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Je ne sais pas comment j’en suis arrivée là. Quel est le procédé exact qui a mené à ce plan de pauvre. Ce plan qui allait sauver ma dignité.
Seigneur. Je sonne comme le début de « C’est pas parce qu’on est petit qu’on peut pas être grand », un Conte pour tous que je vous recommande de chérir exclusivement dans vos tendres souvenirs, parce que le regarder en 2013, ça brise l’illusion du « les effets spéciaux étaient saisissants comme dans Jurassic Park, ça’ pas de sens ».
Ceux qui me connaissent bien connaissent aussi mon attachement limite épeurant pour les chiens. Quand une femme passe avec un carrosse, il m’arrive de soulever sourcil pour m’attendrir devant le petit être humain saucissonné dans son kit bateau. Mais passe avec ton cockapoo et je me liquéfie. Je me fais presque honte tellement j’ai pas de contrôle sur mon irrépressible besoin de COMMUNIQUER avec la bête. Avec une petite voix de marde, oui. Si ton chien est attaché après un poteau pendant que tu magasines tes épices à steak, tu peux être sûr que si je passe par là, la coucou lui fera un peu de small talk. Et c’est certainement pas son regard rempli de jugement pis de pitié qui va m’arrêter.
J’ai adopté Stella, le caniche de grain qui se fait le plus faire la conversation sur la mappemonde, il y a maintenant cinq ans. Cinq années de PURE FÉLICITÉ. Et qui dit félicité pense d’abord à Guy Nantel, mais pense ensuite à « petits moments de qualité avec la bête, avec emphase sur ce jour où elle rechausse ses bottes d’hiver pour la première fois et qu’elle se meut comme une araignée ». Et ça commence évidemment par les 56 promenades qu’elle me demande quotidiennement.
Quand t’as un chien, tes chouclaques, tu les sors souvent. Et tu te rends compte qu’en sortant de chevous, t’abordes le monde différemment. Tu te mets à mépriser ce char qui a pas commencé son stop assez tôt. Tu développes tes envies de simuler une furieuse Tourette pour faire fuir ce parent qui se garroche sur ton poodle pour entertainer son héritier sans jamais te regarder ni te demander la permission – t’as pas d’enfant? T’EXISTES PAS – parce que répéter le mot « chien » avec une voix de taré et une touchette d’étonnement en s’approchant le visage à un pouce de la gueule d’une bête que tu connais pas, paraît que c’est bon pour le développement cognitif de ton p’tit. Y va apprendre à compter loin. Mais le pire de tous les effets pervers de posséder bestiole, c’est que tu te mets à paranoïer de la crotte. Même si t’es allé à l’université.
Parce qu’un chien, c’est ben verrat.
Ça va te faire croire que ça a pas vu le vieux sac à muffin dans le fond de ta sacoche, que ça a pas fait pepi sur ta courte-pointe et surtout, que ça a pas un deuxième caca à faire. Bon. Je ne possède pas les fins rouages du péristaltisme intestinal canin, mais l’expérience m’a appris que ça se passait souvent en deux actes. Parfois trois, Robert Lepage style.
Et c’est TOUJOURS immanquablement à ce moment-là que tu réalises que t’as plus de sacs pour le deuxième round. Ton petit distributeur-accessoire-grelin en forme de puppy est vide. T’es mal pris. Et t’as pas intérêt à vivre ça devant un citoyen, parce que je peux te garantir qu’il va revenir avec une pelle, un mégaphone pis un portrait de Jeanne-Mance.
Ça fait qu’après avoir ramassé les besoins de mon chien avec UNE FEUILLE D’AUTOMNE sous le regard Illuminati d’un quinquagénaire qui ondulait de plaisir, j’ai appris ma l’çon. Feuille d’érable, no more. C’est rendu que je suis tellement stressée de faire quelque chose de pas-correct-pas-legit qu’hier soir, en promenant l’agneau, je me suis ramassée à recueillir un objet fictif au sol parce que malgré ma vision nocturne de panthère et mes quelques bases en archéologie, mon chien avait accouché du besoin fantôme.
Celui qu’on ne retrouvera jamais.
Il était 22h30 et j’étais seule dans le parc. Pas âme qui vive. Mais j’ai quand même fait semblant de ramasser quelque chose, petit sac brandi tous azimuts en prenant soin de froisser le plastique pour que résonne le son du devoir, angoissée rare. D’un coup que la bonne femme du deuxième étage du bloc à 100 mètres soit après me zieuter avec ses longues-vues. Pour le karma. Pour la luck. Pour l’amour du ciel.
Hier soir, j’ai feint la crotte pour ne pas être jugée. Et pendant ce temps, mon voisin sortait ses vidanges dans ses p’tits sacs blancs percés.
La bise.
PS tendresse: maintenant que je t’ai entretenu de cigares pendant quatre minutes non-stop, c’est coché. J’y reviens pas la semaine prochaine. Promis.