.jpg)
#GoHabsGo : au Centre Bell comme en dehors
Le cœur de la métropole (de toute la province!) bat pour la Sainte-Flanelle. On le voit aux fanions sur les voitures, aux cotes d’écoute stratosphériques, aux 3500 partisans du Centre Bell qui font plus de bruit que dans des amphithéâtres dûment remplis et au fait que la pandémie se fait médiatiquement plaquer dans la bande par le CH.
.jpg)
Mais on le voit aussi aux partys qui s’improvisent les soirs de match depuis le début des séries en face de la Cage aux sports, sur l’avenue des Canadiens.
Lors de l’élimination des Golden Knights de Vegas en six, certains champions du monde ont jugé bon célébrer le but en prolongation de Lehkonen en flippant un char de police, mais quelques gaz lacrymogènes et soixante constats d’infraction n’allaient pas empêcher des centaines d’irréductibles de revenir lundi soir pour le début de la finale. Et ce, même si la game se déroule à Tampa Bay, un endroit situé aux États-Unis où il fait presque aussi chaud qu’ici.
C’est pas rien après tout, pensez-y: une première finale depuis 1993!
À l’époque, le salaire minimum était de 5,85$, Les Colocs remportaient quatre Félix, dont «Révélation de l’année», j’avais sûrement un chandail Fido Dido et Sylvester Stallone cartonnait dans Cliffhanger.
.jpg)
Pas question de laisser l’Histoire s’écrire sans moi, me dis-je en trimbalant mon FOMO vers le centre Bell pour écouter le match numéro un, à l’instar de quelques centaines de fidèles convergeant vers le temple du hockey pour prier leur dieu Coupe Stanley.
c’est très weird d’écouter un match à travers la vitrine d’un restaurant où des gens mangent des ribs, sans volume, en bummant un coin d’écran géant.
Comme ma motivation est au départ aussi basse que les Nordiques dans le classement lors de la saison 1989/1990, ma boss Barbara décide gentiment de m’accompagner pour me cheerer up (ou me surveiller?!?).
D’emblée, il faut mentionner rapidement dans ce texte que c’est très weird d’écouter un match à travers la vitrine d’un restaurant où des gens mangent des ribs, sans volume, en bummant un coin d’écran géant.
Mince consolation: pas besoin de souffrir les annonces de Bet99 ou celle du gars qui se fait cloner six fois et n’a même pas l’air de juste penser à gâter madame.
Cet aspect de la fête étant évacué, poursuivons.
La soirée s’amorce relaxe dans une ambiance bon enfant.
.jpg)
Je remarque parmi la foule un jeune avec un visage poupin, portant un gilet du CH autographié à la grandeur. «C’est mon père qui a fait signer des joueurs au fil des années. Il y a Carbonneau, Lafleur, etc. Chez nous, les Canadiens sont une histoire de famille», raconte Frédérick, 17 ans, qui n’était sans doute même pas un projet dans la tête de ses parents en 1993. «J’étais ici lors des matchs de Vegas, ça a brassé pas mal», ajoute le jeune partisan venu avec sa copine, qui évalue à 50/50 les chances de son équipe de soulever le trophée.
.jpg)
Au milieu de la rue encore partiellement déserte, impossible de ne pas remarquer cet homme qui fait des prouesses sur son hoverboard. Très doué le gars en plus. «Je suis le meilleur au Canada jusqu’à preuve du contraire!», lance avec confiance celui qui se surnomme Mr. Hoverboy.
Il me montre sur son cell ses milliers de followers sur Tik Tok, mais je ne trouve son compte nulle part (aidez-moi quelqu’un). «Je n’ai pas raté un seul match ici. Je suis un fan fini depuis que j’ai émigré au Québec en 1976. J’avais cinq ans. J’ai toujours soutenu les Canadiens, même quand ils perdaient», confie Mr. Hoverboy, convaincu que cette fois ça y est. L’histoire ne dit pas si cette ferveur était aussi inébranlable après la dégelée de 5-1, mais on présume que oui.
.jpg)
Une autre chose retient mon attention: quatre partisans vêtus d’un gilet de Jonathan Drouin… absent des séries à cause d’une blessure. C’est ce qui a probablement fait baisser sa valeur, comme quoi le monde du sport est impitoyable. «Le chandail de Drouin était 150$, celui de Price était 300$», explique Ramel, pour justifier cet engouement pour l’attaquant sur le carreau.
Le match se déroule sous haute surveillance policière. Sans farce, j’ai vu moins de flics pendant la marche contre les mesures sanitaires de mai, à laquelle prenaient part des milliers de personnes. Faut dire que les complotistes n’ont jamais renversé de chars de police. «Moi, tant que je suis payé…», résume un policier qui en a vu d’autres, quand je lui demande s’il est tanné des manifs d’après matchs.
.jpg)
Parlant de mesures sanitaires, la distanciation et le masque étaient aussi inexistants que l’attaque à cinq du Canadien dans la foule entassée devant la Cage.
L’alcool est interdit, mais le policier nous a fait comprendre que les gens s’évaporent dans les rues limitrophes pendant les entractes. Pas besoin de dessin, je file au Provigo acheter de la bière et des sandwiches aux oeufs.
À mon retour, Barbara me rapporte une première arrestation, et un décalage de plusieurs secondes entre la diffusion du match à travers la vitrine du steakhouse Madisons (devant laquelle nous étions bourgeoisement installés) et celle de la Cage.
