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Frank Dubosc: «Je suis humoristiquement quasiment né au Québec»
Ayant passé le cap de la cinquantaine, Frank Dubosc revient cet été au Québec avec son nouveau spectacle Fifty-Fifty (les Français aiment ça, les titres en anglais). Entrevue avec le toujours aussi charmeur humoriste français.
Vous êtes de retour au Québec après 5 ans. Comment Frank Dubosc a-t-il changé en 5 ans?
Il est devenu de plus en plus beau. Il est incomparablement beau. Il est devenu un être extraordinaire, et il était déjà assez haut!
(rires)
Franchement, est-ce que j’ai changé? Pas tant que ça. J’ai pas changé, j’ai toujours mon envie de faire rire, j’ai toujours ça.
C’est difficile de se décrire soi-même, mais il y a une dame qui me suit à tous mes spectacles qui m’a dit à la fin de l’un d’eux : « C’est plus qu’un spectacle, c’est une rencontre ».
Je sais pas si je dois bien le prendre, mais c’est peut-être en ça que j’ai changé. Il y a… pas une sincérité, parce que c’est un peu galvaudé de dire ça, mais il y a quelque chose de plus vrai, de plus moi dans ce que je raconte.
Forcément, ça peut être plus vexant quand les gens rient parce qu’ils rient de moi, mais en même temps c’est une belle thérapie.
Êtes-vous en train de vous attendrir?
Non non non! Je ne m’attendris pas! Je pense que j’ai de plus en plus envie de rire de moi avant que les autres ne le fassent.
À 50 ans, êtes-vous un vieil humoriste?
(rires) C’est une bonne question, d’autant plus que j’ai passé la cinquantaine!
Je sais pas. J’ai envie de dire oui entre vous et moi, et j’ai envie de dire non quand je suis sur scène, parce qu’il y a encore tellement de choses à dire et tellement de choses dont on peut rire.
D’ailleurs, je le dis sur scène à un moment, je suis potache… vous dites potache chez vous? [NDLR : J’avais aucune idée de ce que ça voulait dire, mais j’étais trop gêné pour l’arrêter, alors j’ai fait l’air de rien. Mes collègues français m’ont par la suite appris que ça veut dire humour adolescent, premier degré, du genre « Maudit qu’il est niaiseux », mais positif. Ouf, merci.], et j’aime ça.
À 50 ans, on est vieux pour les jeunes mais mon dieu ce qu’on est jeune pour les vieux. Ça dépend où on se situe. Et puis il y a des jeunes vieux, et moi je suis un vieux jeune. Moi je dirais je ne suis pas un vieil humoriste, je suis un humoriste expérimenté.
Justement, comme vous êtes un humoriste expérimenté, quels conseils donneriez-vous à un humoriste qui commence?
Le problème c’est que l’humour est un métier où même l’expérience ne nous donne pas la qualité. L’expérience peut nous donner l’humilité, mais elle ne nous donne pas, hélas, la qualité.
Ce que je donnerais comme conseil à un jeune c’est de croire qu’il est un vieil humoriste, c’est-à-dire de se faire confiance. Quand je dis confiance ça ne signifie pas être sûr de soi, ça veut plutôt dire de faire confiance au public, de se dire que les gens qui sont dans la salle sont là pour nous aimer, pas pour nous détester. À partir de là, il faut se libérer, avoir l’humilité de se dire qu’on ne va pas toujours faire rire, mais y croire.
Et bien sûr, le conseil qui s’applique à chaque métier : travailler. Rien n’est jamais acquis. Moi, je sais que quand je rentre sur scène, et ça, l’expérience n’y apporte rien, c’est pas gagné. On apprend à chaque fois. Même ce spectacle, il a évolué au fil des représentations.
Ah oui? De quelle façon?
Quand la dame [NDLR : dont il parlait plus tôt] est venue me dire « C’est plus qu’un spectacle, c’est une rencontre », je me suis dit « Ça a l’air de lui plaire ce côté ‘’rencontre’’, alors je vais lui parler comme si c’était une rencontre ».
Tout à coup, ma façon de jouer est devenue moins caricaturale. Vous voyez, ça fait des années que je fais de l’humour, et je me suis mis à me dire « je peux être plus normal, un tout petit peu ».
Effectivement, ça a fonctionné, et ça m’a amené à aller dans la salle plus qu’à l’habitude.
