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Êtes-vous un extraordinaire célibataire heureux et épanoui?

Est-ce que l'amour peut se renouveler au quotidien s'il n'est pas inconditionnel?

Par
Stéphane Morneau
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Il y a quelques temps, une notion qui m’était étrangère a croisé mon attention après une discussion avec une collègue.

Elle m’a pointé en direction des Super Singles, c’est-à-dire des gens qui sont devenus, par la force des choses, des célibataires indépendants, autonomes, autosuffisants et surtout, heureux.

Vous me direz que l’idée d’être célibataire et heureux n’est pas nouvelle, bien évidemment, mais cette étiquette revendiquée de Super Single a quand même piqué ma curiosité et je me demande : contre quoi cette étiquette entre-t-elle en réaction?

De nos jours, avec les Tinder et les Bumble de ce monde, on magasine des relations comme on caresse l’idée de changer un meuble dans la maison en feuilletant le catalogue Ikea. On se projette dans un quotidien, une relation, comme on imagine notre salon avec un tapis à motifs ou une table de coin. On carbure à l’idéalisation d’une vie à deux alors qu’on passe le plus clair de notre temps seul à visualiser cette dite vie partagée.

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Est-ce qu’on recherche vraiment l’amour et la compagnie? Ou bien ressentons-nous plutôt un envahissant sentiment de culpabilité qui nous habite quand nous sommes seuls et confrontés à toutes les représentations du couple et du bonheur à deux que nous envoient les médias et les réseaux sociaux?

Ça m’en prenait pas plus pour me perdre dans mes songes.

Parce que c’est vrai que la mécanique du couple telle qu’on la connait n’est peut-être plus la façon idéale d’entrevoir l’avenir, la famille et puis tout le reste. Aimer quelqu’un à jamais, jusqu’à ce que la mort nous sépare, c’est un fichu de gros contrat. Peut-être trop gros même.

Ceci dit, je n’essaie pas de vous vendre l’idée qu’on doit simplement se contenter d’histoires de couchettes et de relations superficielles pour meubler le temps entre deux solitudes.

Reste à trouver le juste milieu.

Je-me-moi

Quand on lit un peu sur les Super Singles, il y a cette notion de s’écouter, d’être le centre de son univers et d’y faire graviter ce qui nous plaît. Idem pour la famille et les enfants, on ajuste le tout à notre centre gravitationnel et on progresse au quotidien en gardant un cap approximatif sur notre bonheur.

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Ça provoque, d’une certaine façon, un vacuum pour les relations qui, forcément, sont souvent facilement rejetées quand la centrifugeuse du bonheur s’active pour ne garder que l’essentiel.

C’est là que ça devient étourdissant. En étant responsable de son propre bonheur, de l’épanouissement de son désir, l’autre est un passager plus qu’un partenaire, un accessoire plus qu’une nécessité.

C’est étourdissant, mais aussi dangereux, parce qu’on finit par amoindrir le rôle de l’autre jusqu’à presque complètement évacuer son importance dans nos envies.

Quand on swipe de gauche à droite sur Tinder, on juge en une fraction de seconde ce que pourrait être une vie avec quelqu’un. Pas le temps pour les nuances, les essais et les erreurs. Notre planète bonheur ne cesse jamais sa grande révolution.

Super Single ou super amer?

Mon réflexe premier devant tout ceci est l’amertume. Parce qu’à force d’être seul, on devient bon, trop bon même, et on se demande comment quelqu’un pourrait améliorer le tout.

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Moi, par exemple, j’ai une routine avec ma fille. On fonctionne ensemble d’une certaine façon elle et moi en fonction de nos besoins respectifs. J’abreuve mes pulsions plus « adultes » quand elle n’y est pas et sinon on s’alimente le bonheur mutuellement entre deux questions existentielles comme « on mange quoi ce soir papa? » et « est-ce qu’on peut se coucher tard ce soir? ».

Comment, devant cette machine bien huilée, s’imaginer ajouter des morceaux sans tout foirer?

Cette peur de se perdre, de dérailler son train aller-simple vers le bonheur autosuffisant, est réelle et suffocante.

Est-ce que la solution à tout ceci est de s’abandonner à l’autre, espérer le mythique coup de foudre qui change tout, ou bien de doubler la mise sur soi et ne plus espérer?

Déboulonner les statuts matrimoniaux

Un obstacle de taille ici c’est de désactiver tout ce que l’on sait et tout ce que l’on nous a enseigné à espérer depuis notre plus jeune âge.

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Trouver l’amour, fonder une famille, avoir un chien, une maison, une clôture blanche et un gazon à couper le dimanche. S’épanouir, voyager en amoureux, les bed & breakfast, s’embrasser sous la pluie et faire le pied de grue devant le téléphone un vendredi soir en espérant un « bonne nuit » plein de belles promesses. Avoir les yeux qui pétillent, les jambes molles, les fameux papillons dans l’estomac.

Ça fait beaucoup de choses à désamorcer et rééduquer si on veut vraiment accepter son état de Super Single.

Est-ce que c’est un projet viable alors? Peut-on ajuster le couple pour y inclure plus de temps pour soi? Plus d’ouverture? Il existe les arrangements comme le polyamour et les couples ouverts, mais c’est encore très marginal et défini en fonction de ses participants. Ce n’est pas aussi définitif qu’une réinvention de la notion même d’être en couple.

Et si on était dans le champ depuis tout ce temps?

Chuck Klosterman a publié un livre il y a quelques années, « But What if We’re Wrong », qui approche le présent comme on approche le passé et les croyances dépassées comme la forme de la terre et l’existence de la gravité. Sa grande thématique est d’approcher nos croyances actuelles comme elles seraient perçues par la civilisation dans des centaines d’années. Qu’est-ce qui resterait de nos façons de faire?

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Et si notre façon de vivre en couple, marié ou non, dans une même maison, n’était qu’une phase?

C’est un pensez-y-bien qui me trotte en tête de plus en plus à force d’évoluer dans ma trentaine sans savoir si oui ou non j’ai envie de partager mon quotidien avec une femme que j’aime… parce que je ne suis même pas sûr que l’amour se renouvelle au quotidien quand il n’est pas inconditionnel.

Bref, y croyez-vous à cette tendance d’être un célibataire extraordinaire et pensez-vous en être un ou une?