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Être ou ne pas être une salope

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Des fois, je suis découragée de voir à quel point certains stéréotypes ont la vie dure. Mon amie Rachelle m’a avoué l’autre jour s’être sentie sale après avoir couché avec trois hommes différents en quelques jours. “J’ai pensé, t’es une salope, ma vieille. Entre le premier et le deuxième, j’ai même pas lavé les draps!”

Mon amie Rachelle a 51 ans. Perso, j’ai trouvé que c’était une nouvelle pleine d’espoir pour la femme d’âge mûrissant. Rachelle, qui a été monogame pendant plus de 20 ans, ne savait pas à qui se confesser de son libertinage récent… Je ne sais trop pourquoi, elle m’a choisie. J’ai pris à cœur de l’aider à laver son image d’elle-même.

On a discuté de double standard “Y a-t-il un homme sur Terre qui se sentirait sale dans ta situation?” Trouvez-le-moi, et je vous écris un billet sur lui.

Pour continuer la déprogrammation, j’ai suggéré qu’on se fasse une soirée avec mon amie Catherine, celle qui parle en riant des années où elle était “une vraie salope”.

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Soirée fut donc organisée, et sujet fut vite abordé. Catherine nous a d’abord expliqué à quoi tenait son statut de salope.

– Chaque fois qu’il y avait un party ou une soirée, j’arrivais, je me choisissais un gars dans la masse, ensuite, je me soûlais pour avoir le guts de l’aborder… et je finissais avec.
– Te sentais-tu sale de faire ça?
– Pas vraiment. Mais j’avais parfois l’impression que j’aurais DÛ me sentir sale, que ce n’était pas une sexualité appropriée pour une jeune fille de bonne famille et que j’aurais dû, au minimum, me sentir coupable. Mais j’y arrivais pas, j’avais trop de fun. Un soir, par exemple, je me suis tellement soûlée, que je suis repartie avec le mauvais gars, avec l’ami laid du beau gars que j’avais spotté.
– Ayoye!
– Je m’en suis rendu compte seulement le lendemain. Je pense que c’est là, la première fois que je me suis traitée de salope. Mais en fin de compte, ça a été une super baise, alors, peut-être que c’est mon instinct de salope qui m’avait guidée.

Et on a trinqué toutes les trois à son “instinct de salope”.

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Le lendemain, je me suis réveillée avec un mal de bloc et l’impression de ne pas avoir fait le tour de la question. J’ai rappelé Catherine et lui ai demandé :

– En tout, dans ta vie, tu as baisé avec environ combien de gars?
– Tu peux pas me demander ça avant mon premier café. Je te rappelle plus tard.

Je me suis dit, c’est normal, à la quantité de gars avec qui elle a dû coucher, ça va lui prendre un peu de temps pour calculer. Elle m’a écrit un texto l’après-midi : “+ ou – 50”.

Je ne sais pas vous, mais moi, je m’attendais à pas mal plus. Je veux dire, si avoir eu 50 partenaires à 42 ans, c’est être salope, alors, j’en connais une méchante gang.

J’ai continué mon investigation.

D’abord, auprès de mes amies filles hétéros. Plusieurs m’ont parlé de moments où elles ont eu une mauvaise image d’elles-mêmes liée à leur sexualité. Sylvie, par exemple, s’est lâchée lousse après sa séparation d’avec le père de ses enfants. Elle a toujours parlé de cette période de sa vie – dans la quarantaine – comme d’un moment de découvertes fascinantes (avec la fameuse fois où elle a eu sa première éjaculation féminine). Maintenant, c’est le calme plat, côté cul. Et elle m’a avoué qu’à un moment donné, elle s’est sentie sale et a eu besoin de vivre une période d’abstinence, comme pour se “nettoyer”, avant de reprendre sa vie sexuelle, qu’elle espère vivre avec un amoureux et non en passant d’un amant à un autre.

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Une autre amie était là, et elle a ajouté : “Mais quand on baise pas, c’est pas mieux. C’est aussi mal vu que de collectionner les aventures. Tu passes pour une frigide, une frustrée du cul. Dans tous les cas, c’est pas facile de tomber juste pour notre ‘image sociale’, de baiser assez, mais pas trop, d’avoir eu un certain nombre de partenaires sexuels dans la vie, mais pas trop non plus.”

La question qui m’est venue tout de suite, c’est : “Est-ce qu’il y a là aussi un double standard? Est-ce que les gars sont aussi moins jugés sur leur absence de sexualité?” Hmmm, pas sûre, je pense qu’un gars qui n’a aucune aventure, aucune vie sexuelle avec autre que lui-même pendant un certain temps se fera juger au moins autant qu’une femme. Mais peut-être qu’il n’en parlera juste pas.

Pour continuer mon enquête, j’ai pris le téléphone.

Première constatation : c’est pas facile pour une femme hétéro de ramasser des témoignages d’hommes hétéros. Les quelques gars à qui j’étais à l’aise de poser la question ont tous viré ça en joke. Un avec qui je couche de temps en temps m’a dit : “Mais juste une, voyons!” Un autre : “Compter, c’est vulgaire.” Mes amis gais, eux, n’ont eu aucune réticence à me divulguer leur “chiffre”. Ça allait de 100 à… 3000! Mon amie Catherine peut aller se rhabiller.

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Et moi dans tout cela? M’est-il déjà arrivé de me sentir sale ou salope?

Salope, je crois pas, ça ne fait pas partie de mon vocabulaire – même pour la fille avec qui mon ex est parti, je n’ai pas dépassé le niveau de “poufiasse”. Mais “sale”, ça, ça m’est arrivé. Une fois, parce que j’avais baisé avec deux gars la même semaine. Un étrange feeling qu’il faut une sorte de période de probation entre deux gars pour que mon corps retrouve un semblant de… de quoi? Quand même pas de virginité? Quand j’y pense, je trouve ça franchement débile.

Mais j’ai surtout ressenti ça quand je ne m’étais pas écoutée et que j’avais baisé avec un gars sans en avoir vraiment envie, soit parce que, une fois sa langue dans ma bouche, je n’avais pas osé dire non à la suite attendue des choses, soit parce que j’aimais l’image qu’il me renvoyait de moi, que ça me faisait du bien de me sentir désirée.

N’empêche, je vais travailler fort pour que si jamais à 50 et kek, je baise avec plusieurs gars en peu de temps, j’en sois ravie et ne me sente pas salope. Ou alors, je serai “une salope éthique” et revendiquerai ce statut avec fierté.

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