.jpg)
Fin du PEQ : « D’un coup, on voit notre espoir brisé »
L'abolition du Programme de l’expérience québécoise plonge beaucoup de candidats à l'immigration dans l'incertitude.
Ils ont quitté leur pays d’origine pour une promesse : celle d’accéder rapidement à la résidence permanente grâce au Programme de l’expérience québécoise (PEQ), une voie rapide pour les travailleurs étrangers temporaires et les étudiants étrangers diplômés du Québec.
Leur parcours d’études ou de travail – et de francisation – déjà bien entamé, ils ont vu leur rêve s’émietter quand la Coalition avenir Québec (CAQ) a suspendu le volet diplômés du programme à l’automne 2024, sans préavis. Le 6 novembre dernier, le ministre de l’Immigration, Jean-François Roberge, a finalement annoncé l’abolition complète du programme, sans clause de droits acquis, et sans exception.
Lundi, ils étaient des centaines rassemblés devant le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, au centre-ville de Montréal, pour défendre leur avenir. Leur demande est simple : la mise sur pied d’une clause de droits acquis.
.jpg)
PAS DE PLAN B
Mariia Kolosova, 49 ans, a fui la guerre en Ukraine, il y a deux ans pour s’installer à Montréal. Ne parlant pas un mot de français, elle a appris la langue à une vitesse remarquable, en plus de se construire une nouvelle vie, ici : un emploi dans son domaine, le tourisme, et « beaucoup d’amis ».
À l’instar des manifestants réunis dans la froideur de novembre, tout a basculé quand la CAQ a annoncé la fin du programme.
« C’est une grande incertitude pour mon futur. L’avenir n’est pas vraiment clair. Le PEQ, c’était mon unique possibilité d’avoir cet avenir », laisse tomber l’Ukrainienne.
Avec l’abolition du PEQ, le Programme de sélection des travailleurs qualifiés (PSTQ) devient la seule voie d’accès de la province à la résidence permanente. Fonctionnant comme une banque de candidatures, les nouveaux arrivants sont évalués selon plusieurs critères, notamment les diplômes, l’âge, le niveau de français et l’expérience de travail.
Approchant la cinquantaine, Mariia craint que ce programme ne la laisse derrière.
« Je ne peux pas retourner dans mon pays. En Ukraine, c’est la guerre. […] Je peux changer de province, mais j’ai rencontré mon partenaire ici », dit-elle. Elle ne veut pas plier bagage et recommencer sa vie, une fois de plus.
SI PRÈS DU BUT
Lina, Ikram, Rayan et Abdou, quatre jeunes d’origine algérienne, se sont rencontrés par l’entremise de leur travail de préposé aux bénéficiaires. Aujourd’hui, ils sont venus défendre leur avenir en péril.
.jpg)
À commencer par Rayan, à qui il ne restait que quatre mois d’expérience de travail à acquérir afin de répondre aux exigences du PEQ et déposer une demande de résidence permanente. « D’un coup, on voit notre espoir brisé », se désole-t-il.
« On demande qu’il [le gouvernement provincial] respecte le chemin qu’on a entamé il y a presque 3 ans. On demande pas grand-chose », ajoute son ami Abdou.
Ikram, elle, se dit angoissée par toute cette incertitude. « J’ai payé mes études 30 000 $. J’ai vraiment gaspillé beaucoup d’argent, si je peux dire ça. J’ai fait mes deux ans d’expérience et à la fin, ils ont supprimé le programme. […] J’espère qu’ils trouveront une solution pour nous. »
« On continue à faire nos démarches en sachant qu’à tout moment, on pourrait devoir repartir dans notre pays et tout ce qu’on a fait, c’était pour rien », renchérit Lina.
.jpg)
ILS SONT VENUS POUR UNE PROMESSE
Achraf, 33 ans, travaillait comme ingénieur en cinéma, au Maroc. Il a tout laissé derrière pour s’établir au Québec avec sa femme. « L’idée, pour moi, c’était de venir immigrer ici, au Québec. C’était pas juste pour venir temporairement et repartir chez moi. »
« J’ai un enfant [de 5 ans] qui m’attend toujours au Maroc », ajoute Achraf, qui envisageait déposer une demande de résidence permanente pour sa femme, son fils et lui, une fois son parcours terminé.
N’arrivant pas à se projeter dans le futur, il décrit la fin du programme comme une « vraie déception ». Il aimerait « au moins » que le gouvernement trouve une solution pour les gens qui sont déjà ici. « C’est une promesse qui a été donnée. On est là pour une promesse. »
.jpg)
Endetté jusqu’aux dents
En Algérie, Lek (nom fictif), 36 ans, était enseignant au primaire et entrepreneur. « D’un jour à un autre, j’ai quitté mon poste et arrêté mes deux compagnies dans l’espoir d’avoir une situation meilleure, ici. Après tous ces sacrifices, ils viennent de nous briser brusquement. »
Lek est arrivé seul il y a deux ans, pour étudier la télécommunication. Des études qui lui ont coûté près de 30 000 $. L’an dernier, sa femme de 32 ans et sa fille de quatre ans sont venues le rejoindre. Il explique que sa femme a perdu son permis de travail ouvert, ce qui n’était pas dans leurs plans. Il a donc dû soutenir financièrement sa famille en plus de payer ses études avec son unique et maigre salaire à temps partiel.
.jpg)
« J’ai dû emprunter, emprunter, emprunter, emprunter. Donc là, j’ai vraiment beaucoup de dettes », dit-il. « On se retrouve d’un moment à un autre qu’ils veulent nous foutre dehors. C’est vraiment bouleversant. […] Ils changent les règles en milieu de jeu, ça ne se fait pas. »
« C’est inhumain »
Guillaume Cliche-Rivard, député de Québec solidaire (QS), milite pour les droits des nouveaux arrivants depuis une dizaine d’années. Il était de la partie pour s’opposer à la fin du programme.
.jpg)
« Aujourd’hui, il y a un bris de promesse complet. C’est injustifié, c’est inhumain », lance-t-il, alors que la foule s’anime derrière lui. « Le PEQ est dédié aux meilleurs candidats à l’immigration économique. C’est des gens qui ont réussi leur diplôme dans nos institutions, qui ont déjà des expériences de travail dans nos institutions. C’est inacceptable que la CAQ s’attaque au PEQ. Quel manque de vision de la part du ministre Roberge! »
En plus de demander une clause de droits acquis, le député de QS réclame le retour de ce programme qui, selon lui, a déjà fait ses preuves. « C’est le programme par excellence qui fait la fierté du Québec. Le ministre Jean-François Roberge est en train de faire très, très mal à la réputation du Québec. »
.jpg)
À l’heure où l’indépendance du Québec fait beaucoup parler, et que, parallèlement, le Parti québécois (PQ) et la CAQ veulent baisser les seuils d’immigration, Guillaume Cliche-Rivard estime qu’il « faut qu’on ait un discours inclusif, dans lequel tout le monde se rejoint ». Selon lui, la CAQ et le PQ « sont en train de faire complètement l’inverse ».
« L’indépendance va se faire avec les personnes immigrantes, avec les néo-Québécois. Avec tout le monde », croit-il.
Depuis la manifestation, le gouvernement Legault n’a toujours pas reculé sur sa décision. En attendant, des milliers de nouveaux arrivants restent plongés dans l’incertitude.

Identifiez-vous! (c’est gratuit)
Soyez le premier à commenter!