.jpg)
En effet, l’hymne national n’est même pas fini au Madisons, que le match s’amorce sur les miettes d’écran de l’autre côté de la rue. Comme le travail d’un journaliste est de s’adapter à toutes sortes d’imprévus, nous avons fait un 180 degrés juste à temps pour la mise au jeu.
«Fuck you Tampa», enchaîne-t-on aussitôt dans un bel esprit sportif.
Et c’est parti! «Go Habs go!», scande la foule déjà un peu plus compacte dès les premières secondes du jeu.
«Fuck you Tampa», enchaîne-t-on aussitôt dans un bel esprit sportif.
Un constat s’impose: les spectateurs sont jeunes. Très même. De grands ados ou de jeunes adultes, peut-être à la recherche d’un spot pour vivre les séries en gang loin de la maison. «Tsé pour elle, Caufield, c’est probablement le Joey McIntyre de sa génération», analyse finement Barbara, namedroppant sans vergogne des références musicales d’une autre époque.
J’ajouterais ici que cette dernière ne se qualifie pas pour le titre de «plus grande fan du CH», mais qu’elle semble apprécier jusqu’ici son expérience. «J’aime mieux le soccer», lâche-t-elle quand même effrontément au milieu de la foule, comme si elle venait de prononcer le mot «Voldemort» dans la Grande salle à Poudlard.
Tampa Bay marque un premier but pendant qu’on regarde ailleurs, dans les huées. «Fuck you Tampa!», enchaine aussitôt la foule.
.jpg)
Les «Go habs go!» reviennent aussitôt en force, l’espoir renaît. Une caméra de RDS ou TVA Sports balaie la foule et les gens exultent en direct. Barbara y va d’une critique gratuite sur les personnes qui applaudissent off beat et sont incapables de suivre le rythme. Cet esprit cartésien causera sa perte. J’écoute à moitié de toute façon, déconcentré par des petits cons qui se poussaillent pour le fun à côté de moi.
Nadia, l’amie de Barbara, se pointe pendant le premier power play de Montréal avec une anecdote de chaton mort dans une brassée de laveuse vécue par une amie la veille. Tout le monde retient son souffle. « Vincent Lecavalier, est-ce qu’il joue encore pour Tampa? » demande mon accompagnatrice. Je fais semblant de ne pas l’entendre.
.jpg)
Heureusement, c’est la fin de la période. Grâce aux trucs et astuces que le policier nous a donnés plus tôt, on va se cacher à l’ombre d’un building plus loin pour boire une king can avec des sandwichs aux oeufs. En chemin, on croise un monsieur qui s’est pimpé une trottinette électrique sur un moyen temps.
La foule a considérablement grossi en deuxième période.
Les premières trompettes résonnent. «Des vuvuzelas», corrige Barbara, qui connaît toujours tout.
.jpg)
Un feu d’artifice éclate au même moment depuis le milieu de la rue. Les Canadiens tirent de l’arrière 2-1, mais on célèbre en avance. Les policiers se rapprochent du noyau de fans, la tension grimpe d’un cran. Quelques partisans cherchent le trouble et invectivent la police lorsqu’on leur demande de libérer le trottoir et de descendre dans la rue. «C’est un ordre!», peste un agent contre un jeune qui rouspète et l’avertit — menaçant — de ne pas le toucher.
«Les gens sont féroces, mais moi aussi je suis féroce», assure le jeune homme, qui prévoit une victoire de son équipe en cinq.
Hoverboy semble dans le trouble, encerclé par des policiers en face du Madisons.
C’est plate, tout se passait alors bien.
Les choses se calment un peu en troisième période. Barbara et Nadia m’abandonnent lâchement, après une séance photo devant une grosse Molson gonflable.
La palme du courage revient à Benjamin, un partisan de Tampa Bay portant fièrement son gilet Stamkos. La foule l’enguirlande, sa soirée n’a pas l’air reposante. «Les gens sont féroces, mais moi aussi je suis féroce», assure le jeune homme, qui prévoit une victoire de son équipe en cinq.
.jpg)
En retrait, une gang de jeunes filles sur le party immortalise sa première finale de la coupe Stanley. «On a une salle privée à la Cage, mais on voulait vivre l’ambiance dehors aussi», explique Gabrielle, qui est descendue avec ses amis de Vaudreuil expressément pour ça. «On a le CH tatoué sur le cœur. Bon, surtout en série, mais écrit “tout le temps” s’il te plaît», me demande l’amie de Gabrielle, Émilie.
.jpg)
Pas de stress, Gabrielle, 99% des gens sont comme toi.
Les dernières minutes du match s’écoulent dans la morosité.
Le cœur n’y est plus, l’écart entre les buts est insurmontable. Plusieurs partisans quittent, ceux qui restent se foutent du match.
Une bagarre éclate au centre de la petite foule compacte, tout le monde s’approche pour la filmer.
.jpg)
L’antiémeute débarque et forme un périmètre autour du noyau. Le bitume est jonché de déchets. La partie se termine enfin sous les huées et la foule se disperse sans faire d’histoire.
Tampa Bay a peut-être gagné une bataille, mais la guerre ne fait que commencer.
Mes prédictions? Canadiens en 7 et quatre autopatrouilles renversées.