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J’étais flexitarienne bien avant que les restaurants Commensal n’en galvaudent la définition.
En fait, je suis comme Pierre Karl Péladeau : je mange végé à la maison parce que ma blonde est végétarienne, mais je ne m’empêche pas de consommer de la viande quand ça adonne, dans un cocktail, par exemple, ou lorsqu’un pogo se trouve sur ma route. Depuis deux ans, j’ai ainsi appris à cuisiner le tofu et les edamames, à faire du bouillon sans carcasse de poulet et à digérer les légumineuses sans trop de péripéties.
Tout ça fait bien mon affaire. En plus d’avoir éliminé sans trop d’efforts les 10 livres que j’avais toujours eu en trop pour être heureuse, être presque végé me permettait jusqu’à la diffusion dimanche dernier de cette publicité du Commensal de flasher que j’étais flexitarienne, et ainsi donner raison à ma famille quand ils rient de mon côté bobo du plateau. Je devrai continuer à faire du yoga chaud pour conserver mon titre, sinon, ma famille aura l’impression qu’être moi, c’est juste «hmmm», alors qu’être flexitarien, c’est beaucoup plus qu’une onomatopée.
Être flexitarien, c’est l’équivalent alimentaire de porter des jegging : un statement culinaire sans trop de compromis de confort. C’est réduire sa consommation de viande, que ce soit pour des raisons environnementales, sociales, ou plus égoïstement, pour perdre son muffin top et ne pas avoir à subir trois pontages coronariens à l’âge de 50 ans. C’est être végétarien la plupart du temps, sans être la lourde qu’on n’invite plus à souper parce que c’est compliqué. Ça vous évite de mourir sans jamais avoir connu les sandwichs au porc effiloché. Ça vous donne le droit de manger de la salade César sans mettre le bacon de côté, et ça me permettra d’aller chez Schwartz’s vendredi pour accompagner mon ami parisien qui ne vit depuis deux semaines que pour manger un smoked meat de Montréal.
Être flexitarien, CE N’EST PAS manger plus de viande quand on est végétarien et ainsi augmenter ses risques de crise cardiaque. C’est le CONTRAIRE.
Pour le Commensal, être flexitarien, c’est trouver une solution pour attirer plus de monde dans son restaurant.
Comme s’il était impossible pour un non-végétarien de manger du tofu à l’occasion ou de s’abstenir de viande le temps d’un repas.
Comme si les carnivores s’étaient toujours privés de venir au Commensal, angoissés à l’idée de ne pas pouvoir manger de bavette à l’échalote ou de spaghetti carbonara.
Comme si les gens allaient au Commensal pour manger santé, sans se rendre compte que les aliments sous le réchaud baignaient dans quatre fois la portion de gras recommandée pour une journée chez un humain normalement constitué.
Comme si, pour les végétariens de conviction, il y avait une hiérarchie des animaux et que tuer une crevette, un poulet ou l’animal duquel provient la goberge, c’était moins pire que tuer un bœuf ou un cochon.
Comme si les gens qui allaient au Commensal n’étaient pas déjà pour la plupart flexitariens.
Comme si le Commensal détenait le monopole de la flexibilité, alors que depuis toujours, la plupart des restaurants ont offert des options végétariennes.
Comme si les non-végétariens ne mangeaient que de la viande, et les végétariens, que des légumes et du tofu.
Comme si les gens, pour la plupart omnivores depuis toujours, comprenaient pourquoi on les embête avec un terme marketing qui décrit à peu près comment ils ont toujours mangé.
Comme si être flexitarien, c’était tout simplement accompagner une superbe assiette de fruits et légumes avec une viande ou un poisson savoureux dont on connaît l’origine, en disant «hmm».
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PS: «hmm» vient d’être officiellement déclaré «argument irrecevable de 2012».
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