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Urbanuit: la fois où j’ai inséré mon bras dans un monsieur pour 300$

Sommes-nous tous des prostitués? Parfois, il faut insérer son bras dans un monsieur pour trouver réponse à cette question.

Par
David Cloutier
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J’ai toujours été assez sage dans la vie. Pas ben ben wild… J’me souviens, lorsque j’ai emménagé à Montréal, notre prof de théâtre nous disait: «Allez-y, vivez-en des affaires. Découvrez. Allez vous salir!» Ça m’avait surpris. J’ai comme réalisé que j’pouvais vivre des choses sans que celles-ci me définissent éternellement. Que ça m’aiderait juste à prendre conscience de certains aspects de notre société et de ces chers humains qui la composent.

« Allez vous salir »… Je travaillais à ce moment-là sur un projet où l’un des personnages devenait escorte. J’me suis donc dit que j’essayerais pour un soir. Pas que ce métier soit nécessairement quelque chose de sale, mais ça me donnait quand même l’impression d’me « salir » un peu. Ma prof serait fière.

Profession: escorte. Work it boy!

J’ai trouvé un site. Tu peux créer ton profil et gérer tes affaires toi-même. Tu n’as pas de pimp, tu ne dois rien à personne et tu peux dire non à qui tu veux. J’me suis dit why not peanut, j’vais l’essayer! Peut-être que j’vais faire full cash à genre, accompagner des gens seuls au restaurant… Au nombre de fois où j’ai eu des dates de marde, là au moins, je serai payé.

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J’ai créé mon profil. J’ai mis une photo de moi sur laquelle j’fais d’mon mieux pour avoir l’air d’un mâle ténébreux. Lol de chez lol. À quel point doit-on être sexy pour être escorte? Doit-on avoir un batte en or? J’savais pas trop quel tarif mettre. J’ai regardé un peu les prix des autres escortes sur le site… J’en suis venu à la conclusion que 300$ de l’heure était raisonnable.

Les gens, cette gang de guidounes

J’me suis mis une règle: pas de sexe. J’étais un peu innocent, on s’le cachera pas. J’ai publié l’annonce. J’ai reçu des messages. Beaucoup de messages. J’pognais, bout d’viarge! J’me pensais hot… J’ai déchanté bien assez vite. J’sais ben pas où sont les clients qui veulent une escorte seulement pour les accompagner à des évènements mais en tout cas, ils étaient couchés ce soir-là. Moi, les messages, c’était juste du monde qui voulait fourrer.

J’ai donc changé -légèrement- mes règles. J’me suis dit que je ne ferais rien que moi, je considère comme trop intime pour ce contexte particulier. J’mets rien dans ma bouche. J’mets rien dans mes fesses. J’te fourre pas. J’te french même pas. Dans l’fond, afin d’me sentir entièrement détaché, je ne ferai absolument rien que moi je ferais dans ma propre vie sexuelle. Bref, j’ai ignoré 99% des messages. J’suis la pire escorte au monde. Il ne restait que deux clients possibles. Le premier? Un gars hétéro qui avait un fétiche sur les nombrils. Assez inoffensif… Le deuxième? Un (autre) homme hétéro qui voulait… se faire… fister.

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Esti… Le cauchemar. En même temps, j’suis même pas sûr que je considère cette pratique comme un acte sexuel. On dirait pratiquement plus un acte médical. J’SUIS COMME UN MÉDECIN. Puisque ça respectait les règles que je m’étais fixées, j’me suis dit, YOLO, j’vais l’fister, l’monsieur! Tant qu’à vivre une soirée wild, j’vais en vivre toute une!

Premier client: football et nombril ressorti

20h. J’arrive chez le client tripeux de nombrils. J’suis nerveux. Qu’est-ce qui arrive s’il pue? Ou s’il décide de ne pas me payer? Ou si mon nombril ne satisfait pas son fétiche de nombril. Mon pauvre nombril n’a jamais eu autant de pression de toute sa p’tite vie. Y a aucune câlisse d’idée de c’qui se passe, mon nombril.

Le gars voulait que j’lui joue dans le nombril en l’insultant pendant qu’il se crossait en portant un casque de football sur la tête. Ben coudonc!

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20h15. C’est fait. J’suis déjà parti. Le gars voulait que j’lui joue dans le nombril en l’insultant pendant qu’il se crossait en portant un casque de football sur la tête. Ben coudonc! En m’payant, il m’explique que lorsqu’il était ado, les gars de son équipe de foot riaient toujours de lui à cause de son nombril ressorti.

J’trouve ça fucking weird qu’il ait transformé un traumatisme d’adolescence en fantasme sexuel et j’trouve ça encore plus weird qu’il en soit conscient mais il était vraiment fin! J’me sens pas sale pantoute pis j’viens de faire 300$ en 15 minutes donc j’considère ma première expérience comme un win!

Deuxième (et dernier) client: romance et bras dans l’cul

J’dois l’attendre au coin d’une rue dans Westmount. Il arrive dans une Benz de l’année. Il me dit qu’en arrivant à son immeuble, si quelqu’un nous salue, je dois prétendre être son entraineur privé. C’est awkward dans le char. On ne parle pas.

