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Espérer une alternative au bonheur

Quoi faire avec un désir d’aimer la vie, le quotidien et les choses simples quand on ne sait même pas ça ressemble à quoi concrètement?

Par
Stéphane Morneau
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Y’a quelque chose de vraiment beau sur les médias sociaux depuis quelques temps dans toute la grisaille et le bruit assourdissant des commentaires négatifs.

Quelque chose comme une humanité inspirante.

Des gens courageux s’ouvrent et affrontent les maux de leur esprit, de leur âme, qui ont encore une réputation à se bâtir avant de rejoindre le même statut que les blessures physiques comme un bras cassé.

On se compare, on se rassemble et ultimement, on se sent mieux.

Démystifier les problèmes de santé mentale, c’est un grand combat qui se gagne dans les petites batailles du quotidien. Un partage à la fois, derrière un clavier, peut faire la différence dans la vie des autres.

Cette humanité, partagée aux compte-gouttes, offre des pistes de solutions. On se compare, on se rassemble, on se ressemble et, ultimement, on se sent mieux. Du moins, j’espère.

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Quand je lis vos histoires, vos angoisses, vos craintes, je pense aux miennes. Elles se matérialisent dans vos mots, se définissent dans votre courage.

Une envie de retrouver quelque chose de perdu.

Comme avec toutes comparaisons, il y a un lot de différences, des spécificités qui font que mes bibittes ne sont pas les vôtres et vice-versa. Une tangente se dessine par contre dans mes observations: les miennes ne prennent pas racine dans une perte d’un bonheur ou d’un bien-être passé.

Ce que je remarque dans vos témoignages, surtout, c’est cette envie de retrouver quelque chose de perdu. Une légèreté alourdie par le quotidien, un sourire masqué par les grimaces. J’envie votre désir de retrouver un certain point de départ, un état par défaut qui ne va pas sans rappeler l’ardoise que l’on peut effacer afin de retrouver les possibilités d’une vierge surface.

Laissez-moi illustrer le tout avec une anecdote de ma jeunesse.

Vous savez, les enfants, ça court partout, tout le temps, parce que la vie est trop courte pour rater des occasions de s’amuser. Ça court pour aller au parc, ça court pour rejoindre ses amis, ça court quand le repas est servi et ça court pour faire fâcher ses parents ou leur donner un câlin. L’enthousiasme s’exprime dans l’urgence de vivre, la nécessité de ne pas perdre une seule seconde.

Même à huit ans, l’urgence de vivre me filait entre les doigts.

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Quand j’étais jeune, courir n’était pas dans mes options. J’ai toujours eu le pas lourd.

Mes amis couraient pour aller louer un jeu vidéo, par exemple, et je suivais en marchant. J’aimais ça, pourtant, les jeux vidéo, ou aller jouer au hockey à la patinoire du quartier, mais j’aimais ça en marchant.

Même à huit ans, l’urgence de vivre me filait entre les doigts. Je n’ai pas souvenir d’avoir déjà couru vers mes parents, sauf une fois à la plage quand j’ai marché dans un feu pas éteint. Encore aujourd’hui, j’aime les choses modestement, sans excès ou débordement de joie. Depuis plusieurs années, j’ai plus tendance à dire «c’est drôle» plutôt qu’à rire franchement.

Alors, quand on me demande dans la trentaine de retrouver ce bonheur, cette insouciance, je ne sais pas où chercher dans mon bagage. Je n’ai pas de point de départ, d’ardoise vierge sur laquelle recommencer. Ma boussole n’a pas de nord vers lequel pointer.

Ce n’est pas anormal d’être étranger au bonheur et qu’on peut quand même s’y bâtir un refuge réconfortant.

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Donc, on fait quoi avec un désir d’aimer la vie, le quotidien et les choses simples quand on ne sait même pas ça ressemble à quoi concrètement? Il est là mon grand problème quand je me compare à vos histoires et que je me reconnais dans vos courageux partages de moments difficiles.

Mais ne me laissez pas ralentir votre inspirante démarche, au contraire, j’ajoute plutôt mon grain de sel avec l’espoir de rejoindre des gens qui, comme moi, n’ont jamais eu le bonheur facile.

J’ose encore espérer qu’il y a une alternative au bonheur.

C’est une approche que je tente, me réconforter dans le fait que ce n’est pas anormal d’être étranger au bonheur et qu’on peut quand même s’y bâtir un refuge réconfortant. Ce n’est pas forcément évident ni instinctif, mais si la paternité m’a appris une chose, c’est que je suis capable de faire sourire quelqu’un même si moi, en retour, je n’ai pas le sourire facile.

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Donc ce n’est pas tout perdu. J’ose encore espérer qu’il y a une alternative au bonheur, quelque chose comme une vie paisible même si elle n’est pas comme celle que vous me projeter.

C’est bien ça le problème de se comparer. Immanquablement, on se sent à l’écart quand on n’est pas pareil. Rejeté par nos différences. Alors quand vous avez le sourire facile sur les médias sociaux, je le vis comme un rejet de ma personne, de mon naturel qui n’est ni léger ni paisible.

Sauf que l’espoir est encore là, dans sa forme floue, prêt à être façonné.

François Delisle a réalisé Le bonheur c’est une chanson triste il y a plusieurs années déjà et la phrase a toujours résonné en moi, même si le film ne m’a pas laissé de souvenirs marquants.

Une chanson triste, comme un refuge, une maison.

C’est ce que je me souhaite ultimement à défaut d’être heureux.

Partagez vos maux. Quelqu’un, quelque part, cueillera la bouteille à la mer et en fera sa maison, son refuge. C’est important.

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