.png)
Faites venir le prince
La semaine dernière, j’étais aux États-Unis, et, alors que je m’entretenais avec des jardiniers bio américains, sans prévenir, le sujet royal s’est invité dans la conversation, et je me suis entendue dire, dans un anglais douteux : «Oui mais vous savez, au Canada, nous sommes toujours une monarchie parlementaire»…
Je ne me souviens plus bien ce que je tentais de justifier par cette affirmation. Je pense que mon interlocutrice disait combien elle et ses compatriotes se balançaient bien des histoires royales, alors que je tentais d’expliquer l’engouement des miens pour le mariage monarchique. «Vous savez, on a quand même capoté au Canada, quand le prince et la princesse se sont mariés», j’ai dit, en parlant au nom de tout mon peuple, désolée, je fais ça parfois.
Mais c’est vrai. Même moi, je croyais avoir échappé à la folie nuptiale, aux lendemains de l’événement, lorsque je me suis vue acheter l’album souvenir de La Semaine, avec le beau prince en habit et la princesse dans sa robe blanche à la fois audacieuse et élégante. Je me suis surprise à verser une larme, puis, non satisfaite des photos rassemblées par l’équipe de Claude J. Charron, je me suis garochée sur Internet pour consulter toutes les galeries photos de chapeaux, les articles sur comment devenir une princesse et les Top 10 de duchesses. J’étais prise au piège.
C’est Kate, qui vient me chercher, dans toute cette histoire. Si nous avions la monarchie enfoncée bien loin, elle nous rappelle que, foncièrement, nous avons tous une petite princesse en nous qui rêve d’être découverte par un prince charmant. Kate, c’est cendrillon, mais en possible. En la voyant aller, on se dit : «moi aussi, j’aurais pu être une princesse». C’est ce que toutes les madames se sont dit lorsque le jour J est arrivé. C’était d’ailleurs l’argument de Denis Lévesque, hier, contre un Amir Khadir qui venait de traiter les deux tourtereaux de parasites: «ça va décevoir les madames, si on les empêche de venir ces deux-là».
Kate fait rêver. Kate est donc, en quelque sorte, un produit culturel, au même titre que le dernier film de Patrick Huard. On aime ou on n’aime pas. Mais c’est à peu près le même principe: ça fait déplacer du monde, ça fait rouler l’économie, ça crée un buzz dans nos têtes, et c’est payé avec nos taxes.
C’est sûr que pour Amir Khadir, Kate et William sont des produits culturels qui représentent quelque chose d’odieux: la monarchie. Le contraire absolu de la démocratie. En plus, il paraît que le couple princier est ami avec des tyrans. Au fond, le député solidaire ne voulait pas comparer les héritiers du trône à des Papous ou à des nanocéphales, mais à des Papous et des nanocéphales du démon. Amir Khadir étant un grand démocrate, pas question de mettre 25 000$ là-dessus.
Mais mettons-nous un instant dans la peau d’un conservateur monarchiste cave. Lui, depuis toujours, nous voit dépenser l’argent de ses taxes pour faire des films mettant en vedette un obscur Réal Bossé, inviter un artiste qui regarde la poussière tomber au Musée d’art contemporain, ou pire, faire jouer un batteur de femmes dans la pièce d’un gars dont il n’a jamais entendu parlé de sa vie.
Lui, tout ce qu’il veut, c’est de voir le prince et la princesse. Il n’en demande pas plus, et, apparemment, ça coûte 25 000$. 25 000$, c’est même pas le montant d’une subvention du Conseil des arts et des lettres du Québec pour un court métrage. Avec 25 000$, on déneige à peine l’avenue Mont-Royal entre Parc et Papineau. C’est vraiment pas grand chose. Peut-être qu’on devrait demander à Nathalie Elgrably-Lévy ce qu’elle en pense?
Moi, je dis qu’on le fait. Et j’invite même le maire de mon arrondissement à ajouter une option «Faire venir le prince et la princesse» dans son simulateur de budget, pour qu’on ait peut-être la chance de les voir défiler juste à côté de chez nous.
Identifiez-vous! (c’est gratuit)
Soyez le premier à commenter!