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Est-ce que c’est encore pertinent, les vacances de la construction?
Le coup d’envoi est lancé : les 48e vacances de la construction, une tradition unique au Québec, viennent de commencer. Ça sent déjà les steamés pis l’anti-moustique.
Ça sent déjà les steamés pis l’anti-moustique.
Mais plus concrètement, ça veut dire que plus de 80% des 190 000 travailleurs et employeurs de la construction prennent obligatoirement deux semaines de vacances, entraînant dans l’engrenage plus du quart de la population du Québec avec eux.
Les 20 à 25% de travailleurs de la construction restants, ce sont les quelques valeureux salariés qui continuent de faire avancer les chantiers routiers, les grands travaux de génie civil (comme le pont Champlain l’an passé) et les urgences. Les nids de poule n’attendent pas! Et on leur lève notre Coors Light.
Comme un genre de rituel
Pendant deux semaines, un véritable boom économique secoue l’industrie touristique. La chasse aux bons emplacements de camping atteint une ferveur inégalée, faisant grimper les prix. Pareil pour les billets d’avion, et les hôtels. Parce que les « La bière va être bonne, hein » résonnent jusque dans les Caraïbes!
C’est un fait de société, une tradition qui berce le peuple québécois d’un été à l’autre, tellement qu’on en oublie parfois les origines…
En 1971, année inaugurale du concept, la mi-juillet coïncidait avec la fermeture des usines pour un entretien de mi-été. Le gouvernement et les différents partis de l’industrie ont alors jugé que c’était un bon moment pour harmoniser les vacances d’un milieu qui est autrement assez hétéroclite.
Un deal consensuel comme ça, c’est assez rare dans le mouvement ouvrier.
Un deal consensuel comme ça, c’est assez rare dans le mouvement ouvrier. Pour les employeurs, ça permettait de mieux juger de la disponibilité des effectifs, tout en offrant des vacances à un moment où la chaleur diminuait la productivit é.
Et avant ça, les travailleurs, qui jonglaient souvent entre différents contrats au fil de la saison estivale, devaient négocier leurs vacances à coup de deux ou trois jours. Et faire l’aller-retour à Old Orchard en une fin de semaine, ce n’est pas facile.
Les travailleurs veulent-ils encore prendre leurs vacances à ces dates-là?
Mais près de 50 ans plus tard, on peut se demander si le tour de manège que représentent les vacances de la construction en vaut toujours le coup. Les travailleurs veulent-ils encore prendre leurs vacances à ces dates-là? L’industrie touristique préférerait-elle voir son flot de vacanciers mieux répartis durant l’été?
Une tradition qui se renouvelle presque par hasard
« C’est important de permettre aux employés de prendre des vacances estivales », prévient d’emblée Éric Boisjoly, directeur général de la FTQ-Construction, un syndicat regroupant près de 45% de l’industrie. « On s’entend qu’au Québec, notre période de chaleur est assez courte! »
Pour lui, les vacances de la construction assurent un cadre fixe autour duquel l’entourage du travailleur peut s’arrimer, ce qui est aussi pertinent aujourd’hui qu’en 1971. Et même plus? « Les enfants sont en congé l’été. De plus en plus, au Québec, on parle de conciliation travail-famille… c’est important pour la nouvelle génération », ajoute-t-il.
Et l’idée d’avoir, par exemple, deux semaines de vacances estivales garanties, mais plus « mobiles », par exemple, n’est simplement pas discutée dans le milieu. « Ce n’est pas une demande qui est faite ni de la part des travailleurs ni de la part des associations patronales », assure le directeur.
La chaleur entre aussi en ligne de compte, et pas seulement pour des questions de productivité.
« L’idée c’est aussi de prendre des congés dans la période la plus chaude de l’été pour des raisons de santé et de sécurité. »
« L’idée c’est aussi de prendre des congés dans la période la plus chaude de l’été pour des raisons de santé et de sécurité », explique Charles-Olivier Picard, coordonnateur aux relations du travail pour le Syndicat Québécois de la Construction, qui regroupe 28 000 travailleurs. En 2008, les deux dernières de juillet sont d’ailleurs devenues la dernière de juillet et la première d’août pour cette raison, avance-t-il.
Et depuis, les tendances météo ne s’améliorent pas. Les canicules estivales devraient devenir de plus en plus élevées et fréquentes. « Les travailleurs de la construction sont les premiers exposés à ça », soulève M. Picard. L’an passé, à Québec, un travailleur a d’ailleurs perdu la vie à la suite d’un coup de chaleur.
50 ans d’avancées technologiques, ça donne quoi?
On ne va pas se leurrer : faire des toitures et construire des routes, ce n’est pas quelque chose qui se fait facilement l’hiver. Même chose pour les travaux dans les écoles, parce que plâtrer un plafond debout sur le pupitre d’un élève horrifié, ce n’est pas génial.
Mais pour la majorité des jobs, on est quand même plus efficace qu’avant. « Les avancées technologiques font en sorte qu’il y a peut-être plus de travaux qui peuvent se faire, ou du moins une meilleure répartition de ceux-ci sur une échelle de temps donnée », note M. Picard.
Un autre point en faveur des vacances au soleil pour tout le monde!
Le « boom » de l’industrie touristique : prévoir ou subir?
Booker un hôtel ou planifier des activités est parfois un cauchemar pour ceux qui prennent leurs vacances en même temps que les travailleurs de la construction. Mais semble-t-il que l’industrie touristique vit très bien avec ça.
Pour Village Vacances Valcartier, un complexe de jeu d’eau et de neige à Québec, les vacances de la construction sont, sans surprises, le moment le plus achalandé de la saison. Mais pour eux, le fait d’avoir un peak saisonnier n’est pas une mauvaise chose en soi.
Ça « permet de prévoir un achalandage et du personnel assez longtemps à l’avance », explique la coordonnatrice aux relations médias Marie-Eve Doyon. Même qu’au fil des années, ils ont pu développer des outils pour mieux évaluer le nombre de visiteurs et s’adapter en conséquence.
Eh oui, une saison estivale ensoleillée, ça étale la clientèle sur une plus longue période.
Fait intéressant à noter (si vous êtes passionné des vacances de la construction, ce que vous devez être si vous n’avez toujours pas abandonné la lecture de ce texte) : Ces derniers étés, le boom a été moins senti qu’à l’habitude pour eux, conséquence du… beau temps! Eh oui, une saison estivale ensoleillée, ça étale la clientèle sur une plus longue période.
Et la situation du Village semble être assez représentative de l’industrie, voire du Québec : les vacances de la construction, c’est une tradition, et on s’y adapte – voir, on en fait une force!
Bon 48e tout le monde! Sacrez pas trop après le trafic, là.