fire-curious
14 ans plus tard, Bikurious (NDLR; qui est selon moi un des meilleurs noms de commerce au monde!) est un atelier de mécanique cycliste renommé à Montréal. « Ça marche vraiment bien, mais on reste précaire financièrement. Tout le monde autour de moi parle de ses REER, mais moi je n’ai rien. » me confie Marissa, qui a aujourd’hui 35 ans. Je suis encore passionné par la mécanique de vélo, mais j’ai eu envie de faire autre chose. Je reste propriétaire de la shop, mais depuis quelques mois, j’ai entamé un autre projet vraiment stimulant! »
« Il y a deux ans, j’ai croisé mon amie Patti, qui est pompière à Toronto. Elle était en ville pour un tournoi de Bike Polo. Elle m’a parlé de son métier et je lui ai demandé si elle pensait que je pouvais le faire. Elle n’a pas hésité une seconde! ».
Combattre le feu par le feu
Marissa entame donc un entraînement physique intensif afin d’être admise au D.E.P en techniques de sécurité incendie. « J’ai été attirée par le métier de pompier parce que j’aime être encadrée, j’aime les uniformes, j’aime utiliser mon corps comme une machine, je suis très travaillante, mais surtout, j’aime aider. » m’explique Marissa, qui a été admise au programme en septembre dernier.
« Avoir de gros bras quand tu es pompier.e ce n’est pas un stéréotype, tu en as besoin pour vrai. Et quand tu es une fille, tu dois travailler encore plus fort. »
Chin up, push up, bench press: apprendre à être pompier.e c’est vraiment difficile. « Il faut s’entraîner super fort, genre faire du CrossFit trois ou quatre fois par semaine. Avoir de gros bras quand tu es pompier.e ce n’est pas un stéréotype, tu en as besoin pour vrai. Et quand tu es une fille, tu dois travailler encore plus fort. »
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Selon l’aspirante pompière, qui fait partie des 11 femmes dans un programme de 150 personnes, davantage de femmes devraient faire partie des corps de pompiers, mais ce n’est pas un métier accessible à tous.tes, peu importe son genre. « Il faut être capable de transporter une échelle, une scie, un tuyau, monter au 3e étage, défoncer le toit. Ce n’est pas tout le monde qui peut faire ça. » affirme Marissa qui, après la mécanique vélo, se retrouve encore une fois dans un domaine dominé par les hommes.
À un moment donné, j’ai pensé : “ Un jour, ça va être une vraie maison avec de vraies personnes.” et je me suis dit: “Holy fuck que je suis à la bonne place!”
L’étudiante ajoute que selon son expérience, les femmes sont respectées dans le milieu des pompiers à condition d’être à la hauteur: « Ta hache n’est pas moins lourde et le plafond n’est pas plus facile à défoncer parce que tu es une femme. Les profs ne nous laissent pas de chances non plus. En tant que femmes, on doit certainement travailler plus fort, mais c’est motivant! »
« Aujourd’hui, j’ai combattu mon premier feu. »
Visiblement emballée par ses études, qui cumulent un D.E.P de 10 mois et une technique de 2 ans, Marissa revient sur sa journée. « C’est complètement fou. L’idée est de reproduire une maison en feu, dans un conteneur maritime, dans lequel il y a des palettes de bois enflammées. On était en équipe de trois, on devait trouver les victimes, qui sont faites en tuyau, éteindre le feu et arracher le plafond et les planchers. À un moment donné, j’ai pensé : “ Un jour, ça va être une vraie maison avec de vraies personnes.” Ça m’a fait prendre conscience que ce que j’aimais de Bikurious et que j’aime déjà de mon futur métier, c’est aider les gens. »
Gonfler ses bras et son coeur
« En tant que mécano vélo, j’ai aidé beaucoup de gens avec leur vélo et leur mode de vie. C’était tellement gratifiant, affirme Marissa. Et quand tu es y penses, être pompier.e, c’est aussi aider les gens. J’ai beaucoup donné à Montréal en tant qu’entrepreneure, et c’est vraiment important pour moi de continuer à le faire avec mon futur métier. J’ai hâte à ma première journée comme pompière, quand je vais être en uniforme, prête à servir ma communauté. Ça va être quelque chose! »
Selon Marissa, pour être un.e bon.ne pompier.e, beaucoup d’éléments entrent en ligne de compte: « C’est sûr qu’il faut être prêt à s’entraîner super fort, être en forme, ne pas avoir peur de mettre sa vie en danger, mais ce n’est pas tout. Il y a beaucoup de “macho dude” avec des gros bras dans le métier, mais ce n’est pas ce qui fait un bon pompier selon moi. Ça prend surtout un très grand coeur. Un coeur à la bonne place… et des maudits bons poumons! »