Quand vous étiez jeune, vous vous disiez que la vie de cubicule, très peu pour vous. Vous alliez devenir une rockstar/activiste ou capitaine du CH/premier ministre.
Vous aviez prévu changer le monde, avoir une job excitante, faire une différence dans le monde, et surtout, ne pas être un autre rouage dans la machine qui épuise nos ressources et rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres.
Et puis un jour, sur l’heure du dîner, en mangeant votre 5e sandwich au jambon de la semaine, vous observez votre cubicule et constatez que c’est pas tout à fait ça qui s’est passé.
Devriez-vous avoir honte?
Avez-vous échangé vos valeurs pour 75 000$ par année et une Corolla dans le garage?
Devriez-vous tout lâcher pour vous enrôler dans un programme d’aide humanitaire?
On réfléchit à ça.
Aller au bout de ses rêves (en dehors des heures de bureau)
Peut-être que votre sentiment d’être un.e vendu.e quand vous pensez à votre job corpo vient de votre éducation de millenial.
Quand vous étiez jeune, on vous a répété que vous pouviez faire n’importe quoi dans la vie en y mettant l’effort et que l’important, c’était de faire ce qu’on aime et d’aller au bout de ses rêves.
Mais après 7 heures à faire semblant de remplir des fichiers Excel quand votre boss passe (alors qu’en fait, vous magasinez sur SHEIN), vous vous dites que c’est pas tout à fait à ça que vous rêviez dans la cour d’école.
Ouin, pis?
Je veux pas répéter les propos de ma collègue Arianne Maynard-Turcotte qui a déjà dit tout ce que j’avais à dire dans cet excellent texte, mais votre job, c’est pas obligé d’être le centre de votre vie.
Peut-être que vous ne faites pas la différence que vous aimeriez faire dans le monde avec votre emploi de tous les jours. Mais ça ne vous empêche pas, le reste du temps, d’être une personne qui prend soin des autres, qui fait du bénévolat auprès des plus démuni.e.s, qui plante des arbres et qui met en place des jardins communautaires.
Vous pouvez aussi assouvir vos passions artistiques ou sportives dans vos temps libres, et utiliser les revenus de votre emploi corpo pas trop emballant pour les mener à terme.
Mieux que ça; vous pouvez aussi trouver du plaisir dans un emploi de cubicule, avoir hâte de voir vos collègues, avoir votre tâche préférée, sans vous sentir coupable.
Pas d’emploi éthique sous le capitalisme
Vous connaissez peut-être le dicton qui dit qu’il n’y a pas de consommation éthique sous le capitalisme. En gros, ça signifie que c’est que c’est impossible d’acheter quoi que ce soit sans que notre achat n’ait des répercussions négatives.
Ainsi, même si vous avez pris la peine d’acheter une barre de chocolat équitable dans un emballage carboneutre, votre chocolat a quand même dû être déplacé de l’Afrique à votre petite épicerie de quartier, épicerie qui est par ailleurs complètement inaccessible aux gens qui habitaient le quartier avant que vous ne contribuiez à son embourgeoisement. Et anyway, il s’agit probablement d’une branche d’un géant alimentaire qui gonfle les prix des aliments, poussant les citoyen.ne.s vers les banques alimentaires sous-financées parce que nos gouvernements préfèrent donner des congés fiscaux aux milliardaires plutôt que de protéger les plus vulnérables…
Ce portrait peut sembler peu reluisant, mais imaginez maintenant si vous achetiez plutôt une barre de chocolat Nestlé sur Amazon.
OUI, je sais, je ramène toujours ma même rengaine selon laquelle le capitalisme est la racine de la majorité des maux qui nous affligent. Mais c’est que j’y crois profondément. Je crois également que si on peut dire qu’il n’y a pas de consommation éthique sous le capitalisme, il en va de même pour l’emploi (ou presque).
J’ai beau me vanter d’être un travailleur autonome qui vit de sa plume au lieu de, je ne sais pas, moi, dessiner des fuselages aérodynamiques de missiles balistiques ou refuser des prêts bancaires à des mères monoparentales parce que leur cote de crédit n’est pas assez bonne, je n’ai pas les mains propres.
Quand j’écris pour la télé, on me paie avec de l’argent fait avec les pauses publicitaires vendues à Toyota, qui vante son véhicule 10% moins polluant que le précédent pendant que l’ouragan le plus violent jamais enregistré frappe les côtes américaines.
En fait, même ce texte qui se veut politico-revendicateur, vous le lisez probablement sur un téléphone intelligent fabriqué en Chine dans des conditions frôlant l’esclavage. ON S’EN SORT JAMAIS.
Oui, ça existe, des jobs plus éthiques que d’autres.
Disons que j’ai pas mal plus confiance en une personne qui sauve des chiots malades dans un chenil qu’en un PDG de compagnie pétrolière (mais en même temps, c’est ben rare que je croise des PDG de pétrolières au parc Lafontaine).
Mais aucun emploi ne peut vraiment être éthique tant que le système économique auquel cet emploi contribue ne le sera pas.
Le luxe de choisir
Faut pas non plus oublier que c’est pas tout le monde qui a le luxe de tourner le dos à un emploi payant.
Les situations sont multiples. Y a des gens qui doivent s’occuper d’enfants, d’un proche malade, ou qui ont des dettes importantes. Y a des gens qui ont la charge financière de leurs parents.
Est-ce que ça fait de nous une mauvaise personne si on tolère un emploi corpo par obligation ou parce qu’on souhaite prendre soin des gens autour de nous?
J’aurais tendance à dire que c’est plutôt l’inverse.
Si vous avez le choix de quitter votre emploi corpo et d’aller au bout de vos rêves, je suis très heureux pour vous. Mais soyez conscient.e.s de cette chance que vous avez. Pendant que vous tenterez de toucher les étoiles, y en a qui vont se contenter de décorer leur cubicule.