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FME 2020 jour 1: une journée, trois points de vue
LA JOURNÉE, VUE PAR LAÏMA
Mon réveil sonne, il est 5h. Ouch! Le soleil est pas encore levé et la pleine lune est encore bien lumineuse dans le ciel. Je boucle mon sac, encore endormie, et je saute dans un taxi. Je rejoins Mélanie, que je trouve au volant d’une voiture que je qualifierais de rutilante. En classique Montréalaise born and raised qui n’a pas de permis, je m’installe sur le siège arrière. Notre 3e collègue Billy arrive quelques minutes plus tard, et on hit de road au lever du jour, direction FME.
Des grilled cheese, Gab Bouchard pis beaucoup D’épinettes
Billy, Mélanie et moi, on se connait pas encore beaucoup. En fait, on s’est vus seulement quelques fois dans les bureaux d’URBANIA. Et comme notre périple à Rouyn-Noranda s’est confirmé à la dernière minute, ce sont les prochaines 7h de voiture qui vont nous servir de base pour notre nouvelle amitié ainsi que de préparation pour nos différentes missions sur place.
Les paysages défilent au rythme des chansons de la playlist Spotify FME 2020, qu’on écoute pour le bien de nos oreilles et de notre job. Gab Bouchard, Les Louanges, Maude Audet, Jesse Mac Cormack, Fuudge, Les Shirley: « Eh, qu’on a du talent au Québec! ». Des grilled cheese de bord de route, des cafés salvateurs, des petites jokes avec les nouveau.elle ami.e.s pis ben des épinettes plus tard, on arrive enfin à Rouyn, juste à temps pour prendre d’assaut la radio locale, qu’on anime à 15h tout au long du FME.
« Il annonce des orages. »
15h. Bien installé.e.s aux micros de CFME, la radio événementielle créée spécialement pour le festival, on reçoit Magali Monderie-Larouche, la directrice du FME. On lui demande ce que ça change d’organiser un festival en temps de COVID-19. « Absolument tout, nous répond-elle sans hésitation. Ce qui ne change pas, c’est qu’on a toujours une super programmation! Mais sinon, l’accueil du public et des artistes, le respect des normes sanitaires, la distanciation sociale pendant les shows intérieurs et extérieurs, la circulation du public, etc. Tout a dû être adapté. » On se dit que l’équipe du FME est vraiment résiliente et persévérante. Magali ajoute: « On est vraiment sûrs que ça va bien se passer, on est bien organisé et strict au niveau des règles sanitaires. Ce qui nous inquiète, c’est qu’il annonce des orages! » On clôt l’émission avec des tounes de Corridor.
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Souper à la bossa-nova
16h30. On passe vite vite à notre hôtel pour check-in et on se dirige vers le Noranda, un autre hôtel où le festival nous accueille pour manger. C’est cool parce que nos grilled cheese de bord de route mangés en vitesse à 8h30 sont rendus pas mal loin. On nous dirige au 2e étage, « première porte à gauche », nous lance la bénévole. On se retrouve dans une immense salle à manger où on engloutit nos pâtes, au son d’une chic Bossa Nova. Billy feel vraiment le mood, Mélanie se sent dans un ascenseur et moi, ça me donne envie de porter une robe de chambre en satin pour raviver la flamme avec mon mari, dans les années 60.
LA SOIRÉE, VUE PAR MÉLANIE
Imaginez la ville de Rouyn-Noranda. Ses petites maisons, ses commerces discrets. Le ciel est menaçant, le vent souffle, mais autour, tout le monde s’active, les bénévoles sont prêts, les festivaliers aussi : ils s’apprêtent à lancer le tout premier festival depuis la crise, malgré le mauvais temps, malgré la pandémie. Tous veulent une seule chose : défier le destin pour faire rayonner notre belle culture québécoise.
Nos chandails, à Laïma et moi, ne sont pas assez chauds, nos imperméables pas assez étanches. Parlant d’imperméable, je commence déjà à regretter d’avoir oublié le mien chez ce gars que je voyais pis que j’ai décidé de ne plus voir. Smart move Mel. Heureusement, Billy me prête le sien. À partir de ce moment, je suis sûre que je suis instantanément devenue un peu plus cool.
C’est Yves qui nous amène sur les bords du lac Kiwanis où se déroulera le show. Yves, c’est pour nous nous le visage du transport du FME. Au volant de sa grande Suburban, il transporte les artistes et les médias de bord en bord de la ville, avec une bonne humeur contagieuse. Souvenez-vous bien de ce nom, Yves, il sera important plus tard dans l’histoire. Nous entrons donc sur le site du premier spectacle, prêtes à tout. Enfin, presque.
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Par terre, c’est du sable, autour, des arbres. Nous nous frayons un chemin jusqu’à nos loges média. Devant nous, la scène. Derrière nous, un lac. C’est déjà magique et je suis fébrile. Les instruments posés sur la scène, nus, m’évoquent de doux souvenirs de ce temps où on les laissait rugir sans contrainte. Les notes sont encore absentes, mais je les entends déjà résonner dans mes oreilles.
Au parterre, des barrières sont installées de façon à créer de petites zones sécuritaires pour les familles. Ici, pas question de bannir la danse, tant qu’on reste dans notre enclos. Un beau compromis, les enfants sont heureux, ils se dandinent déjà dans leurs petits imperméables colorés.
