Ça y est, on tourne la page du calendrier pour entamer une toute nouvelle année. Comme chaque 1er janvier, tu t’attardes à un rituel où tu écris tes résolutions pour l’année qui t’attend (p’tites chandelles de rituel en option). Puis, comme chaque année, dans les 3 premières résolutions de ta liste, on en retrouve au moins une en lien avec ton corps.
À l’aube de tes 23 ans, la relation avec ton corps n’aura jamais été aussi compliquée. Tu auras perdu du poids, repris du poids, vécu avec des blessures, puis accompli des exploits sportifs. Malgré tout, tu n’auras jamais été satisfaite. Alors, chaque année, tu te retrouves devant ton cahier, et tu couches sur papier ton désir si brûlant d’être enfin bien dans ton corps. Ça t’aura pris bien des efforts pour arriver à écrire cette dernière ligne sans trop cringe mais elle ne fait qu’illustrer le poids de ces mots (le jeu de mots était pas voulu, sorry).
Tu es au début de ta vingtaine, puis tu es enfin capable d’admettre que tu as des problèmes d’image corporelle et un passé avec des troubles alimentaires. Sujet léger, hein?
Parce que, peu importe la quantité de graisse sur tes cuisses que tu arrives à pincer entre ton pouce et ton index, tu te regardes dans le miroir et tu souhaites voir un corps qui n’est pas le tien. Et tu n’es pas la seule.
Dans ton entourage, les conversations sur le poids reviennent souvent. Autour de la table, à l’heure du souper, dans ton feed Instagram, en discutant avec des amies. Les mots « trop mangé », « perdre du poids », « jeûne », « portion », « se remettre au sport », reviennent à un rythme étourdissant. C’est rien de nouveau, ces mots. Et, bien qu’ils ne soient pas qu’apanage du temps des Fêtes, c’est à ce moment qu’ils reviennent le plus fréquemment.
Ta meilleure amie, Éliane, étudiante au doctorat en psychologie (donc pratiquement ta psy personnelle), met des mots sur tes sentiments « Les gens considèrent le début de l’année comme un renouveau, un nouveau départ. Une bonne excuse pour commencer à bouger et à s’activer. » C’est vrai qu’un 1er janvier qui tombe un lundi, c’est quand même une pas pire excuse pour commencer l’année du bon pied, points bonis si on a des souliers de course enfilés.
On le sait bien que la nouvelle année, c’est une excuse pour les compagnies d’user de la confiance un peu plus fragile de certaines personnes pour nous vendre des cossins qui vont nous faire « perdre du poids miraculeusement en moins de 21 jours » et « nous aider à tenir la promesse qu’on s’est faite en écrivant nos résolutions ». On se fait manipuler et on le sait. Puis, malgré tout, on va lire les publicités qu’on voit de ces produits, les considérer, puis parfois aller jusqu’à les mettre dans notre panier. On tombe dans le panneau chaque année. Ouch.
Ça, je suis la première à l’admettre. Des petites pilules vertes à l’emballage esthétique pour aider notre santé intestinale? Déjà essayé. Un plan d’exercices de Pilates pour avoir des abdos et des fesses bien musclées (faudrait surtout pas avoir de la cellulite qui dépasse de nos shorts, tsé)? Done and done again. Le pire, c’est que tu le sais que ça s’en vient. Les pubs qui s’immiscent tranquillement dans ton feed Instagram, puis oups, mais qu’est-ce que ça fait là, tu tiens le produit dans tes mains et ça commence à coûter cher, être bien dans son corps.
Ton amie Éliane t’explique : « On parle souvent de culpabilité des Fêtes. On mange plus au moment de célébrer, donc on souhaite par la suite perdre le poids des Fêtes. »
Le poids des Fêtes. Est-ce un fardeau si lourd? Selon moi, ce qui est lourd, c’est d’associer la nouvelle année à l’insatisfaction qu’on éprouve par rapport à notre corps, qu’on analyse au peigne fin après avoir mangé beaucoup de chocolats Lindt et de tourtières.
Et depuis quand on porte ce fardeau?
Tu auras eu accès aux réseaux sociaux assez jeune. À 10 ans, tu tenais fièrement ton iPod Touch et à 12 ans, tu créais un compte Instagram. Une décennie plus tard à scroller quotidiennement sur les réseaux sociaux, tu te sens épuisée. Épuisée de te comparer, de te juger, puis de te forcer à bouger.
Donc, 10 ans plus tard, et quelques jours avant le grand jour, soit le grand reset solaire et la nouvelle année qui promet de tout changer, tu commences à voir des TikToks bien édités sur une autre chanson de Tate McRae ou de Patrick Watson (en version speed up, bien entendu) de femmes de type that girl, qui font leur lit, sortent leur kit de sport bien agencé, se préparent un smoothie vert et s’assoient sur leur divan blanc pour écrire leurs résolutions de l’année. Parfois, il y a même un petit speech toujours très sérieux par-dessus la musique, histoire de rendre ça encore plus motivant.
Bref, toi aussi, t’ouvres ton cahier. Puis, comme par magie, à ce moment-là, tu pognes jamais le syndrome de la page blanche. T’as toujours un paquet de choses à améliorer, du poids à perdre et des muscles à développer.
Tu prends ton crayon, t’écris quelques lignes sur une page blanche (mise à part l’encre avec laquelle t’as écrit tes résolutions de l’année précédente qui traverse celle-ci) et tu te laisses aller à rêver à une meilleure version de toi-même, un peu plus mince, avec une plus belle peau et un ventre plus plat. Plus, plus, plus.
C’est lourd. Et c’est fatigant.
Donc, cette année, je boycotte les résolutions. Du moins celles en lien avec le poids. Et ce, pour la première fois depuis la première fois que j’ai commencé à écrire mes résolutions.
Plutôt, pour la nouvelle année, je nous souhaite de la légèreté. Du bon temps autour d’une table, des conversations saines, et beaucoup de rires. Mais surtout, des bons repas sans culpabilité. Parce que la tourtière à la bière de ta grand-mère est beaucoup trop délicieuse pour rester dans son papier d’aluminium, et ton assiette trop grande pour n’y contenir que des légumes cuits à la vapeur.