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Un ascenseur mène directement à l’intérieur de son condo. Il vit dans un méchant shack! C’est gros en criss pis c’est fancy… mais c’est frette. Tout est trop bien placé. Les serviettes sont roulées comme dans un hôtel. Bon ça y est esti, c’est Dexter pis j’vais crever drette icitte. On se dirige dans le salon. Y’a des butt plugs de placés sur un meuble. Il me dit que c’est avec ça qu’il se « prépare ».

Saint-sacrament, j’regarde le plus gros butt plug. J’peux pas croire que ça peut rentrer dans quelqu’un. Il m’offre une bière. Je la bois en l’espace de genre 8 secondes. Il m’en offre une deuxième. Il est vraiment chill, le gars. Il le sait que ce n’est pas très commun, son affaire. Il rit même de mes jokes plates.

J’lui demande s’il n’a pas peur de se blesser? J’suis quand même un garçon de 6’1 avec des bras particulièrement longs. J’ai un peu peur de genre, le tuer… Un homme mort à coup de bras dans l’cul, ça passerait en boucle à TVA Nouvelles sur un moyen temps!

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Ready, set, Crisco!

J’finis ma deuxième bière. J’peux pas croire ce que je m’apprête à faire. Il me donne un gros gant qui me monte jusqu’au coude. Thank God. Je répète, THANK GOD. Je retiens un rire lorsque je le vois arriver avec un pot de Crisco. Oui oui, du fucking Crisco.

Il me dit de m’assoir sur le divan. Il se met alors à 4 pattes devant moi sur le plancher, foufounes dans les airs. J’suis assis sur le sofa, en face de la télé. Pas pire setup. J’pourrais presque écouter un film en même temps. J’me demande s’il a Le Roi Lion.

Bon ben, quand faut y’aller, faut y’aller. Lentement, très lentement, j’insère ma main… Un peu plus… Et un peu plus… Il semble avoir mal mais me demande de continuer. J’suis presque rendu à mon fucking coude. Je lève les yeux. Il me regarde à travers un miroir qu’il a placé sur le coin du mur pour pouvoir me voir. Ça va? Qu’il me demande. Clairement que je grimaçais ma vie. Heum… Oui oui. Que j’lui réponds.

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RIP, mon bras.

Doux Jésus-Marie-Joseph, j’peux pas croire que j’ai le bras dans quelqu’un. Esti que c’est tight. Le poignet va m’lâcher tabarnak. T’sais quand on prend ta pression à l’hôpital avec le truc qui gonfle sur ton bras et l’écrase. Ben c’est ça, le feeling. Sauf que là, c’est pas un instrument médical qui m’écrase le bras. C’est un cul.

T’sais quand on prend ta pression à l’hôpital avec le truc qui gonfle sur ton bras et l’écrase. Ben c’est ça, le feeling. Sauf que là, c’est pas un instrument médical qui m’écrase le bras. C’est un cul.

Il me demande de sortir mon bras et de le réinsérer plus rapidement. Il veut mourir, c’est sûr. Je m’exécute. Il me demande d’arrêter. J’arrête. Il me supplie de continuer. CRISS DÉCIDE! Il lâche un p’tit pipi sur le sol. Sûrement que j’lui écrase la vessie… Qu’est-ce que je donnerais pour être en train d’écouter Le Roi Lion en ce moment.

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Après 20 minutes, il en a assez. J’me sens pu le bras et j’pense que mon âme est définitivement sortie de mon corps. Il me dit merci à peu près 10 fois. Comme si j’venais de lui faire le plus beau des cadeaux. J’lui dis bienvenue. J’pas là pour essayer de comprendre pourquoi il veut ça. Si c’est lié à un traumatisme d’enfance. Si c’est sain ou non. J’suis juste là pour un échange de service. J’voulais 300$. Il voulait un bras dans l’cul.

On va s’calmer les émotions icitte

J’arrive chez moi. Ma p’tite soirée de bad boy est terminée. Curieusement, j’me sens pas sale pantoute. En plus, j’ai fait 600$ en moins de 2 heures. J’commence presqu’à me demander si je devrais continuer. Est-ce que je continue?

J’ai ma réponse le lendemain matin. Je reçois un texto. C’est le « fisté ». «Je m’ennuie» qu’il me texte. «Quoi?» que je lui réponds. «Je m’ennuie de toi. Tu me manques déjà.» qu’il m’écrit. V’la la réponse à ma question, je ne pourrai pas faire ce job.

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J’me mets à penser à ceux qui font ça pour gagner leur vie, imagine la quantité de « je m’ennuie » qu’ils reçoivent… Est-ce qu’ils jouent la game, eux? Est-ce qu’ils font semblant d’être leur ami? De les aimer? On est drôlement fait, les humains. On mélange souvent désirs sexuels et sentiments amoureux…

Sommes-nous tous des… putes?

J’ai effacé mon profil. Ce n’était pas pour moi. Cette soirée m’aura quand même fait réfléchir… J’ai prodigué un service en échange d’argent… Chose que nous faisons tous, souvent en sacrifiant notre santé physique et mentale… Tout est question de connaitre ses propres limites et de savoir ce qu’on est prêt à sacrifier/échanger et à quel prix. Peu importe le métier, l’important, c’est ça.

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