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Fini le maquillage pour Pamela Anderson et les injections pour Ariana Grande

La révolution de la beauté naturelle a-t-elle officiellement commencé?

Par
Laïma A. Gérald
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« I’m not trying to be the prettiest girl in the room. » [« Je n’essaie pas d’être la plus belle fille dans la pièce »], confiait récemment Pamela Anderson à Vogue France, en pleine Semaine de la mode, à Paris.

En même temps, l’actrice canadienne de 56 ans annonçait une décision qui promettait déjà de faire couler beaucoup d’encre: prendre part au prestigieux événement sans le moindre maquillage. Enfin, mise à part une huile de rose en guise d’hydratant (confectionnée par la star elle-même) et une mince couche de mascara.

Au naturel

« J’ai trouvé ça tellement rafraîchissant et merveilleux », s’exclame d’emblée la journaliste Joanie Pietracupa, lorsque je l’interroge sur sa réception personnelle de la fameuse vidéo, visionnée près d’un million de fois depuis sa publication. Celle qui a travaillé pendant plus de 15 ans dans l’univers des magazines féminins décrit le choix de Pamela Anderson comme éminemment subversif. « C’est un véritable pied de nez à l’industrie de la mode et de la beauté. Se montrer sans fard ni mise en plis à la semaine de la mode, un univers où tout est tellement léché, c’est inusité. »

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La journaliste me fait remarquer que si de nombreuses célébrités ont de plus en plus tendance à se montrer sans maquillage à travers des selfies publiées sur les réseaux sociaux, très peu s’y risquent en public, encore moins lors d’un événement où culminent les tendances. Il fallait oser!

J’ai moi aussi été très emballée en visionnant (au moins trois fois!) la vidéo de Vogue France. À mes yeux, le choix de se montrer ainsi au naturel s’inscrit dans la continuité de ce que certains surnomment la Pamaissance (la contradiction de « Pamela » et de « Renaissance »). En effet, en février dernier, la star apparaissait comme jamais auparavant dans le documentaire Pamela, a love story. Ce petit bijou cinématographique propose « une réflexion sensible et bouleversante sur l’exploitation, les violences patriarcales et l’empowerment d’une icône qui reprend enfin le contrôle de l’image qu’on lui a dérobée. »

Mais en quoi le fait de se montrer le visage dénudé est-il digne d’intérêt?

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Venant d’une personnalité qu’on a toujours vu très maquillée et qu’on perçoit encore comme telle dans l’imaginaire collectif, ça a de quoi frapper les esprits. Surtout quand celle-ci qualifie son geste de « libérateur, amusant et un peu rebelle. »

« Pamela aura pu surfer sur la tendance des années 90, qu’elle incarne sans équivoque et qui connaît un retour en force, » fait valoir Joanie. « Mais non, elle choisit plutôt de se libérer des injonctions qui pèsent sur le corps des femmes et de se défaire de la pression qui nous pousse à vouloir atteindre les idéaux de beauté et de jeunesse éternelle ».

Mais il y a une autre raison qui aurait poussé Pamela a laisser tomber le maquillage: le décès de sa maquilleuse Alexis Vogel. Emportée par un cancer du sein en 2019, Vogel est la créatrice de la mise en beauté iconique de la célèbre actrice. Lèvres bien dessinées, sourcils fins, smoky eyes, vous connaissez la chanson. « [Alexis Vogel] était la meilleure, » révélait récemment Pamela Anderson au magazine Elle. « Sans elle, à quoi bon porter du maquillage. »

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« Je trouve que c’est un hommage extrêmement touchant et significatif », conclut Joanie. « C’est comme si, aux yeux de l’actrice, Alexis Vogel avait emporté le look iconique avec elle. C’est très sensible de la part de Pamela. »

La révolution de la beauté naturelle a-t-elle officiellement commencé?

En visionnant la vidéo de Vogue France, tournée quelques heures avant le défilé de Vivienne Westwood (une designer britannique et amie personnelle de l’actrice, décédée en 2022), quelque chose me frappe: l’omniprésence du champ lexical du combat. Pour Pamela, ne pas se maquiller relève de « l’affront », de la « révolte » et de la « rébellion ».

« Aller à contre-courant, c’est toujours revendicateur, » considère Joanie, qui souligne également l’emploi du vocabulaire de la guerre. « Ceci dit, je vois un beau paradoxe ici, puisqu’avant tout, Pamela lâche prise, se libère. Elle en a fini avec la pression. »

C’est vrai, Pamela capitule devant les attentes de la société,et le fait avec légèreté et sérénité. Et ce lâcher prise a d’ailleurs été acclamé par une série de personnalités publiques.

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« La révolution de la beauté naturelle a commencé! » se réjouissait par exemple Jamie Lee Curtis sur Instagram. On se souvient que l’actrice de 64 ans s’est elle-même régulièrement affichée sans maquillage. « Pamela Anderson, en pleine semaine de la mode, qui, malgré la pression, s’est présentée sans rien sur le visage: je suis tellement impressionnée par cet acte de courage et de rébellion. »

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« Je pense que c’est vraiment puissant de voir une femme aller à un défilé de mode ou à un grand événement sans maquillage. C’est très différent de ce à quoi nous sommes habitués. […] », déclarait pour sa part l’actrice Scarlett Johansson. « C’est un message fort pour les femmes de voir d’autres femmes rejeter les normes de beauté. »

Selma Blair, Chelsea Handler et Alyssa Milano ont bien vite emboîté le pas, et ont salué le geste de leur collège, tout en soulignant sa beauté naturelle.

