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Final Fantasy symphonique : la messe musicale des geeks

Wilfrid-Pelletier fait (encore) salle comble pour de la musique de RPG.

Par
Hugo Meunier
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Chacun ses activités père-fils. Moi au lieu d’aller virilement pêcher ou regarder des camions en écrapoutir d’autres au Monster Spectacular, j’ai trainé mon mioche pour la deuxième fois en trois ans à la salle Wilfrid-Pelletier, pour profiter du passage de Distant Worlds : Music of Final Fantasy.

Même si elle passait à nouveau complètement sous le radar médiatique, cette messe de geeks a quand même réussi à attirer près de 3000 disciples samedi soir, dans les fauteuils en velours de l’amphithéâtre.

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Comme il y avait d’autres spectacles à l’affiche à la Place des Arts et dans les environs, de longues files s’étiraient dans la plupart des restaurants du coin.

Pas question toutefois de prendre mon mal en patience. Que nenni. Tout le monde sait de toute façon que mon crédo dans la vie est : yo, je suis peut-être game de manger du Saint-Hubert de temps en temps même si ce fleuron local s’est donné à l’Ontario, mais pas au point de me taper un line up pour commander un quart-poitrine avec salade de chou (crémeuse), pain mouillé et extra sauce.

Résultat: on a donc commandé un pad thaï et une assiette de shish-taouk au food court du Complexe Desjardins, où se déroulait au même moment une compétition de gymnastique.

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Pendant que j’ingérais une quantité déraisonnable d’ail susceptible de tuer le comte Dracula d’un simple rot, je toisais à la dérobée les parents de ces jeunes athlètes de l’âge de fiston en train de réaliser des prouesses impressionnantes sur les barres latérales en beuglant intérieurement : « OUIN. Ok. MAIS C’EST QUI LES CHANCEUX QUI VONT VOIR UN SHOW DE MUSIQUE DE JEU VIDÉO HEIN ? QUI ?! »

Parce que c’est quand même ça qui nous attendait, n’ayons pas peur des mots.

Du monde à’ messe

Ce concert symphonique grandiose comprend une centaine de musiciens de l’orchestre philharmonique, dirigé par Arnie Roth, un maestro qui a roulé sa bosse avec des artistes de renom (Diana Ross, Art Garfunkel, Andrea Bocelli, etc.) et qui dirige le projet Distant Worlds depuis avant Facebook (c’est pour dire !).

En plus des musiciens, il y avait un chœur et des animations des différents jeux selon les pièces, projetées sur un écran géant au-dessus de la scène.

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Pendant deux heures, l’orchestre Distant Worlds allait donc enfiler plusieurs classiques de la franchise du célèbre RPG Final Fantasy, créé à la fin des années 80 par Square Enix.

Un plaisir aussi coupable que nostalgique pour les inconditionnels du compositeur Nobuo Uematsu, qui a signé la musique de la quasi-totalité des quinze titres de la franchise. Sous sa supervision, le chef Roth a le fardeau de piger dans le volumineux catalogue musical de Square Enix, pour offrir aux fans la meilleure synthèse de la longue histoire du jeu.

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Arnie Roth a indiqué en ouverture revisiter les anciennes set list de chaque ville où il passe pour éviter les redites, sauf certains incontournables. Je confirme que le concert était assez différent du dernier, surtout que l’entièreté de la deuxième partie était consacrée à la musique du mythique Final Fantasy VII, dont le remake prévu en avril est aussi attendu par les adeptes que l’ouverture d’une deuxième succursale Aux Vivres pour les militants antispécistes.

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Cosplay et personnes âgées

Avant de m’étendre sur le concert, quelques mots sur cette foule particulière, sans doute unique en son genre.

En effet, bonne chance pour trouver ailleurs un endroit où se côtoient des cosplayers de black mage ou de Cloud, des jeunes, des vieux, des geeks louches et des mélomanes attirés seulement par la portion classique de la chose, qui n’ont jamais vécu l’euphorisante sensation de pulvériser des ennemis en évoquant Bahamut, ni celle de trouver comment forger l’épée Excalibur dans la grotte des nains.

J’ai pour ma part été surpris par le ratio élevé de personnes âgées. Je suis allé voir quelques-uns de ces spécimens pour leur demander what the fuck.

