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Être joignable en tout temps pour le travail, ça pèse sur la santé mentale

Même si un travailleur ne répond pas à ses courriels hors du bureau, ça affecte son niveau de stress.

Par
Philippe Côté-Giguère
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Depuis l’avènement d’internet, la damnée invention des laptops, ces ordinateurs pouvant être trainés à peu près partout (même sur une plage d’Hawaï), à la fin des années 90/début des années 2000, et, surtout, la montée en popularité des téléphones intelligents, les personnes effectuant du travail de bureau sont joignables 24 heures sur 24, 7 jours sur 7; elles peuvent même trainer du travail à la maison (quelle joie!).

Cette disponibilité quasi infinie a été vendue comme étant un avantage pour les travailleurs puisqu’ils avaient dorénavant le choix de décider quand et où ils souhaitaient effectuer leurs tâches. Merveilleux! Non, pas tant.

Si on savait déjà que le fait qu’un employé puisse effectuer son travail en tout temps via le téléphone qu’il trimballe partout l’empêche de décompresser à l’extérieur de la job, en plus de diminuer sa productivité au lieu de l’augmenter, une nouvelle étude de l’Université Virginia Tech en vient à la conclusion que le simple fait qu’une personne soit joignable augmente son niveau de stress, en plus d’affecter négativement le bien-être de ses proches.

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C’est le docteur William Becker, professeur en management (et probablement un grand fan des Fugees), qui a effectué cette recherche dont le titre est particulièrement évocateur : « Killing me soflty: electronic communications and employee and significant-other well-being ».

La connectivité 24/7, pas tant avantageuse

Dans son rapport final, le chercheur explique que la seule possibilité de répondre à un courriel hors des heures de travail cause de l’anxiété, et ce, même si aucun message n’est reçu ou envoyé. Cette arrière-pensée constante dans l’esprit des gens les rend incapables de décrocher complètement du boulot, attendant toujours qu’une maudite notification apparaisse sur leur écran de téléphone. Dr Becker en vient aussi à la conclusion que les personnes ont de plus en plus de difficultés à concilier le travail et la famille puisque l’un empiète constamment sur l’autre et vice versa.

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Le professeur à Virginia Tech mentionne également que les supposées « limites du travail flexibles » deviennent plutôt « travail sans limites », ce qui a tendance à compromettre la santé et le bien-être d’un employé ainsi que ceux de sa famille. Pas cool. Pas cool pantoute, finalement.

Des solutions?

Toujours selon le docteur Becker, l’idéal pour les entreprises serait d’adopter des mesures de travail permettant à leur main-d’œuvre de ne pas avoir cette pression continuelle sur les épaules, notamment en diminuant les attentes en matière de connectivité 24/7. Il est aussi possible pour un employeur de limiter les heures de travail hors bureau, notamment en programmant les serveurs de courriel afin qu’ils soient hors fonction durant certaines périodes. Cela permet ainsi aux employés d’avoir l’esprit tranquille durant ces quelques heures (sauf peut-être si vous êtes ergomane [oui oui, ça veut dire « workaholic» en français]).

Il est aussi possible de programmer les serveurs de courriel afin qu’ils soient hors fonction durant certaines périodes.

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Une autre façon pour un employeur d’éviter que les travailleurs ne subissent cette surcharge mentale est de clairement établir les attentes lorsqu’on parle de télétravail au moment de l’embauche. Si un emploi nécessite absolument une joignabilité en tout temps, le candidat en est donc conscient avant même d’accepter le poste. Dans le fond, il faut juste éviter les mauvaises surprises du genre « Ah oui, on te fournit le téléphone intelligent parce que ça se peut que t’aies à répondre à des courriels la fin de semaine, de temps en temps », et que « de temps en temps » finisse par devenir « pas mal tout le temps ».

Du côté des travailleurs, le professeur suggère à tout un chacun de contrôler ce qu’il peut, notamment en pratiquant la pleine conscience (ou « mindfulness », en anglais) qui permet de cesser d’être constamment déconcentré par mille et un stimuli, dont l’infâme téléphone et ses millions de notifications (surtout si vous êtes Jay du Temple).

Le gouvernement à la rescousse?

Peut-être le saviez-vous déjà, mais quelques pays ont déjà adopté des lois afin de limiter les heures travaillées hors bureau. En France, depuis une décision de la Cour suprême stipulant que les travailleurs n’étaient pas dans l’obligation d’effectuer des tâches professionnelles à la maison, différentes lois ont été adoptées afin d’encadrer le télétravail. En 2017, le gouvernement a passé une loi obligeant les entreprises à négocier les heures de travail à l’extérieur du bureau avec les nouveaux employés.

Quelques pays ont déjà adopté des lois afin de limiter les heures travaillées hors bureau.

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En Allemagne, des employeurs ont pris les devants en la matière; Volkswagen a notamment implanté une nouvelle mesure qui met en veille les serveurs de courriels de l’entreprise entre 18h15 et 7h. C’est quand même un début!

Alors, à quand une loi de ce genre au Québec? Anne-Marie Dussault, pas game de poser la question aux chefs de parti pendant le combat des chefs!

Sur ce, je retourne à ma pleine conscience.