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Faire avancer la société par le pouvoir des municipalités
J’ai voté une seule fois aux élections municipales, en 2017, à Longueuil. Auparavant, je vivais dans une municipalité où il n’y avait pas d’opposition. Lors des premières élections municipales auxquelles j’ai eu le droit de vote, en 2013, je m’étais rendue dans un bureau de scrutin pour finalement me faire informer du fait que je ne pourrais pas voter: le conseiller de mon quartier, de même que la mairesse de la ville, étaient élus par acclamation. Drôle de premier contact avec la démocratie de proximité. Difficile de s’intéresser à un palier où les enjeux ne sont pas minimalement débattus ou discutés.
Il aura fallu que je sois députée pour comprendre le rôle des gouvernements de proximité que sont les municipalités pour nos collectivités et prendre réellement conscience de leur portée sur nos vies quotidiennes.
Très tôt dans ma vie, j’ai acquis une connaissance pointue de la politique québécoise et fédérale. Cet intérêt pour la chose publique me vient d’une curiosité naturelle, mais aussi beaucoup de mon rapport avec les médias. J’ai commencé à lire le journal à l’âge de 9 ans, de long en large, page par page. Je m’intéressais aux questions de société et étais fascinée par les campagnes électorales, lors desquelles on traitait de grandes idées. C’est dix ans plus tard, au cégep, que j’ai débuté mon parcours militant, faisant mon chemin jusqu’à être élue de l’Assemblée nationale à l’âge de 24 ans. Jamais, jusque-là, n’avais-je été interpellée par la politique municipale. Jamais. Malgré mon intérêt pour l’action publique, mon assiduité à suivre l’actualité, mes multiples implications, mes champs d’études: niet. Le recul me permet aujourd’hui de réaliser l’ampleur du paradoxe. Il aura fallu que je sois députée pour comprendre le rôle des gouvernements de proximité que sont les municipalités pour nos collectivités et prendre réellement conscience de leur portée sur nos vies quotidiennes.
Ce constat m’a longtemps titillée par la suite. Comme citoyens, la plupart des services que nous utilisons au jour le jour sont offerts et déployés par les équipes de nos villes et nos villages. Pourquoi une si faible proportion de la population s’intéresse-t-elle à ce palier décisionnel? Comme je l’ai relaté, jusqu’à mon élection en 2016, je faisais moi-même ironiquement partie du lot. Plusieurs facteurs peuvent selon moi contribuer à expliquer le phénomène.
D’abord, la scène politique municipale bénéficie d’une couverture médiatique nationale beaucoup plus timide que la québécoise ou la fédérale, exception faite des villes de Montréal, notre métropole, et de Québec, notre capitale. Ce ne serait peut-être pas aussi préoccupant si les médias locaux et régionaux prenaient efficacement le relais, mais avec les difficultés financières importantes que les médias connaissent depuis l’émergence du numérique, bon nombre de ces productions ou publications locales peinent à assurer une couverture complète et pertinente de l’actualité municipale.
À ce facteur-clé viennent s’ajouter la mauvaise réputation de la politique municipale – héritée des scandales liés à la corruption mis au jour avec la Commission Charbonneau il y a quelques années –, le manque de représentativité des élus – le nombre de femmes mairesses n’atteignant même pas le cinquième du total des municipalités du Québec — ou encore, les chicanes de clocher malheureusement encore trop souvent caractéristiques des conseils de ville. Résultat des courses: la seule impression que bien des gens ont de la politique municipale est souvent le triste portrait qu’on en dresse de temps à autre à la populaire émission satirique Infoman.
Concrètement, le taux de participation aux élections municipales à l’échelle québécoise n’a pas dépassé la barre du 50% aux dernières élections, en 2017. Pire: dans certaines villes, même les grandes comme Longueuil, c’est seulement un électeur sur trois qui a exercé son droit de vote. Comment changer les choses et redresser la barre ici chez nous au Québec, alors que plusieurs municipalités à travers le monde arrivent à prendre un leadership de plus en plus grand — et nécessaire — pour relever des défis comme la perte de confiance envers les institutions démocratiques et la crise climatique? Au final, il s’agit de mettre en application l’expression consacrée «penser globalement, agir localement».
L’ère post-pandémie représente un formidable momentum en ce sens. Si un retour vers le «local» se percevait déjà depuis un certain temps, tant au Québec qu’ailleurs dans le monde, la redécouverte de nos milieux, de nos quartiers et de nos voisinages encouragée par les épisodes de confinement constituent une occasion que nous devons absolument saisir.
Notre sacrifice collectif ne doit pas avoir été vain: nous devons bâtir ensemble un avenir à la hauteur des efforts qui ont été demandés à la population.
Nous devons prendre acte de ce que nous a appris la pandémie afin d’envisager avec confiance un avenir ambitieux qui développe notre capacité à faire face à des moments difficiles et à agir autrement. Notre sacrifice collectif ne doit pas avoir été vain: nous devons bâtir ensemble un avenir à la hauteur des efforts qui ont été demandés à la population dans la foulée de la lutte contre la COVID-19, notamment en devenant plus autonomes sur les plans alimentaire et énergétique, tout en solidifiant nos réseaux d’entraide pour accroître le bien-être de la population.
Certains de ces réseaux de solidarité ont émergé récemment et ont été organisés pour venir en aide aux plus démunis durant la pandémie. On doit entretenir ces nouveaux liens et en profiter pour bâtir une véritable collectivité, où l’on prend soin les uns des autres et où l’on veille à la sécurité de tous, avec une attention particulière pour les femmes et les personnes vulnérables.
Plus que jamais, nous sommes conscients de l’interdépendance entre santé et environnement. Les initiatives de mobilité durable, d’aménagement urbain, de verdissement et de réfection des infrastructures sanitaires doivent être pensées et déployées pour répondre à ces préoccupations.
Les municipalités ont justement le potentiel de devenir les lieux de convergence sociale et de participation citoyenne.
Au fil de mon expérience comme élue, je suis également devenue profondément convaincue qu’il est possible de rebâtir la confiance des Québécoises et des Québécois en mettant un frein au cynisme et en implantant des changements de culture politique qui contribueront à leur redonner le goût de l’action collective. Les municipalités ont justement le potentiel de devenir les lieux de convergence sociale et de participation citoyenne permettant de développer le sentiment d’appartenance par ce qui stimule la fierté des Québécoises et des Québécois : le territoire, la culture, l’ingéniosité et la solidarité, en phase avec les enjeux locaux, nationaux et internationaux contemporains.
Pour ce faire, le conseil de ville et les autres instances participatives des municipalités doivent être conçus d’abord et avant tout pour renseigner, servir et impliquer la population. Le citoyen doit en être l’acteur principal, dans un espace où la transparence et la civilité règnent. Je suis également d’avis que les élus ont la responsabilité de communiquer de sorte à rendre plus accessible la politique municipale, notamment par des initiatives d’éducation citoyenne, sociale et populaire.
Ça tombe bien: un vent de changement souffle présentement sur nos villes. Les femmes et les jeunes semblent être de plus en plus nombreux à se lancer en politique municipale, à l’approche des élections du 7 novembre prochain.
Participez au mouvement! Présentez-vous, impliquez-vous au sein d’une équipe, faites une différence autour de vous, contribuez à améliorer votre milieu de vie. Vous ferez ainsi avancer toute la société.