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Hier, c’tait ma fête. J’ai un rapport amour-haine avec l’événement. Fait longtemps. Plus petite, même si je comptais les dodos des semaines à l’avance, j’étais du genre à me sauver pendant que tout le monde se mettait à chanter.

Je ne savais juste pas comment supporter les regards, où me crisser, kossé faire de moi. La cire des chandelles coulait sur le gâteau, mes parents me chicanaient. Je préférais quand même ça aux trente interminables secondes du « bonne fête ».

À chaque année, ma mamie me faisait un gâteau. Souvent, c’tait de ceux avec un trou dans le milieu. Crémage au chocolat ou juste de la Cool Whip, fraises coupées en deux, bonbons partout. En plus de mon cadeau officiel, a me donnait un pot de cennes. Littéralement, un pot de beurre de peanut rempli de cennes. Je les comptais. Suspense. Toute la famille attendait de savoir combien il y avait dedans. Plus les années avançaient, plus les cennes étaient blanches. Parfois, au travers, des bouts de papier. Je les roulais, allais les porter à la banque, même que je me souviens en avoir éprouvé de la fierté, de mes cennes. Ouin. J’tais de même.

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Sur la photo, j’ai trois ans. 1984, année où j’ai reçu mon Big Wheel. Plus meilleur cadeau de toute la vie. Le goût d’être badass, ça te vient d’un enchaînement de rides en Big Wheel. Nécessairement. Le vent dans face, la garnotte qui ervole. Toé, le monde. Tous les possibles.

Pour mes six ans, mes parents m’avaient envoyée jouer dehors, tout l’avant-midi. Dedans la maison, y se donnaient. La table avait une belle nappe, y’avait un hérisson fait avec un demi-cantaloup piqué de cure-dents avec des cubes de fromage au bout. Des sacs à surprises pour les ami(e)s. Pis y’avait Jean-François, sept ans, qui m’avait offert une rose jaune. J’ai jamais voulu lui dire merci. Y’était triste. J’me sens encore cheap.

Pour mes quatorze ans, on a fait un parté. Une caisse de 24 pour 20 personnes. Tout le monde avait l’air – et se croyait – saoul. Je voulais juste me coller sur Yann. Yann en aimait une autre. Fin de la triste histoire.
Ma mère, le lendemain matin, nous a vus avec ladite caisse. T’sais quand t’essaies d’être subtile en passant devant la bay window du salon. Ça mal passé.

Pour mes 18 ans, on est, évidemment, sorti dans un bar. Le Maysen, y s’appelait. J’ai bu deux pichets de sex on the beach. Ça été la dernière fois que j’en ai bu.
C’correct. Ça goûte le y’âble. Ce fût donc un excès vertueux. Pis moi, la vertu, je ne suis pas contre ça.

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Ce hier matin de mes 32 ans, je me suis réveillée toute seule. Même pas de p’tits. Pour la première fois, depuis mes 16 ans, le père des enfants ‘tait pas là pour me souhaiter un traditionnel « bonne fête », à minuit tapant. Chu bébé de même. J’aimais ça, ce premier bonne fête chuchoté dedans le sommeil. Lui pis moé, on n’est plus un nous depuis bientôt un an. J’ai eu ce premier réflexe d’être triste, avec raisons même si on est en bons termes et qu’on se parle à toué jour, il y a eu de l’eau qui a roulé su mes joues pendant que la conviction d’avoir raté ma vie dansait devant ma face. J’ai un certain sens du drame, je sais. Mais ce qui m’est rapidement venu à l’esprit et au corps, c’est que cette année qui s’achevait, là, aura été celle, et l’aboutissement de peut-être une ou deux, où je me suis rentrée dedans, où j’ai un peu compris que la joie, elle peut venir de moi. Où je peux être ma propre ride de Big Wheel. Pis ça, ça torche.

L’an dernier, à pareille date, mes objectifs quotidiens étaient : manger, dormir, me rendre à la journée suivante. Aujourd’hui, les heures me manquent à force que j’arrive à occuper le temps, à hyperactiver l’existence. Je suis. Ça pulse pis je le sens. C’bon. J’ai le goût de me réveiller, le matin. Plus seulement celui de dormir à l’infini. Ça doit être lié au fait que c’est l’année où j’ai appris que le bonheur prend des airs de foulard tricoté juste pour toé, qu’il a le goût d’une orange pelée ou de melon d’eau mangée à la cuillère, qu’il sent le mou de dedans de joue. C’est l’année où j’ai cessé d’attendre après la Force pis où j’ai choisi d’écouter Yoda, une fois pour toutes : au « Do or do not, there is no try », j’ai choisi de do-er. Pour m’étourdir, encore par moments, mais surtout parce qu’attendre après la vie, c’est long en esti.

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Fa’que cette année, j’ai eu le goût de me dire « Aye. Bonne fête, toé. C’est swell tu sois là pis drette comme que té. C’pas parfait, mais ça a du mérite, que tu sois pile ‘ça’. Té un peu sortie de la prévision, mais l’air qui te rentre dans le nez, le beau des gens pis du monde qui te pète din yeux, cet espace que tu sens, là, dans le fond de toé, ça te rappelle ton Big Wheel, hein, pis j’veux juste que tu te tatoues cette impression, là, dans le fond de ton être pour ces fois où tu vas faire un tas de toé, sous la couette, parce que misère, désespoir et violon qui grince. Go, Fille, souffle tes chandelles pis regarde le monde dans les yeux pendant qu’ils te chantent ton ‘bonne fête’. Y t’aiment, t’sais, pis c’correct. Y’ont le droit. ».

Crédit photo : Nicole Delisle et Cath Laporte