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Est-ce qu’avoir une job corpo fait de vous un vendu?

« Je suis vice-président junior de la sous-division morosité. »

Par
Pier-Luc Ouellet
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Quand vous étiez jeune, vous vous disiez que la vie de cubicule, trÚs peu pour vous. Vous alliez devenir une rockstar/activiste ou capitaine du CH/premier ministre.

Vous aviez prĂ©vu changer le monde, avoir une job excitante, faire une diffĂ©rence dans le monde, et surtout, ne pas ĂȘtre un autre rouage dans la machine qui Ă©puise nos ressources et rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres.

Et puis un jour, sur l’heure du dĂźner, en mangeant votre 5e sandwich au jambon de la semaine, vous observez votre cubicule et constatez que c’est pas tout Ă  fait ça qui s’est passĂ©.

Devriez-vous avoir honte?

Avez-vous échangé vos valeurs pour 75 000$ par année et une Corolla dans le garage?

Devriez-vous tout lñcher pour vous enrîler dans un programme d’aide humanitaire?

On réfléchit à ça.

Aller au bout de ses rĂȘves (en dehors des heures de bureau)

Peut-ĂȘtre que votre sentiment d’ĂȘtre un.e vendu.e quand vous pensez Ă  votre job corpo vient de votre Ă©ducation de millenial.

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Quand vous Ă©tiez jeune, on vous a rĂ©pĂ©tĂ© que vous pouviez faire n’importe quoi dans la vie en y mettant l’effort et que l’important, c’était de faire ce qu’on aime et d’aller au bout de ses rĂȘves.

Mais aprĂšs 7 heures Ă  faire semblant de remplir des fichiers Excel quand votre boss passe (alors qu’en fait, vous magasinez sur SHEIN), vous vous dites que c’est pas tout Ă  fait Ă  ça que vous rĂȘviez dans la cour d’école.

Ouin, pis?

Je veux pas rĂ©pĂ©ter les propos de ma collĂšgue Arianne Maynard-Turcotte qui a dĂ©jĂ  dit tout ce que j’avais Ă  dire dans cet excellent texte, mais votre job, c’est pas obligĂ© d’ĂȘtre le centre de votre vie.

Peut-ĂȘtre que vous ne faites pas la diffĂ©rence que vous aimeriez faire dans le monde avec votre emploi de tous les jours. Mais ça ne vous empĂȘche pas, le reste du temps, d’ĂȘtre une personne qui prend soin des autres, qui fait du bĂ©nĂ©volat auprĂšs des plus dĂ©muni.e.s, qui plante des arbres et qui met en place des jardins communautaires.

Vous pouvez aussi assouvir vos passions artistiques ou sportives dans vos temps libres, et utiliser les revenus de votre emploi corpo pas trop emballant pour les mener Ă  terme.

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Mieux que ça; vous pouvez aussi trouver du plaisir dans un emploi de cubicule, avoir hùte de voir vos collÚgues, avoir votre tùche préférée, sans vous sentir coupable.

Pas d’emploi Ă©thique sous le capitalisme

Vous connaissez peut-ĂȘtre le dicton qui dit qu’il n’y a pas de consommation Ă©thique sous le capitalisme. En gros, ça signifie que c’est que c’est impossible d’acheter quoi que ce soit sans que notre achat n’ait des rĂ©percussions nĂ©gatives.

Ainsi, mĂȘme si vous avez pris la peine d’acheter une barre de chocolat Ă©quitable dans un emballage carboneutre, votre chocolat a quand mĂȘme dĂ» ĂȘtre dĂ©placĂ© de l’Afrique Ă  votre petite Ă©picerie de quartier, Ă©picerie qui est par ailleurs complĂštement inaccessible aux gens qui habitaient le quartier avant que vous ne contribuiez Ă  son embourgeoisement. Et anyway, il s’agit probablement d’une branche d’un gĂ©ant alimentaire qui gonfle les prix des aliments, poussant les citoyen.ne.s vers les banques alimentaires sous-financĂ©es parce que nos gouvernements prĂ©fĂšrent donner des congĂ©s fiscaux aux milliardaires plutĂŽt que de protĂ©ger les plus vulnĂ©rables


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Ce portrait peut sembler peu reluisant, mais imaginez maintenant si vous achetiez plutÎt une barre de chocolat Nestlé sur Amazon.

OUI, je sais, je ramĂšne toujours ma mĂȘme rengaine selon laquelle le capitalisme est la racine de la majoritĂ© des maux qui nous affligent. Mais c’est que j’y crois profondĂ©ment. Je crois Ă©galement que si on peut dire qu’il n’y a pas de consommation Ă©thique sous le capitalisme, il en va de mĂȘme pour l’emploi (ou presque).

J’ai beau me vanter d’ĂȘtre un travailleur autonome qui vit de sa plume au lieu de, je ne sais pas, moi, dessiner des fuselages aĂ©rodynamiques de missiles balistiques ou refuser des prĂȘts bancaires Ă  des mĂšres monoparentales parce que leur cote de crĂ©dit n’est pas assez bonne, je n’ai pas les mains propres.

Quand j’écris pour la tĂ©lĂ©, on me paie avec de l’argent fait avec les pauses publicitaires vendues Ă  Toyota, qui vante son vĂ©hicule 10% moins polluant que le prĂ©cĂ©dent pendant que l’ouragan le plus violent jamais enregistrĂ© frappe les cĂŽtes amĂ©ricaines.

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En fait, mĂȘme ce texte qui se veut politico-revendicateur, vous le lisez probablement sur un tĂ©lĂ©phone intelligent fabriquĂ© en Chine dans des conditions frĂŽlant l’esclavage. ON S’EN SORT JAMAIS.

Oui, ça existe, des jobs plus Ă©thiques que d’autres.

Disons que j’ai pas mal plus confiance en une personne qui sauve des chiots malades dans un chenil qu’en un PDG de compagnie pĂ©troliĂšre (mais en mĂȘme temps, c’est ben rare que je croise des PDG de pĂ©troliĂšres au parc Lafontaine).

Mais aucun emploi ne peut vraiment ĂȘtre Ă©thique tant que le systĂšme Ă©conomique auquel cet emploi contribue ne le sera pas.

Le luxe de choisir

Faut pas non plus oublier que c’est pas tout le monde qui a le luxe de tourner le dos à un emploi payant.

Les situations sont multiples. Y a des gens qui doivent s’occuper d’enfants, d’un proche malade, ou qui ont des dettes importantes. Y a des gens qui ont la charge financiùre de leurs parents.

Est-ce que ça fait de nous une mauvaise personne si on tolĂšre un emploi corpo par obligation ou parce qu’on souhaite prendre soin des gens autour de nous?

J’aurais tendance à dire que c’est plutît l’inverse.

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Si vous avez le choix de quitter votre emploi corpo et d’aller au bout de vos rĂȘves, je suis trĂšs heureux pour vous. Mais soyez conscient.e.s de cette chance que vous avez. Pendant que vous tenterez de toucher les Ă©toiles, y en a qui vont se contenter de dĂ©corer leur cubicule.

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