Je reviens à quelque chose que vous avez dit plus tôt, que vous avez compris que le public est là pour vous aimer, pas pour vous détester. Vous avez un personnage d’homme très sûr de lui, mais avez-vous le trac?
Je l’ai moins et ce n’est plus le même trac. Je ne crois plus que ça s’appelle du trac.
Celui qui saute en parachute pour la première fois, il a une peur qui n’est pas la même la deuxième fois. C’est un peu la même chose. Maintenant, je sais ce que ça fait [d’être sur scène]. Je n’ai pas peur d’entrer sur scène, parce que j’ai justement cette idée dans la tête que les gens qui sont là sont là pour m ’aimer. Par contre, je sais qu’il faut que je livre. Les gens ont payé, il faut qu’ils en aient pour leur argent et plus encore.
Quand j’étais petit, je voulais avoir de bonnes notes. C’est la même chose. Quand venait le temps de faire une récitation ou une dictée, je n’avais pas le trac, mais l’adrénaline me poussait à faire du mieux que je pouvais. Ce n’est pas une peur, je n’ai pas peur. C’est plus quelque chose qui monte à l’intérieur, comme une envie de faire plaisir.
J’ai pris comme parallèle l’école, j’aurais pu prendre une soirée d’amour! Dans les deux cas, j’ai envie de faire plaisir!
Vous avez repris Les beaux malaises, où vous avez le rôle tenu par Martin Matte ici. Comment ça a été reçu en France?
Très très bien. C’était la première fois que je recevais autant de compliments, sur Internet et tout ça.
Mais l’erreur qu’ont fait les producteurs français, ça a été de mettre quatre épisodes à la suite. Forcément, les gens n’ont pas compris : c’est une série, un téléfilm, un feuilleton, qu’est-ce que c’est?
On a fait 2 millions d’audimat, et on a arrêté. En France, c’est comme ça, on ne donne pas de chance.
Des humoristes québécois qui vont en France et qui connaissent du succès, il y en a un certain nombre. Par contre, j’ai l’impression que l’inverse est moins vrai, que vous faites partie d’un groupe restreint d’humoristes français qui connaissent du succès au Québec…
En ce qui me concerne, je suis humoristiquement quasiment né au Québec. Quand je suis venu jouer à Montréal pour la première fois en 1999 pour le Festival Juste pour Rire, je n’avais pas de succès en France, j’avais tout à prouver ici.
Je ne suis pas venu avec mon matériel. C’est peut-être ça qui fait que je n’ai eu ni la peur, ni la prétention de réussir, parce que je commençais. C’est une chance que j’ai eu. Et puis peut-être que le public l’a senti et m’a vu, non pas comme un Québécois évidemment, mais comme un débutant, pas comme un humoriste qui arrive en conquérant.
Ça s’est passé petit à petit à travers les galas et les artistes qui m’ont porté notamment Stéphane Rousseau [qui animait] avec moi, ceux qui sont venus dans les galas que j’ai animés et à qui j’ai rendu la pareille.
On ne peut pas aller dans un pays en conquérant, faut entrer tout doucement. Quand ça ne marchait pas chez vous au début, je ne me disais pas « C’est parce que je suis Français », je me disais « faut que je revoie mon texte ». En revanche, si j’avais [tenté de percer au Québec] aujourd’hui, je me serais peut-être dit « c’est parce qu’ils ne me comprennent pas », j’aurais pris ça de haut. Mais dans ce temps-là, je me disais « C’est parce que c’est pas assez drôle, c’est pas le public, c’est toi ».
Avez- vous l’impression que le fait que vous ayez fait vos classes au Québec ça vous distingue dans votre style des autres humoristes français?
Non, je ne pense pas, d’autant plus qu’aujourd’hui, beaucoup de jeunes humoristes français s’essaient au stand-up comme vous le faites depuis des lustres. À mon époque on essayait moins de ressembler aux Nord-Américains. Moi, c’était un hasard que je ne fasse pas des personnages! Mais maintenant, j’ai mon identité à moi.
Et c’est quoi, l’identité de Frank Dubosc?
Sur ce spectacle-là, c’est un peu différent, mais j’ai toujours eu ce personnage un peu hâbleur [NDLR : vantard et volubile], sûr de lui. Un Français, finalement! Maintenant, je joue ce personnage pas du tout vieillissant, mais mûrissant. On se dit finalement, il n’était peut-être pas si con que ça!