Alors, la révolution de la beauté naturelle est-elle bel et bien commencée?

« Je dirais que quelque chose s’est amorcé en 2016, alors que la chanteuse Alicia Keys a déclaré que l’usage de maquillage était terminé pour elle, et qu’elle ne voulait plus “se cacher”, » soulève Joanie. « Et ce n’était pas juste le temps de quelques selfies, elle l’a fait dans la vraie vie: en concert, sur des tapis rouges, en couverture de magazine, et cetera. »

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Dans les dernières années, d’autres jeunes femmes célèbres ont amorcé des transitions vers une plus grande simplicité.

En avril dernier, Kylie Jenner, membre du célèbre clan Kardashian, se positionnait quant à la grande quantité d’injections qu’elle a reçue par le passé, ainsi que sur son désir de se tourner vers des mises en beauté plus naturelles désormais. « Less is more, affirmait récemment celle que l’on a connu pour ses sourcils ultra-dessinés, ses lèvres extra- pulpeuses et son contouring méga-élaboré. « Je suis simplement en train d’accepter ma beauté naturelle, mes tâches de rousseur et mes sourcils broussailleux. »

Le mois dernier, c’est la chanteuse Ariana Grande qui révélait son désir de s’éloigner du bistouri.

« J’ai eu une tonne de produits de comblement des lèvres au fil des ans et j’ai eu recours à du Botox. J’ai arrêté en 2018 parce que je me sentais tellement… trop. J’avais l’impression de me cacher, vous voyez? », a-t-elle confié à ;a caméra, les larmes aux yeux, affirmant qu’il était temps pour elle d’affronter le monde « sans masque ».

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Même des personnalités aussi influentes que Hailey Bieber font désormais la promotion d’une beauté plus clean et, surtout, plus simple.

« Dans le cas de Hailey Bieber, il y a sans doute une part de marketing, mais reste qu’elle met effectivement de l’avant un teint plus naturel, une peau qui respire, des pommettes fraîches, des cils presque nus et une bouche simplement sublimée d’un gloss, » affirme Joanie.

Revoir ses priorités

« Je n’ai pas d’équipe de mise en beauté dans ma chambre, qui s’occuperait de moi pendant trois heures. Je vais pouvoir aller marcher dans Paris et profiter des jardins. » déclare une Pamela Anderson souriante et détendue, une heure avant de se rendre au défilé de Vivienne Westwood.

Je suis alors frappée par un constat: se maquiller, se coiffer et s’habiller pour un défilé haute couture, c’est long en s’il-vous-plaît!

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« Bien sûr », adhère Joanie. « Le choix de Pamela ne se joue pas simplement au niveau de l’image, c’est aussi une question de priorité. »

Si, cette année, elle n’est pas retenue dans une chambre d’hôtel de luxe, elle est plutôt en train de profiter de la verdure et des magnifiques bâtiments de la Ville Lumière, à son rythme.

Cette réflexion me rappelle les propos tenus en août 2021 par l’actrice québécoise Bianca Gervais, dans le cadre de sa participation à l’émission Bonsoir, bonsoir.

« Je me suis fait un CADEAU! Je suis à Bonsoir Bonsoir, ce soir, avec une petite poudre d’homme dans face, pas de brushing (tel un gars) et suis arrivée 30 minutes avant le show (tel un gars, alors que les femmes sont toujours convoquées 2h avant chaque émission). […] J’ai eu le temps de souper, de raconter une histoire aux enfants et de leur faire des pets de ventre avant de partir. C’ÉTAIT MALADE. […]», écrivait la comédienne de 38 ans sur son compte Instagram.

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En rejetant ainsi les injonctions et les standards de beauté qui pèsent sur les femmes qui apparaissent à l’écran, Bianca Gervais libère avant tout… du temps! À l’instar de Pamela qui peut, pour une fois, profiter de Paris au lieu d’être enfermée dans une chambre d’hôtel, Bianca peut passer du temps avec ses enfants et vaquer à ses occupations au lieu d’être clouée sur une chaise de maquillage.

Bianca ajoutait d’ailleurs: « Anecdote le fun : Hillary Clinton raconte dans sa biographie que lors de sa course à la présidence, son temps de CCM (costume, coiffure, maquillage) additionné “boutte à boutte” était l’équivalent de 2 semaines complètes, 24h/24h. C’est l’équivalent de 336 heures assise sur une chaise. 336 heures de sommeil de moins que ses rivaux masculins. »

Si Joanie Pietracupa voit globalement cette « révolution de la beauté naturelle » d’un très bon œil, elle tient à formuler un bémol. « Pamela Anderson, même sans maquillage, reste une femme dont le visage correspond aux standars de beauté. Hailey Bieber, même avec peu de produits pour sublimer son teint, a une très, très belle peau, un visage symétrique et les moyens de s’offrir des soins luxueux. Dans ces cas-ci, la fameuse “beauté naturelle” est un privilège », nuance-t-elle, en rappelant que la plupart des gens ont des cernes, des imperfections plus apparentes, des pores de peaux dilatés, des conditions dermatologiques particulières, etc. « C’est la même chose avec celles qui assument leurs cheveux gris. Ce ne sont pas toutes les femmes qui délaissent les teintures qui ont une chevelure aussi soyeuse et volumineuse qu’Andie MacDowell. »

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Joanie a raison, il ne faudrait pas non plus que la beauté naturelle devienne une nouvelle injonction.

Ceci étant dit, je me réjouis d’assister à cette multiplication des modèles et ce bris des conventions.

Parce que oui, beaucoup d’entre nous ont bien mieux à faire que de vouloir être « the prettiest girl in the room. »