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Félix Turcotte : Un an après son coming-out, une nouvelle vie
Avant, je pensais qu’un coming-out, c’était la réponse à tous mes maux. Les bobos vont disparaître, un nouvel homme je serai! T’as le coeur léger, quand tu dis la vérité. Mais non. Un humain, ça ne change pas du jour au lendemain, même avec un secret sur le coeur en moins.
Vivre ta nouvelle vie, ça te confronte à plein d’affaires qui clochaient avec ton ancienne. Tu t’en veux. T’as gâché une partie de ta vie ou du moins, tu ne l’as pas vécue de la façon dont tu aurais pu. Tu vis ton adolescence à l’âge adulte, mais tu n’as pas le droit aux mêmes erreurs, t’es un homme maintenant.
Félix Turcotte, lui, a vécu ça autrement. Son ancienne vie était loin d’être à chier, elle lui a donné une femme et 2 enfants. Un p’tit papa le jour, un big daddy la nuit? C’est à la radio qu’il nous avoua enfin, son affection du wiwi. Début quarantaine et le coeur changeant, il était temps d’hurler qui il était vraiment. Advienne que pourra, honnête il sera!
Un an plus tard, où en est-il? À une bien belle place, semblerait-il.
Premièrement Félix, un an après ton coming-out, es-tu encore dans ta phase « esti que j’veux en parler tout l’temps, ça m’fait du bien » ou bedon t’es rendu dans une phase de « weyons calissez-moi patience, on peut-tu passer à un autre appel merci »?
Non, j’aime ça en parler! C’est comme ma petite thérapie. J’consulte pas donc c’est vous autres ma thérapie.
Parfait! Félix, quand quelque chose nous est inaccessible, on a tendance à la mettre sur un piédestal. Est-ce que maintenant que tu es out et que ce n’est plus de l’interdit, tout ça t’excite moins?
Hey on dirait que t’as raison! Moi avant, c’était quand ça adonnait… donc pas souvent. C’était plus excitant l’interdit, en effet. Maintenant que c’est accessible, faut juste que je trouve c’est quoi que je veux. Est-ce que j’veux coucher avec des inconnus chaque soir ou est-ce que je cherche l’amour? On dirait que j’ai un peu le “FOMO du bat” en ce moment. J’ai toujours peur de manquer de quoi de meilleur ailleurs.
Haha! J’pense qu’un moment donné, t’as fait le tour et tu réalises que ce n’est pas plus magique ailleurs…
Okay, mais laissez-moi quand même faire le tour avant, haha!
Est-ce qu’un an plus tard, tes envies ont quand même évoluées un peu?
Ce qui a changé, c’est que j’ai aussi le goût d’aimer. J’ai le goût de tenir la main de quelqu’un, de le présenter à mes amis, de le faire rire, de dormir collé avec, d’avoir une intimité, de faire vie commune. Mais c’est sûr que j’ai fait mon coming-out à 42 ans donc j’ai encore une petite urgence de vivre, du temps à rattraper. J’veux vivre plein d’expériences.
Parlant d’expériences, tu m’as déjà dit que t’étais pas fan d’aller te faire jouer dans les founes. J’te feel. Been there, done that. Est-ce que c’est un de tes buts futurs, mettons? As-tu commencé à te pratiquer? Veux-tu des trucs? Du KY?
Ben… j’trouverais ça plate de me mettre des barrières. De me dire « ah merde il est top lui aussi, j’peux pas coucher avec ».
Mais ça c’est juste dans l’optique que pour coucher avec quelqu’un, il faut absolument qu’il y ait pénétration…
Pour moi, c’est important. J’sais pas si c’est mon passé d’hétéro? Le mouvement du bassin m’appelle! Mais oui, j’aimerais être capable d’être celui qui « reçoit » également.
Qu’est-ce qui t’en empêche?
Mmm… Trouver la bonne personne, essayer sans être gêné…
Donc ce n’est pas physique, c’est vraiment psychologique.
Absolument.
Mais t’as jamais été expérimenter dans cette zone-là toi-même? Menteur.
Oui… Avec un doigt mettons. Pis j’me suis déjà fait fourrer… 2 fois!
Baoooon. J’savais!
Mais j’ai détesté ça!
Le gars était peut-être juste… pas doux?
