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Fâchée noire contre la troisième saison de 19-2
J’ai écouté assidument la troisième saison de 19-2. Je ne suis pas particulièrement niaiseuse : j’écoute des séries complexes comme House of cards ou Homeland sans me sentir dépassée par les intrigues. Malgré tous ces facteurs en ma faveur, je ne suis pas certaine d’avoir bien compris la troisième saison de 19-2, mais surtout, je n’ai pas compris ce qui a maintenu mon intérêt à tenter de le faire. Je m’excuse d’avance à tous les artisans qui ont pris part à cette troisième saison, mais ce texte est un compte-rendu de ce qui, à mon humble avis, n’a pas fonctionné.
Le nom des méchants
En début de saison, plusieurs ont accusé les comédiens de 19-2 de ne pas assez articuler. Pourtant, nous avions affaire à des acteurs de grand talent, tous dûment formés à l’art du jeu, qui comprend celui de la diction. Quel est ce nom de clan que baragouinaient les personnages? L’étau nord? Les tournards? Les soupes Knorr? Il est devenu évident quelques épisodes avant la fin que ce n’était pas la langue des acteurs qui faisait défaut, mais le nom des bandits : les Tours nord. On aura beau dire ce nom de gang le plus clairement possible, je crois que c’est le cerveau qui n’arrive pas à enregistrer qu’il puisse s’agir d’un nom de gang crédible. À quoi ça réfère? À des investisseurs immobiliers du nord de la ville? Ne s’agissait-il pas d’un réseau de pédophiles? Je suis mêlée.
Le champ de compétence des méchants
À la fin de la troisième saison, les Bulgares sont arrêtés (à l’aide de toute l’escouade tactique, parce que…) pour traite d’humains. À moins que j’aie manqué un détail ou que j’aie souffert d’une bulle au cerveau, il me semble que cette information est sortie de nulle part, tout comme les victimes cachées dans des lavabos.
Quant aux fameux Tours nord (ou devrions-nous plutôt dire “fameuses”, “tour” étant féminin), on apprendra qu’il s’agit… d’un “think tank”. J’ai consulté Antidote à ce sujet : “Think tank : Anglicisme — Utiliser plutôt groupe de réflexion, équipe de réflexion, cellule de réflexion, cercle de réflexion, comité d’experts ou groupe d’experts”.
Bref, les Tours nord étaient quelque chose comme l’Institut économique de Montréal, un groupe de réflexion. Sur quoi? Sur comment abuser des enfants en toute quiétude?
La révélation des méchants
Bon, en dépit du fait que rendus à la fin de la saison 3, on a tellement oublié pourquoi Berrof cherchait les Tours nord qu’on s’en fout un peu de c’est qui le numéro 1 du groupe, disons qu’on accepte la convention qu’il s’agit d’un suspense insoutenable. Le cas échéant, il y a fort à parier que les nouveaux personnages intégrés un épisode avant la fin ont quelque chose de LOUCHE. C’est la PIRE forme de reveal. Une bonne intrigue, c’est quand, tout au long de la saison, on a des éléments de suspicion sur plusieurs personnages, et qu’à la fin on est fourrés parce qu’on était sûrs que c’était la mère pis finalement c’est la fille. C’est SÛR que si les suspects sont des nouveaux personnages, on ne les aura vraiment pas vu venir : ON NE LES AURA PAS VUS, POINT. Ça, en scénarisation, c’est comme tricher. C’est un peu comme quand tu joues à roche-papier-ciseau et que quelqu’un sort son “bazooka” : c’est évident que c’est lui qui va gagner, mais on ne fait plus ça passé 7 ans parce que c’est plate.
Quant à la révélation des fameuses têtes dirigeantes des Tours nord dans un téléphone cellulaire, je me contenterai d’une onomatopée : meh.
La disparition des petites intrigues
Durant les saisons 1 et 2, des intrigues mineures pouvaient maintenir votre intérêt au cas où l’intrigue principale vous laissait indifférent. Cette tradition s’est maintenue dans le premier épisode et après, on a peut-être jugé que le niveau d’intérêt pour les petites intrigues – un vendeur de spa gossant, un jeune policier qui a cru naïvement avoir une relation d’exclusivité avec une femme mûre, un sergent qui viole son exe sur de la pizza, un party de Noël pour les enfants démunis – était aussi mince que celui qu’on entretenait pour la grande.
La disparition du cerveau d’Amélie
Nombre de répliques – excluant les sourires niais – de Magalie Lépine-Blondeau dans la troisième saison de 19-2 : 10 gros max. Pourtant, durant les premières saisons, son personnage est présenté comme compétent. Il s’agit d’une travailleuse sociale investie. Dans la troisième saison, c’est la blonde de Chartier. Se pourrait-il qu’au fur et à mesure qu’Amélie se dirigeait vers la maternité, les auteurs aient jugé qu’il était de moins en moins pertinent de l’entendre?
Le couteau dans la plaie
L’avez-vous vécu, votre moment de catharsis? Non? Ok, là, l’avez-vous vécu? Reprendriez-vous une shot de tête coupée dans une glacière, juste pour être sûr que vous avez vraiment vécu une émotion? Êtes-vous sûr d’avoir vraiment saisi que le gars était un pédophile et que cela implique qu’il touchait des enfants? Parce qu’on a des images pour l’illustrer. Prendriez-vous un peu de pizza sous votre scène de viol? De sang dans votre piscine? De reflet du héros dans votre mare de sang? Un grand moment de joie et de plénitude pour s’assurer que votre tourment en sera vraiment un?
C’est beau, à un moment donné, on aura compris qu’en cas de doute, la réalisation se tournera vers le choix le plus scabreux possible. La subtilité en paiera malheureusement le prix.
Voilà, tout est craché (ou presque). Je me sens mieux.
Évidemment, on se rappellera que c’est juste de la télé, mais surtout, que selon une enquête du Journal de Montréal, la plupart des téléspectateurs se disent satisfaits de la grande finale de 19-2. Et c’est ça qui compte, n’est-ce pas?
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Pour lire une autre chronique “En route vers les zapettes” de Judith Lussier : Personnage fictif de l’année.