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Et si c’était au tour du public de se réinventer ?

Profitez donc de la pandémie pour assister à un show de gigue contemporaine.

Par
Laïma A. Gérald
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Si je vous dis le mot « gigue », qu’est-ce qui vous vient en tête en premier? Je parie que vous pensez à des personnes âgées, aux mythiques soirées canadiennes et à des violonistes endiablés. Vous avez en partie raison, mais ce n’est pas de ça dont je vous parle aujourd’hui. Je vous parle plutôt de gigue contemporaine. Oui, oui, vous avez bien lu.

Les chorégraphes et danseurs Philippe Meunier et Ian Yaworski bousculent les codes de la gigue avec leur nouveau spectacle Accolades & quiproquos, qui sera présenté en direct en webdiffusion samedi 13 mars.

Intrigués, on leur a posé quelques questions.

Avant toute chose, c’est quoi de la gigue contemporaine?

Il y a autant de styles de gigue contemporaine que de créateurs et de créatrices de gigue contemporaine. Il faut d’abord savoir que de la gigue traditionnelle, c’est une danse rapide d’origine anglaise ou irlandaise, sur un rythme ternaire ou binaire. Dans une approche contemporaine, on peut explorer le mouvement des jambes, l’esthétique. On peut aussi conserver seulement les mouvements de bras de la gigue, on peut chanter, etc.

«Il y a autant de styles de gigue contemporaine que de créateurs et de créatrices de gigue contemporaine.»

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Nous, la façon dont on aborde la gigue contemporaine, c’est qu’on l’utilise comme un matériel de base, comme un point de départ. Quand on entre en studio pour une nouvelle création, on créé un ou plusieurs pas de gigue, on garde certains éléments de la danse traditionnelle et on en évacue d’autres. Dans Accolades & quiproquos, on explore tout particulièrement l’esthétique de la jambe. Donc c’est un spectacle de danse contemporaine, et la gigue est le matériel de base pour la création.

Vitor Munhoz
Vitor Munhoz
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Avez-vous une formation en gigue?

On a tous les deux fait partie de troupes de folklore, quand on était plus jeunes. Ian était à Drummondville et moi [Philippe], à Saint-Eustache. De fil en aiguille, on a intégré des compagnies professionnelles et côtoyé des chorégraphes indépendants, qui commençaient à défricher et actualiser la gigue. Tout ce monde-là voulait montrer que le folklore et la gigue, c’étaient pas juste l’image des Soirées canadiennes. On a beaucoup expérimenté avec le mouvement pendant notre vingtaine, jusqu’à ce qu’on commence à faire nos propres projets et développer notre propre signature. On travaille beaucoup ensemble depuis 2016, et en 2019, on a fondé notre compagnie Les archipels, et on est très actifs!

Depuis plus d’un an, vous travaillez sur Accolades & quiproquos. Est-ce que la pandémie a eu un impact sur le processus de création?

Vraiment! À la base, c’est un spectacle conçu pour 8 interprètes. Ça devait être notre premier projet de cette envergure. Quand la pandémie est arrivée, on était en Espagne pour une résidence de création, et on travaillait dans l’optique d’un spectacle à 8. Tu te doutes qu’on a dû revenir d’urgence et que nos plans ont changé depuis!

«On n’aurait sans doute pas pu créer comme on l’a fait si on n’était pas des amoureux.»

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On s’est beaucoup questionné sur la manière d’adapter le projet et on s’est vite rendu compte qu’on n’avait pas envie de danser en groupe, avec des masques et à 2 mètres. Ça n’avait pas de sens pour nous et ce n’est pas dans l’esprit de ce qu’on fait. On a donc décidé de transformer le projet initial et de travailler sur un duo. Et puisque nous sommes un couple, on peut se toucher, danser dans la même bulle sans limites. En fait, on n’aurait sans doute pas pu créer comme on l’a fait si on n’était pas des amoureux.

