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Facebook d’automne

Tous ces gens qui font de la randonnée pédestre.

Par
Kéven Breton
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Ça m’arrive, des journées entières sans ouvrir la porte de mon appartement. Avec comme unique signe de civilisation les autos qui défilent sur Christophe–Colomb. Et Facebook.

D’autres fois, je sors uniquement de mon trois et demi pour aller à cogner à celui de mon proprio et payer le loyer. Comme pour cautionner un nouveau mois d’avenir durant lequel je me rappelle que généralement je vais nulle part, à me demander à quel âge on arrête de faire semblant pendant que je termine la dernière saison de Girls en bouffant des grilled-cheese.

Je me demande aussi : man, tous ces gens qui ont besoin d’une rare transplantation de moelle épinière. Ou tous ces gens qui sont portés disparus. Tous ces gens qui veulent retrouver leur portefeuille-à-valeur-sentimentale-d’héritage-paternel-décédé-tragiquement. Pis moi qui ne daigne même pas partager la maudite publication. Je sais pas pourquoi.

Octobre c’est le mois de l’ergothérapie, du cancer du sein, du chat noir et du nanisme. C’est aussi pendant ce mois que se déroulent les Journées mondiales des personnes âgées, des proches aidants, du coming out, de la canne blanche, de la femme rurale (!!!) et du patrimoine audiovisuel.

Seigneur doux Jésus : toute cette sensibilisation condensée en une page géorgienne affichant pompier ou modèle playboy, et moi qui me sens tout de même engourdi.

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Tout cela sur fond de campagne électorale, alors que je m’apprête à me rendre aux urnes et/ou à l’évidence.

C’est alors donc un mois parfait pour rester caché lors des jours fériés. “Si j’ai pas le goût de vous voir, c’pas que j’aime pas vos histoires”, comme dirait un certain défunt. C’est que Instagram fait bien de me rappeler que vous êtes heureux.

Et l’internet c’est parfait pour les comme moi qui veulent être tout seuls avec d’autres gens.

C’est le soulagement à mes angoisses de frileux social qui, je vous l’ai dit combien de fois, se sent jamais vraiment bien en public. J’ai déjà relaté ça ici et , toujours avec des prétextes et des semblants d’excuses différents.

Même du temps du 56 kb/s, l’Internet me tenait bien compagnie. Quand je lisais des forums de jeuxvideo.com dans le sous-sol de chez mes parents pour m’inspirer de nouvelles fanfictions mettant en scène l’improbable rencontre entre Buffy la tueuse de vampires et les sœurs Halliwell.

Le pouvoir des quatre, était, si je me souviens ben, le titre de ce fantastique récit à la syntaxe douteuse.

J’étais tellement soulagé la journée que GeoCities a annoncé qu’il fermait définitivement toutes ses monstruosités web qu’il avait créées incluant les miennes – ainsi personne donc ne pourrait retomber un jour sur mes reliques HTML.

Hourra pour moi.

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Le script que je suis aujourd’hui ne devrait toutefois pas crier victoire trop vite. Surtout que Facebook a les reins plus solides que GeoCities.

Et que mes lettres continuent d’être archivées. En correspondances souvent non sollicitées. Je m’en excuse. J’apprends, je m’améliore, mais j’ai aussi la mauvaise habitude de boire seul le soir.

C’est que la transition fut difficile – on ne s’adresse pas à qui l’on veut, sur Facebook – ce n’est pas le téléphone à ficelle accroché à deux pots de yaourt vides qu’était son ancêtre MSN.

Sur MSN, la fonction première et je dirais unique était celle de jaser. Si on était en ligne, c’était convenu qu’on pouvait aller parler à la personne. Elle était là pour ça, tenant son petit pot de yaourt vide, prêt à te refiler l’appareil pour entamer la discussion.

Facebook c’est pas ça. C’est moins ça. C’est plus périlleux. C’est notre nouveau screensaver, toujours en veilleuse – on y est par habitude, pas nécessairement pour jaser. C’est même un espace de travail pour plusieurs.

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Je choisis donc mieux mes correspondants pour tester mes blagues et engendrer d’improbables dialogues à défaut en attendant d’avoir mon sitcom. Ça donne des fois de vraiment bons résultats et je ris fort, en solo dans mon lit, quand quelqu’un me renvoie brillamment la balle.

Il paraît qu’il est possible de reproduire cet exercice en personne, mais dans tel cas, le port du pantalon devient obligatoire.

Alors donc je reste seul chez moi. Facebook me sied bien pour cela.