.jpg)
Hier soir, j’ai vécu un petit moment d’éternité. Grâce à toi, quinquagénaire et voisine vulgaire sur le party qui m’a enseigné que par les jeudis soirs d’avant Noël, FUCK LE VOISIN.
J’étais chez un ami et collègue à me travailler l’envergure devant un écran, verve au clavier et Salada plein le thermos. Une soirée remplie de promesses et de petites cases à cocher qui en finissent plus de finir comme on les aime. Dernier sprint avant de me laisser gagner le bassin par cet abandon caractéristique du «entre Noël et le Jour de l’An», semaine bénie où nul client ne peut te beugler ses doléances inspirées et te questionner le point-virgule en te transperçant l’âme du regard. La bâtard de paix (souvent bonifiée d’une petite boîte d’After Eight. Le genre de paradis).
Toujours est-il que mon collègue et moi étions là, pauvres fous, à croire qu’on allait clancher notre to-do list avec l’habileté d’une pécheresse laissée seule avec le sac de chips, quand un rutilant «Taaaaaabarnak!» émis par une voix féminino-mature nous a interrompu le destin.
La voisine. Linda. Mon personnage préféré.
Linda, c’est un drôle de pistolet.
Le genre de madame qui a déjà soufflé du verre. Qui joue dans les fils de Vidéotron qui lui appartiennent pas sans aucun tabarli de remord. Qui, chaque année à la Saint-Jean, se rase la tête sur son balcon avec ses amies de fille, rite initiatique où de gras « Crisse qu’on est bens! » résonnent sur la Plaza Saint-Hubert au fur et à mesure que les nuques se dégagent. Un genre de Micheline Lanctôt dans Unité 9, mais en moins féminine. Elle est parfaite.
Et tous les jeudis soirs, Linda renaît. C’est soir de party. La fin de semaine s’en vient, tous les rêves sont permis, « y’en reste jusse une ». Comme elle doit se coucher de bonne heure pour passer son journal Métro le lendemain matin, Linda ouvre sa première O’Keefe vers quatre heures. Et règle générale, le premier cri est poussé une heure plus tard, quand ses chums viennent la rejoindre pour recréer le Sex and the city le plus cheap qu’il te sera jamais donné d’entendre par le mur mitoyen.
Oh oui, les murs sont en carton. En Scotties, je dirais même. Si Linda lâche un petit pet, ON LE SAIT.
Ça fait qu’hier soir, quand les gurls se sont mises à déparler-pactées dans le salon, elles étaient loin de se douter que les deux graines d’à côté avaient abandonné leur graal pour se consacrer à l’écoute exclusive de leur petit parté. Un parté qui s’est mis à lever sur un temps rare quand Linda a pris le contrôle du dance floor sur les furieux rythmes de Dégénération de Mes Aïeux, le petit band qu’elle haït pas quand a’ se prépare à l’échapper.
À leur comparer le grain de voix, on a convenu qu’elles étaient trois. Et les lyrics, elles les connaissaient. En canon. À moins’ quart.
« La première fois… que… que j’ai entendu c’toune-là, LES FILLES ÉCOUTEZ-MOI. La première …fois c’est vraiment venu, venu me chercher », s’est même confiée la plus émo des quinquagénaires, après 25 secondes de combat anesthésique avec sa bouche pour se puiser la confidence.
Y’a des affaires qui prennent du temps à dire.
Puis, Linda a commencé à parler fort. Dégénération sur repeat (mais vraiment sur repeat. Passionnément). C’était la reine du bal. La fée du logis en boésson. Master DJ, y’a pas personne qui allait lui dire quoi faire certain à’soir. La Plaza lui appartenait:
Linda :: « Là là, LES FILLES, le gars d’à côté, y viendra pas nous faire chier certain avec la mesique. Pis la fille qui va déménager chézeux, y’a intérêt à me la présenter. Ça fait 15 ans j’habite icitte, j’ai mon mot à dire! »
Amie de Linda, déchirée :: « OUÉ C’EST TOI LE MAÎTRE!! »
Je pense qu’à ce moment précis, Dégénération a fracassé le record de la toune jouée le plus fort ever. Climat de Nouvelle-France souillée par le Deux Pierrots, le néo-trad me vibrait jusque dans les pores de la face. Les bonnes femmes criaient, elles se dandinaient, clairement cochonnes.
C’est à ce moment précis que Linda a rassemblé tout ce qui lui restait d’air dans le cooler pour hurler de tout son soûl « FUUUUUUCK LE VOISIIIIIIIIIIN!!! », feeling de Jour de l’An au cœur, pu de barrières, l’avenir frappait à sa porte. Libarté. On a même présumé qu’elle avait les bras din z’airs.
J’avais beau ne pas avoir reçu de faire-part, j’étais heureuse comme si j’y étais. O’Keefe contagieuse.
Le parté a bien dû se poursuivre deux bonnes minutes. Fuck toute. Les reines du monde allaient passer à travers du sac de Party Mix.
Puis soudainement, le silence. Plus un son.
Linda a même jugé que ça valait pas la peine de finir le morceau. C’est dire.
Il était huit heures. Les filles ont levé les pattes, elle s’est couchée. Fallait qu’elle se lève tôt, demain matin.
*******
Un petit moment d’éternité comme celui de Linda, je vous en souhaite un, pendant les Fêtes. Abandonnez-vous. Déloussez votre brassière. La vie est courte. Live the God damn dream.
Bonne année, tous. Et la bise.