«On est vraiment fiers d’avoir pu maintenir leurs emplois dans cette période particulièrement précaire pour les artistes.»

Ceci étant dit, on a tenu à maintenir l’implication des 6 autres interprètes de grand talent avec qui on devait travailler. Ils et elles sont devenus des conseillers bienveillants, des observateurs, des yeux extérieurs qui nous ont beaucoup aidés dans la création. On a aussi essayé de s’inspirer du style de chacun d’eux pour créer des mouvements. Donc quand on danse, on ressent leurs influences dans nos mouvements et dans nos corps. On se dit même « OK, en ce moment je fais le bout d’Antoine, là on fait le moment de Geneviève ou de Liane, de Jo », par exemple. On a une immense confiance en eux, et on est habités par eux quand on danse. Dans le spectacle, on parle et on nomme même les collaborateurs, et ça nous nourrit beaucoup de penser à eux quand on performe.

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Aussi, on est vraiment fiers d’avoir pu maintenir leurs emplois dans cette période particulièrement précaire pour les artistes.

Sur le plan de la conception, on est vraiment bien entourés. Jérôme Minière a accepté de composer de la musique originale, et c’est complètement malade ce qu’il a fait! Karine Gauthier a aussi conçu un éclairage magnifique. On est vraiment contents, parce qu’on trouve que tous les éléments de création et de conception blend super bien.

Quels sont les grands thèmes que vous abordez dans le spectacle?

Le thème de base, c’est la négociation. On réfléchit à la manière dont des créateurs arrivent en studio, échangent des idées, travaillent en équipe, pour que tout le monde soit à l’aise avec les décisions finales.

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Samedi, vous présentez le spectacle en direct, en webdiffusion. À quoi va-t-on assister?

On a décidé de présenter le spectacle en intégralité, de manière virtuelle, puisque les salles de spectacle ne sont pas encore déconfinées.

On a adapté le spectacle pour la webdiffusion, mais on n’avait pas envie de faire une captation classique, avec trois caméras fixes comme on fait souvent.

On est un peu fous donc on a décidé de faire un plan séquence, avec une personne avec une caméra qui nous suit sur scène. On veut que le spectateur se tente full impliqué, en ayant presque l’impression d’être sur scène avec nous.

«On est un peu fous donc on a décidé de faire un plan séquence.»

Par moment, la caméra va être plus loin, et on va voir l’ensemble de la scène, mais à d’autres, on va voir des gros plans, comme si on était au cinéma. On veut jouer sur les différentes valeurs de plans. On est conscients que les gens vont regarder le spectacle sur leur téléphone ou leur ordi, mais on a envie qu’ils se sentent un peu comme au cinéma ou au théâtre, pendant 1h. On est heureux et choyés que Tangente, qui diffuse le spectacle, ait embarqué dans notre idée.

Vitor Munhoz
Vitor Munhoz
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À qui le spectacle s’adresse selon vous?

À tout le monde, pour vrai. On a injecté beaucoup d’humour et d’autodérision dans le show. Ce n’est pas du tout hermétique, ce n’est pas compliqué à regarder, et les gens ne se prendront pas la tête à essayer de comprendre toutes les couches. On n’a pas besoin d’avoir des connaissances en danse pour apprécier notre show. Il n’y a pas de réactions obligatoires à avoir, il n’y a pas non plus de grands messages philosophiques à comprendre, et personne n’a besoin de mettre des lunettes d’intellectuels pour apprécier notre proposition.

On se dit aussi que le fait que les salles soient fermées et que l’accès à l’art est bouleversé, ça peut être une période pour sortir de notre zone de confort en tant que spectateur et voir des trucs auxquels on est moins habitués. On a beaucoup dit aux artistes qu’ils devaient se réinventer: et si c’était au tour du public de se réinventer?

Accolades & quiproquos
En direct: 13 mars 2021, 19h30
En reprise: 15 au 21 mars 2021

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