La semaine dernière, on apprenait par le média américain Pitchfork qu’une étude de l’Université de Miami avait révélé que le volume élevé de la musique du festival Ultra Music aurait causé une réponse de stress intense chez les poissons du cours d’eau environnant, un stress qui serait comparable à celui ressenti par un poisson qui se fait pourchasser par un prédateur.
L’affaire, c’est que nos festivals montréalais sont aussi présentés près de l’eau, sur l’île Sainte-Hélène. Est-ce qu’on devrait annuler Osheaga pour ne pas faire peur aux gros poissons terrifiants de la Ronde?
On en a parlé avec Raphaël Proulx, professeur à l’Université du Québec à Trois-Rivières et membre de la Chaire de recherche du Canada en intégrité écologique.
Un tout nouveau champ d’intérêt
D’emblée, monsieur Proulx s’avoue surpris à la lecture de l’article de Pitchfork : « C’était la première fois que j’entendais une telle chose. J’ai été quand même intéressé, l’équipe de l’Université de Miami c’est des gens qui savent ce qu’ils font. Mais pour le moment, la question est complètement ouverte ».
Selon les connaissances du professeur Proulx, ce serait l’une des premières fois que l’on soulève la question de l’impact du son des festivals sur les populations de poissons. Il y a donc plus de points d’interrogation que de réponses.
« Il n’y a absolument aucune recherche, et la recherche faite par l’Université de Miami n’est pas encore publiée. »
Une pénétration assez limitée
Arrêtez de penser croche, je parle de la pénétration du son dans l’eau.
Raphaël Proulx m’explique qu’au passage du son de l’air vers l’eau, 99 % des ondes sonores sont réfléchies. Un mince 1 % du son de la musique se rend dans l’eau (dommage pour les poissons mélomanes).
« Les auteurs ont mesuré une augmentation du son de 2 à 3 décibels dans la baie, ce qui est soit dit en passant très peu. Quand on parle d’un moteur de bateau, on parle facilement d’une augmentation de 30 décibels. »
Bref, les plaisanciers en bateau à moteur dérangent plus les poissons qu’une grosse basse dans le tapis.
Mesurer le stress des poissons
L’expert souligne aussi la façon dont le stress a été mesuré chez les cobayes. Les chercheurs ont mesuré le taux de cortisol, l’hormone du stress, dans le sang des poissons.
« C’est un marqueur de stress, oui, mais ça peut aussi être un marqueur d’excitation ou d’éveil, donc c’est assez général comme mesure de stress! »
Dans le fond, peut-être que les poissons trippent juste sur l’EDM!
Ça change quoi, que les poissons soient stressés?
Bon, fait qu’on n’est pas sûrs que la musique forte stresse les poissons tant que ça, mais reste une question importante : si ça les stresse bel et bien, ça change quoi? Est-ce que les poissons peuvent faire des burn-out?
Pour Raphaël Proulx, l’impact important du son est bien plus au niveau du dérangement de l’écosystème qu’au niveau du stress :
« On découvre de plus en plus que les poissons communiquent entre eux acoustiquement. Les poissons entendent très très bien, ce sont des organismes dotés d’une ouïe assez fine. Pour les poissons qui communiquent par le son, c’est donc toute l’interruption de la communication. »
Et pour les autres?
« On se demande encore c’est quoi les bénéfices des poissons qui ne communiquent pas par le son. On pense que ça servirait à la navigation, à se repérer et à détecter les dangers. »
Le stress en tant que tel peut avoir des conséquences physiques, mais dans des circonstances particulières :
« Il y a des conséquences au stress qui sont physiques, par exemple quand on fait de l’exploration sismique, ça peut carrément paralyser les poissons pendant une certaine période de temps, comme les sonner. »
Mais on parle ici d’ondes bruyantes causées par de la fracturation, entre autres. Rien à voir avec le restant de bruit du DJ set de Deadmau5 qui se rend jusqu’aux barbottes de l’île Sainte-Hélène.
Bref, jusqu’à ce que de nouvelles études viennent nous prouver le contraire, on peut continuer de croire que les seuls qui sont vraiment stressés par Osheaga ou Heavy Montréal, ce sont les résidents de St-Lambert.