Non non il était doux, il m’a préparé la zone avant pis toute.
Mais c’est la sensation que t’as pas aimé? Ou le feeling d’être dominé?
Le feeling d’être dominé, j’ai détesté. Et physiquement… y’avait une douleur, MAIS c’était comme… proche du plaisir? Admettons que j’suis avec un gars qui m’aime et que j’aime, oui je réessayerais. J’regarderais des tutorials sur YouTube, au pire.
Parlant d’aimer, être gai, ce n’est pas juste du sexe, c’est de l’amour aussi. Est-ce que tu trouves que les hommes gais sont souvent réduits à des actes sexuels?
J’sais pas, mais dans mon cas, c’est vrai que je feel très sexuel en ce moment. Ironiquement, je feel aussi plus lover. J’veux me coller, flatter, jouer dans les cheveux, donner des bisous. J’étais pas comme ça avec mes blondes. C’était plus forcé, mettons. En ce moment, j’suis encore dans la phase où si je rencontre un gars, j’veux qu’on fourre 3 fois par jour.
Ben voyons toé!
Mais toi, t’es pu à la même place, t’es out depuis longtemps…
Ben là, même après mon coming-out, je ne fourrais pas 3 fois par jour. Charrue.
On ne pourrait pas sortir ensemble…
Thank god, j’serais au vif… Hey Félix, un coup que tu ne seras plus dans ta lune de miel de coming-out, as-tu peur de regretter d’avoir partagé autant? Y’a tu une nuance entre être libre et être colon?
À date, personne ne m’a reproché de trop partager. Ce qui m’a surpris depuis mon coming-out, c’est le regard des autres sur moi. Je sens une ouverture nouvelle, on dirait que les gens m’aiment plus.
J’trouve aussi que c’est beaucoup plus facile de me faire des amis hétéros depuis que je suis ouvertement gai. Des amis hétéros, j’le répète.
Ouin, je comprends. Quand j’ai fait mon coming-out, j’me disais qu’enfin, j’allais trouver ma gang! Ma gang, ce serait les gais! Mais…
C’est difficile de se faire des amis gais, hein?
Ouin.. Pis on dirait que j’me fais juger en tant que « nouveau gai ». La quantité de fois où j’me suis fait dire « t’es comme moi quand j’avais 16 ans. Tu vas voir, tu vas te calmer ». C’est tellement réducteur. Laissez-moi vivre.
T’AS MOINS D’ANCIENNETÉ EN TANT QUE GAI! T’ES AU BAS DE L’ÉCHELLE DU GAI. Hey Félix, depuis que t’es out, as-tu de nouveaux soucis que t’avais pas avant? À part d’avoir le ring spick-and-span.
On dirait que j’ai aussi un peu plus le souci de mon apparence en général… Je m’entraîne, je fais attention à ce que je mange… J’ai jamais fait ça avec ma blonde.
Mais ça, c’est juste parce que t’es maintenant célibataire. T’aurais fait la même chose en étant un hétéro nouvellement célibataire, non?
Ouin, mais en même temps, je ressens aussi un peu une pression dans le milieu gai pour ce qui est de l’apparence.
J’comprends. Maintenant que t’es out, est-ce que ta relation avec la masculinité a changé? Y’a encore beaucoup d’hommes ouvertement gais qui ont pourtant quand même peur d’avoir l’air… Gai.
Dans mon cas, j’ai tellement longtemps tout fait pour ne pas que ça paraisse que maintenant, au contraire, je fais tout pour que ça paraisse. Ça fait du bien de ne pas avoir peur d’avoir l’air “fifi”.
On utilise souvent des termes homophobes entre gais. Ma théorie, c’est qu’on se réapproprie ces mots donc on leur enlève un peu de leur poids. T’es d’accord? Ou tu penses qu’on est caves et qu’on devrait arrêter?
Non, j’trouve pas ça cave. Ça démystifie, ça démocratise… J’utilise ces termes avec mes amis depuis que je suis out, mais je ne les utilisais jamais quand j’étais “hétéro”.
Pis si tes amis hétéros utilisent ces termes?
Ils me disent ce qu’ils veulent, mes amis, ça ne me dérange pas. Je sais qu’ils m’aiment. Mais un inconnu pas rapport qui me traite de fif dans la rue, c’est pas la même affaire.
