« Faites. De. La. Place. »

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La première fois je m’en souviens pas. J’étais trop jeune. J’étais dans la poussette pis une vieille madame a dit à ma mère: «est dont bin belle votre p’tite négresse». Ma mère était shook. On comprend qu’elle voulait pas mal faire pis que c’était un compliment, mais bon… Madame, come on.

Après, au primaire, les gens m’ont traité de «caca». Parce que ma peau avait la même couleur que leur marde. M’kay…. Objectivement, c’est drôle, mais pas objectivement, ça en dit crissement long.

Après j’ai vieilli pis c’tait plus sneaky.

«Tu t’exprimes vraiment bien!»

«Nao t’es notre petit Oreo. T’es comme blanche en dedans.»

«T’es vraiment une belle noire. »

«J’aime ça date des black girls, vous n’avez pas la langue dans votre poche.»

«Hein! T’aimes vraiment ça Paramore? Me semble que c’t’une affaire de blancs»

Moi qui entre dans un taxi à Québec, pis des monsieurs dans la rue me crient que «j’men vais sûrement en formation avec mon père» parce que le chauffeur était haïtien.

Je suis la seule black qui travaille au magasin, mais y’a pas un estie de pantalon qui me fait parce que c’est pas fait pour ma shape. Rien n’est fait pour ma shape. Une madame qui harcèle ma manager parce qu’«elle veut savoir où j’ai fait faire mes fesses.»

«On aurait vraiment besoin d’un look urbain».

«Tu pourrais peut-être prendre des photos avec tes cheveux lisses aussi, ça ouvrirait des portes.»

«Hmm, on aurait besoin d’une fille vraiment sexy avec des curves. On a pensé à toi.»

Ça s’infiltre dans les jobs aussi que j’ai VOULUS et que j’ai jamais pu obtenir parce y’en a pas, des noires qui font ça. J’ai pas eu droit à ma black girl pop star québécoise to look up to en grandissant. Y’en avait pas. J’ai pas eu droit à ma chorégraphe ou danseuse étoile black en grandissant non plus. Y’en avait pas. Mes modèles pis mes idoles étaient toutes blanches, parce que l’espace leur était réservé pis c’tais tout.

Pis maintenant quoi? Maintenant, j’sais pas. J’suis fatiguée. Ma mère m’a dit que pour avoir la même affaire que mes amies blanches, il faudrait que je travaille deux fois plus fort. Pour avoir la même affaire! IMAGINE S’IL FALLAIT QUE TA MÈRE T’EXPLIQUE QUE T’AURAS PAS LES MÊMES OPPORTUNITÉS POUR AUCUNE RAISON VALABLE. Pis, elle m’a dit ça à un âge qui vous donnerait froid dans le dos, j’tais fucking jeune, mais il fallait que j’intègre l’info vite parce que c’était la réalité. Faq, ça fait un estie de bout que j’suis deux fois plus polie, j’me lève deux fois plus tôt, mes sourires malaisés sont deux fois plus longs, mes extensions de cheveux coûtent deux fois plus chers, j’mange deux fois moins, j’haïs ma couleur, j’adore ma couleur, je braille, je suis proud, je cours deux fois plus vite pour souvent arriver un peu en arrière pareil.

Faites. De. La. Place. On en a pu de jus. J’veux juste opérer à la même vitesse. J’veux pu me lever au milieu de la nuit en crise d’anxiété parce que j’ai rêvé que mon frère s’est fait tuer à la job. Pis le pire, c’est que même si je dis que j’suis brûlée, j’suis élevée de même, yé trop tard, j’vais jamais arrêter de donner des doubles doses parce que j’aimerais que mes enfants aient pas à le faire.

J’sais pas full où je m’en vais avec ça. Le racisme systémique existe depuis TELLEMENT LONGTEMPS, PARTOUT, même dans notre beau p’tit Québec dont bin accueillant pis nice. Depuis tellement longtemps que c’est culpabilisant pour les personnes blanches d’admettre que c’est de la marde. J’comprends.

Maintenant, comprenez-moi.