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Entre 40% et 50% des Montréalais ont un animal domestique et ils le gardent en moyenne 19 mois, alors que l’espérance de vie d’un chat et d’un chien dépasse habituellement les 10 ans. Chaque année au Québec, on abandonnerait 500 000 animaux. C’est cinq fois plus qu’en France.
Ce n’est pas mon genre de vous écœurer avec des chiffres, ou encore de vous juger sur la base de vos comportements. Surtout en matière d’animaux : je suis la pire. J’ai déjà dû me départir de deux chats pour cause de voyage/problème urinaire/allergies et j’ai acheté mon chien sur un coup de tête, comme de la marchandise au magasin, parce qu’il a fait craquer mon cœur juste là, dans l’animalerie de la plaza Saint-Hubert où je l’ai trouvé il y a cinq ans.
Je sais qu’il ne faut pas acheter son chien à l’animalerie parce que ça encourage les usines à chiots et que ça c’est mal, ne perdez pas tous cinq minutes de votre précieux temps pour me l’écrire. À l’époque, je l’ignorais. C’est mon excuse. Et il existe un tas d’excuses pour abandonner son animal le 1er juillet : vous ne pouviez pas prévoir que vous perdriez complètement le dessus sur son comportement, vous aviez oublié que vous étiez allergique, votre coup de tête s’est transformé en mal de tête, votre nouvelle blonde trouve qu’un chien ça pue, vos enfants ne s’en occupent pas comme ça aurait dû être le cas, etc.
Comme je vous l’ai dit, je ne juge pas. Mais mettons qu’aujourd’hui, en cette veille de grand déménagement, votre cœur balançait entre «garder» et «pas garder» le chien, tout ce que je pourrais faire, c’est partager avec vous l’histoire du mien.
Sumo va bientôt célébrer (le 24 juin) ses cinq ans. C’est ma plus longue relation à vie. Je l’avais appelé Sumo parce qu’étant en partie carlin, j’imaginais qu’il deviendrait obèse, les yeux légèrement tirés vers l’arrière, comme un lutteur japonais. Mais non : il s’agit probablement du pug le plus athlétique de la planète, et toutes mes tentatives de gavage n’auront jamais eu raison de ses côtes apparentes. Si j’avais à le renommer aujourd’hui, je lui donnerais sûrement un nom d’humain, comme c’est la mode, ou encore je l’appellerais Fardeau, parce que c’est exactement ce qu’est un chien : un paquet de trouble.
Sortir le chien plusieurs fois par jour, le nourrir, jouer avec lui lorsqu’il demande de l’attention, lui trouver un gardien pour les fois où on part en voyage, s’excuser auprès de la famille quand il est énervé dans les partys, endurer le comportement des autres maîtres au parc à chien, subir le regard de ceux qui croient que ça prend absolument des bottes, l’hiver, un chien, faire faire son carnet de l’agence d’inspection des aliments pour les fois où on l’amène vivre avec soi à Paris, trouver un appartement qui accepte les chiens et rester là jusqu’à la fin de ses jours, le cacher de son propriétaire si l’appartement de nos rêves n’accepte pas les chiens, s’inquiéter lorsqu’il a un comportement bizarre, payer 200$ de vétérinaire parce qu’on a trouvé louche qu’il fixe le mur pendant des heures, se battre contre le poil sur le divan, googler «chien avaler chocolat que faire»* dans un état de panique, laver le chien quand on revient de la course les journées boueuses (ou quand les enfants ont joué avec lui après avoir mangé du homard), lui installer une petite couverte humide les jours de canicule, etc.
Heureusement pour son espérance de vie, Sumo a une personnalité épatante. Presque tous les jours, il me fait éclater de rire, malgré (ou à cause de) son regard éternellement triste. Il s’offusque lorsque la sécheuse sonne, il écoute passionnément les documentaires animaliers et films impliquant des fusils, il perd complètement ses moyens quand il voit une balle, il accueille la visite avec plus d’enthousiasme que je n’en aurai jamais, il saute comme un lièvre quand on fait semblant de lui lancer un objet, il vient sur moi quand j’ai l’air en maudit, il s’accote sur une fesse quand il est fatigué et est devenu champion dans l’art de se sortir subtilement du lit avant que ses maîtresses ne le prennent sur le fait.
Sumo a cinq ans. C’est le tiers de sa vie de chien, si on est chanceux. Il y a trois ans, j’aurais dit «il m’en reste encore pour dix ans à l’endurer!» Aujourd’hui, après tout ce qu’on a vécu ensemble, je suis contente d’avoir toujours fait le petit effort supplémentaire pour trouver un appartement qui accepte les chiens.
* Je ne laisserai quand même pas ceux qui sont arrivés sur cette page en googlant : «chien avaler chocolat que faire» sans recours. Le chocolat peut-être mortel pour votre chien, surtout si c’est le genre de chien avec le nez écrasé comme un pug. Si votre chien a mangé beaucoup de chocolat (mettons plus qu’une couple de carrés) vous devrez le faire vomir. Enfilez-lui une ou deux cuillérées de gros sel (le petit sel ça marche aussi on l’a essayé) dans la gueule, et patientez. Comme cette opération génère beaucoup beaucoup de vomi, faites-la dans un endroit restreint.
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