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Les enterrements sont souvent austères, religieux et sobres par chez nous. Rares sont les morts et ceux qui leur survivent à prévoir un gros party pour célébrer leur grand départ. Dans les campagnes du sud de la Chine, c’est tout le contraire. On est très loin des funérailles de ma grande-tante Noëla où la moitié de la salle dormait pendant qu’un prêtre nous suppliait de purifier nos âmes de pécheurs. En Chine, le faste et la fête sont à l’honneur; engager des danseuses érotiques pour un enterrement afin de rendre honneur au défunt est monnaie courante. Elles dansent face au cercueil dans les funérariums ou devant la sépulture.
Selon le Wall Street Journal, le ministre de la culture cherche à enrayer le rite qu’il accuse de corrompre les “valeurs sociales et culturelles” des ruraux, depuis que des vidéos de ces funérailles particulières sont sortis sur le web. C’est maintenant passible d’une grosse amende et d’un emprisonnement léger.
De prime à bord, l’image peut sembler loufoque, voire absurde, surtout que des enfants assistent parfois aux funérailles. C’était assez intrigant pour qu’on veille creuser la question. On a voulu retracer les rouages et la provenance de cette pratique maintenant interdite. Le spécialiste David Ownby a bien voulu répondre à nos questions en direct de la Chine.
La pratique insolite aurait commencé à Taiwan où il est coutume depuis longtemps de pratiquer des danses sensuelles pour les défunts. Elle connaît un essor depuis les années 80. “Les Chinois ne font pas la même distinction sacré/profane que nous. Les fêtes religieuses ne sont pas sobres comme dans la tradition protestante occidentale, mais plutôt très bruyantes et colorées.” C’est pour capter l’attention des dieux qui sont très occupés là-haut et qui ne porteraient pas attention au défunt si les familles ne réussissaient pas à susciter leur intérêt. Des feux d’artifices sont aussi lancés pour effrayer les mauvais esprits.
Les famille cherche à s’assurer que la salle sera comble, parce qu’il n’y a rien de pire qu’un enterrement où il n’y a personne. Le statut social se mesure par le nombre de convives. Il ne faudrait surtout pas que les invités, qui ont apporté des présents pour accompagner le mort vers l’au-delà s’ennuient ou soient déçus. Ce serait une grande honte, “d’où l’idée d’avoir de la musique, de la bouffe, du théâtre… et des strippers.” Le sinologue compare la pratique à Mardi Gras à New Orleans. C’est dans cet état d’esprit qu’il faut se mettre pour comprendre le contexte chinois. “L’aspect puritain et sobre qu’on associe aux funérailles chez nous n’est pas forcément universel.”
On ne meurt qu’une fois, il serait triste de quitter le monde par la porte arrière, sans que personne ne s’en rende compte.
De fil en aiguille, les funérailles sont devenues plus grandioses dans le but d’attirer un maximum de personne, jusqu’à l’apparition des danseuses qui garantissaient un record de présences. C’était l’hommage ultime.
Certains prétendent que la mode des danses funéraires a été moussée par la mafia taïwanaise qui a investi le secteur mortuaire dans les années 80 et qui cherchait à faire une pierre, deux coups. Puisqu’ils possédaient déjà des clubs, les danses étaient à prix réduit lors des enterrements.
On peut être d’accord ou non avec la pratique. Engager des danseuses est assurément extrême. Reste que célébrer la mort sous les feux d’artifices, les rires, les pleurs et la musique n’est peut-être pas une si mauvaise idée.
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