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Les Shirley commencent à jouer en même temps que commence à gronder le ciel. Mais il ne pleut pas encore, alors nous profitons du concert. C’est la première fois que les musiciennes jouent depuis mars, elles sont contentes d’être là et ça se sent. L’énergie est bonne, la musique aussi. Des frissons courent le long de mon échine et ce n’est pas à cause du froid. Mon sourire ne veut pas disparaître; enfin! un spectacle! Un vrai! Je regarde les trois filles se démener sur la scène. Leur musique est sincère, intense, vibrante. Elle fait réagir tout le monde… même les nuages.
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Si les éclairs dans le ciel gris ajoutaient un peu de drame à la scène, la pluie elle en a été la catharsis. C’est tombé d’un coup, comme ça. En moins de 5 minutes, nous étions trempées jusqu’aux os. Mes bottes? Une pataugeoire. Mes sous-vêtements? Un maillot de bain.
Partagées entre le fou rire et l’hystérie, on se réfugie sous les échafaudages qui servent de section VIP. Mais la pluie coule entre les lattes de bois. Des techniciens se démènent sur la scène pour mettre les instruments à l’abri. On nous demande de quitter, Laïma et moi redoutons déjà devoir quitter notre spot semi à l’abri. Mais, pas le choix, on court. Mon téléphone n’a plus de batterie, celui de Laïma lutte pour sa vie avec son petit 3% restant. Appeler Yves, il faut appeler Yves.
J’ai rarement vu une tempête de la sorte. Le vent nous fouette, la pluie nous transperce. Laïma téléphone à Yves, son téléphone ruisselle sous la pluie. Ah! Le téléphone s’éteint, Ah! Il se rallume! On ne sait pas si Yves a entendu nos supplications à travers la pluie battante, le téléphone meurt.
Puis, 2 minutes plus tard, sa voiture blanche arrive au milieu de la foule et de la tempête comme Moïse qui sépare la mer rouge. C’est notre sauveur. Nous nous asseyons dans sa voiture dans une flaque puis il nous ramène en riant à l’hôtel.
Je pense que ma douche a été la seconde meilleure chose au monde, après Yves bien sûr.
LA NUIT, VUE PAR BILLY
Je me suis pas rendu au show de Fuudge
Il paraît que ça porte chance à un festival, quand il pleut la première soirée. Ou c’est quand il pleut à un mariage? Je sais plus…
J’aimerais pouvoir vous raconter que j’ai moi aussi, comme mes collègues, passé la soirée dans la pluie torrentielle, content de voir un show pour la première fois depuis longtemps. Mais j’étais installé au bureau de ma chambre d’hôtel, en train d’écrire bien au sec. Moi, j’étais affecté au dernier show de la nuit, celui de Fuudge, qui jouaient à 23h30 au Cabaret de la dernière chance. On m’en avait dit beaucoup de bien et j’étais emballé à l’idée d’aller les voir.
Comme je suis un professionnel qui tient à vous rapporter la meilleure expérience immersive possible, j’ai décidé de me préparer. J’ai visité leur Bandcamp, les mots « stoner grunge psychédélique » m’ont sauté aux yeux. Parfait! Malgré le fait que je ne soit pas un grand consommateur de cannabis, je me suis évertué à (mal) rouler un joint, que je suis descendu fumer dans la ruelle en cachette comme un mécréant.
J’étais immédiatement conquis, un peu jaloux du talent de David Bujold, qui a presque tout fait seul sur l’album.
De retour à ma chambre, un peu plus dégourdi après une longue journée de conduite à travers des routes de campagne, j’ai parti « Fruit-dieu », leur plus récent album. J’étais immédiatement conquis, un peu jaloux du talent de David Bujold, qui a presque tout fait seul sur l’album. Des paroles auxquelles je peux immédiatement me rallier ( « Des fois j’essaye d’vivre mais mourir j’aime trop ça » ), de la grosse guit fuzzy et des percussions qui frappent comme des tambours de guerre. Toujours très gagnant comme mélange, si on veut gagner mon coeur.
J’étais excité d’aller les voir, fébrile de me rendre pour la première fois depuis des mois dans une salle sombre où l’odeur l’alcool brûle les narines dès qu’on pousse la porte, pour aller voir un vrai bon show de rock. Mais il y avait un pépin. Mon corps s’enfonçait dans le lit où je m’étais installé pour pleinement savourer l’album. J’ai cligné des yeux pour mieux me faire réveiller par mes collègues, revenues toutes mouillées de leur aventure avec Les Shirley.
Le show était commencé depuis une dizaine de minutes, mais je me suis dit que si je voulais sentir quelque chose qui se rapproche d’un sentiment d’accomplissement, il fallait que je m’y rende. Je me suis mis à marcher dans la ville de Rouyn, j’ai entendu de la musique au loin et je l’ai suivie jusqu’au Cabaret de la dernière chance, mal nommé ce soir-là, vu que j’ai manqué de justesse ma chance de voir Fuudge parce que j’ai accordé trop d’attention au côté stoner de « stoner grunge ».
La réalité m’a aussi rappelé ce que j’oublie chaque fois que je viens ici: les bars ferment à minuit. Me voyant désemparé devant le bar qui fermait ses portes, le tenancier et ses habitués ont fait preuve d’une bonté sans nom en me recommandant de me rendre chez Morasse, restaurant 24h qui sert la poutine si fameuse. Retour à l’hôtel accompagné de la troisième écoute de Fruit-dieu de la nuit avec une Laurentide tablette, dansant seul dans ma chambre pour oublier ma mésaventure.
Comme quoi c’est toujours le fun, le FME, même si on n’a pas pu aller au spectacle qu’on voulait! Il y en aura d’autres et on sera là. Pluie, weed ou pas.
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