Ta job, c’est pas obligé d’être ta passion

Ça existe, des doctorants en littérature devenus gérants de resto, des apprentis comédiens devenus courtiers d’assurance et des musiciens de grand talent devenus inspecteurs du MAPAQ. Pis savez-vous quoi? Ils aiment leur job pareil.

Il n’y a aucune honte à ne pas avoir réussi dans le domaine qui vous passionnait au début de votre vingtaine. Réorienter votre carrière pour profiter de la vie au lieu de vous acharner à percer dans un milieu qui ne veut pas vraiment de vous, c’est pas paresseux, c’est courageux. Pourtant, plusieurs culpabilisent à cause de phrases qui se veulent inspirantes comme : « Choisis un métier que tu aimes et tu ne travailleras pas un seul jour de ta vie. »

On a tous déjà vu cette citation en italique sur une photo de coucher de soleil. On l’attribue parfois à Confucius, d’autres fois à Woody Allen. Dans les deux cas, je ne suis pas certaine que suivre leurs conseils sur la passion soit la meilleure idée au monde… Considérant la passion du premier pour les sourcils surdimensionnés et celle du deuxième pour sa propre fille.

Anyway, cette phrase-là, c’est de la pure bullshit, voici pourquoi :

J’adooooore la crème glacée. Mais si je devenais goûteuse professionnelle pour Coaticook, peut-être qu’après cinq années à licher des cornets « érable et noix », j’en aurais plein mon cass’ des cristaux d’érable.

Une étude de l’Université Stanford a d’ailleurs établi que le principal problème lié au fait de pousser les jeunes à choisir un travail en fonction de leur passion est le suivant : nos passions ne sont pas figées dans le béton… No shit! Ben oui, les passions évoluent avec l’âge et changent lorsqu’on gagne en expérience.

Plusieurs enfants sont passionnés par les animaux et veulent devenir vétérinaires. Par contre, quand ils réalisent que le travail ne consiste pas à flatter des lapins toute la journée, mais plus à les opérer ou les euthanasier, beaucoup déchantent. RIP lapins.

Éric est concepteur pédagogique pour une compagnie d’assurances, pourtant, il ne se dit pas passionné par ce milieu (si quelqu’un est passionné par les assurances, écrivez-moi, j’suis ben curieuse). Il a plein de passions, notamment le théâtre, le canot à glace et le frisbee, mais a décidé de ne pas en faire sa carrière.

« Disons que de préparer mon lunch le matin pour aller au bureau, c’est pas les mêmes papillons dans l’estomac qu’une soirée de cirage de canot en préparation d’une course ou d’une générale avant une représentation théâtrale. Je ne vis pas de mes passions, mais mes choix de carrière me donnent les moyens de pouvoir vivre mes passions. »

Plusieurs sont d’accord avec Éric, moi la première : une passion, ça peut se vivre à l’extérieur du travail. Tu peux aimer cuisiner, faire du ski, écrire et construire des meubles sans pour autant en faire ton métier. Il n’y a aucune honte à travailler pour payer ses factures et être heureux de vivre ses passions en dehors de son 9 à 5.

En plus, s’obliger à faire de l’argent avec sa passion peut devenir une source de stress et d’anxiété assez grande pour nous faire haïr une activité qu’on adorait à la base. Plusieurs acceptent de ne pas se définir par leur travail, mais plutôt découvrir qui ils sont vraiment à l’extérieur de leur job.

Passionnée de sport et de plein air, Jeanne réalise que c’est ce qui lui permet de passer à travers ses journées difficiles comme infirmière clinicienne à l’hôpital : « M’amuser à l’extérieur avant le boulot, ça me permet d’être capable de tolérer la souffrance des patients. »

Est-ce qu’elle déteste son travail pour autant? Pas du tout. « Je ne suis pas passionnée par ma job, mais je crois que j’ai la plus belle job au monde dans des conditions qui la rendent difficile à apprécier. Ma job ne me permet pas de prendre l’air, mais elle me permet de profiter de la vie. »

Se faire un point d’honneur de trouver une job dans LE domaine qui nous passionne peut faire en sorte qu’il soit plus difficile de satisfaire les autres éléments importants dans un choix de carrière, comme l’équipe, l’horaire, le salaire, etc.

Et Disney a déjà ruiné de nombreuses vies amoureuses en nous faisant croire qu’il n’y a qu’un seul et grand Amour. On peut-tu ne pas faire la même erreur avec nos carrières, s’il vous plaît? Cette idée qu’on doit trouver LE domaine qui nous plaît, pour lequel on a une passion qui ne s’éteindra jamais est tout aussi absurde que celle de trouver LE prince charmant.