C’est vraiment une question de contexte pis d’intention?
J’pense que oui!
À tes débuts en tant que p’tit monsieur ouvertement pas hétéro pantoute, culpabilisais-tu après une rencontre avec un gars? Te sentais-tu, genre… sale?
Oui parce que j’étais encore avec ma femme au début. Tu te rends bandé pis tu reviens en culpabilisant. Une infidélité, c’est une infidélité. En même temps, après mon coming-out, ma femme m’a dit qu’elle trouvait ça moins dur que si je l’avais trompée avec des femmes, parce qu’elle ne peut pas se comparer à des hommes. Ce n’est pas la même chose. Maintenant que j’suis out, la seule affaire qui me stresse encore un peu, c’est mes 2 enfants lorsque je me ferai un chum.
T’as peur qu’ils trouvent ça bizarre de te voir avec un homme?
Oui… J’ai aussi peur qu’ils s’attachent à lui et qu’au final, ça ne fonctionne pas.
Mais ça, ça peut arriver avec une femme aussi.
C’est vrai… J’pense que j’veux surtout juste rendre personne mal à l’aise. C’est niaiseux, mais si tu te fais surprendre à faire l’amour avec “maman”, c’est gênant, mais c’est drôle au pire. Mais me faire surprendre à faire l’amour avec mon chum…
Okay, mais barre ta porte.
Haha ouin… faudrait que j’investisse dans une serrure, en effet!
Es-tu plus heureux depuis ton coming-out ou c’est juste… différent?
Beaucoup plus heureux! J’en fais de l’angoisse du bonheur. J’me réveille la nuit pour être heureux. On dirait que là, je découvre c’est quoi être heureux pour vrai. Comme si avant, je n’étais pas réellement heureux, mais que je m’en rendais pas compte.
Est-ce que t’as parfois des malaises en pensant à ton ex quand tu réponds à ce genre de question? As-tu peur de la blesser?
OUI justement, en répondant à cette question, j’la voyais se dire « c’est ça criss, t’étais pas heureux avec moi ». Mais c’est pas ça. Je ne savais juste pu ce que je voulais. J’étais mélangé. J’étais même pas certain d’être gai. Elle a été géniale et super compréhensive. On se conte toutes nos dates… dans les moindres détails. On rit, on s’aime, on se dit toute. On a tellement vécu d’affaires, c’est un être humain d’exception. Elle est parfaite. Elle a tellement bien réagi à mon coming-out. Elle était super empathique et ouverte. On a habité ensemble un an après mon coming-out. On dormait dans le même lit.
On dirait qu’idéalement, un coming-out, tu fais ça quand t’es rendu tellement bien avec toi-même que peu importe la réaction des autres, ça n’affecte plus ton estime.
C’est exactement ça qui m’est arrivé. J’m’en crissais. Après l’avoir dit à ma femme et à mes enfants, bien sûr. Le reste, je m’en crissais.
Y’a quand même une petite partie de moi qui regrette de ne pas l’avoir fait avant. On dirait que j’aurais pu vivre mieux plus tôt, genre. Pas toi?
Tu l’as fait à 23 ans. Imagine-moi à 42 ans!
Es-tu parfois jaloux des gars qui sont out depuis l’adolescence?
Mets-en! Mais j’ai cette jalousie pour tous les jeunes qui savent déjà ce qu’ils veulent en général dans la vie. Moi j’ai tellement cherché, je pense.
Pis c’était quoi, ta petite épiphanie?
Quand j’ai réalisé que je faisais de la peine à ma femme. On avait moins de rapprochements, j’étais plus distant…
J’comprends. Moi c’est quand j’ai réalisé que je m’éloignais de mes parents. Je voulais tellement éviter les « coudonc vas-tu avoir une p’tite blonde bientôt » que j’avais pris mes distances alors que pourtant, j’ai de super bons parents qui ne méritaient pas ça pantoute.
Exactement. Avant, c’était juste moi que ça touchait. Ma santé mentale à moi, c’était pas si grave. Mais quand j’me suis rendu compte que celle de ma blonde commençait à en souffrir aussi, j’me suis dit que je devais faire un move… Es-tu plus proche de tes parents depuis que t’es out?
Oui. Y’a pu de non-dits.
C’est ça, y’a pu de non-dits.