« Moi j’aime vraiment la musique de Final Fantasy, j’en écoute même dans ma voiture », lançait pourtant cette dame âgée rencontrée durant l’entracte, qui accompagnait sa fille d’à peu près mon âge portant de la merch de la franchise.

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Un peu plus loin, près du bar, Lucie Dumesnil aussi confiait passer un bon moment avec son fils Guillaume, même si elle n’avait jamais joué à FF de sa vie. J’ai voulu immortaliser leur atypique soirée mère-fils, mais ce fut un retentissant échec.

(Sorré Lucie et Guillaume, mais vous étiez vraiment beaux à voir en vrai par contre.)

Si la portion « jeu vidéo » vous turn-off comme un signe tribal en haut des fesses (ou n’importe quel tatouage réalisé dans les années 90 incluant les miens), vous pouvez vous rabattre sur la musique.

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À moins d’être de mauvaise foi, il faut admettre une certaine forme de génie derrière la trame sonore de la franchise, qui parvient encore à fédérer des hordes de fans aux quatre coins du monde.

Des classiques en attendant Sephirot

Après le Prelude (sorte de jingle à la harpe qu’on retrouve au début de tous les titres), les chœurs ont enchainé avec Apocalypsis Noctis, du quinzième et dernier jeu.

La musicienne derrière FF XV, Yoko Shimomura, est d’ailleurs considérée comme la plus grande compositrice de jeux vidéo féminine au monde.

La Japonaise de 53 ans devait être présente à Montréal, mais elle a dû annuler son voyage à cause de la menace de coronavirus qui pèse sur son pays et ailleurs. Elle s’est tout de même adressée à la foule par vidéo, en s’excusant de ne pas pouvoir être là.

Coronavirus 1 — Final Fantasy 0

Dommage que personne n’a pu lui envoyer à temps UN SORT DE GUÉRISON pour la protéger contre les risques de contracter l’épidémie.

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Anyway. Comme c’est rendu niché cet article-là, passons rapidement sur les classiques interprétés, de la jolie Zanarkand (FF X) à Heavensward (FF XIV), en passant par la toune des Chocobos et Vamo’ Alla Flamenco (FF IX), où brillait sur scène un excellent guitariste.

La foule, très enthousiaste du début à la fin, a vraiment pogné de quoi en deuxième partie, lorsque l’orchestre s’est mis à enfiler les succès de FF VII, éternel titre chouchou.

Opening – Bombing Mission, JENOVA, Aerith’s Theme, Cosmo Canyon: les fans pouvaient difficilement demander mieux.

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Comme d’habitude, le spectacle s’est soldé avec l’incontournable The One Winged Angel, pendant laquelle la foule scandait aux endroits appropriés le nom du plus célèbre vilain de la franchise : Sephiroth

Contrairement à la dernière fois, mon fils n’a pas trouvé le temps long et dit avoir apprécié sa soirée. Il avait intérêt, parce qu’à 100 $ le billet et un pad thaï du Thaï Express, je l’aurais sévèrement battu.

J’ai aimé aussi, mais comme la dernière fois, j’aurais pris davantage de vieux classiques, tels que la trame complète de FF IV ou à tout le moins Phantom forest de FF VI, la meilleure époque musicale de la franchise à mon humble avis.

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Bref, ça valait le coup et on est reparti pas mal plus heureux que la fille à côté de moi, qui semblait tout au long de la soirée reconsidérer sa relation amoureuse avec un gars qui trippe un peu trop fort sur la musique de jeu vidéo.

Pendant que l’élu de son cœur faisait du air violon sur Final Fantasy, la pauvre devait se remémorer avec tristesse sa première date Tinder.

Lui : « Ouin, by the way, j’aime la musique de jeu vidéo. Mais genre beaucoup… »

Elle : « Heille, vraiment pas grave, je salue ta passion et tu pourrais peut-être même m’initier hi-hi-hi.»

Mais bon, c’est Arnie Roth qui avait encore raison au final. Tant qu’il y aura des fans, il y aura des concerts et à voir l’engouement de samedi, on devrait se revoir dans quelques années pour crier « Sephiroth ! » à jeun de manière décomplexée.