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Erreur sur la personne : entretien avec celui qu’on a pris pour le tueur de Québec
« Les gens avaient l’air de penser que c’était intentionnel, mais ça aurait été un gros manque de respect pour les victimes. Ça aurait pu être moi aussi, puisque j’étais pas mal sur le même chemin que le tueur. »
Le soir des attaques mortelles au sabre dans le Vieux-Québec, le jeune homme au bout du fil s’est retrouvé malgré lui au coeur d’une improbable confusion.
Vous avez peut-être vu passer cette vidéo d’une personne portant une longue tunique blanche, le visage recouvert de longs cheveux noirs, en train de déambuler de manière très très creepy dans les rues de Québec.
https://www.youtube.com/watch?v=ZEDOIGwh9hk&has_verified=1
Plusieurs (vraiment beaucoup de monde) ont alors cru à tort qu’il s’agissait d’images de l’auteur des attaques, qui ont fait deux morts et cinq blessés le soir de l’Halloween.
La vidéo contenant plusieurs séquences croquées sur le vif par des internautes s’est répandue comme une traînée de poudre sur le web le soir des meurtres, en plus d’être relayée à tort par des médias internationaux.
La vidéo suscitant un tel émoi (vue près de 160 000 fois depuis dimanche sur YouTube et partagée sur diverses plateformes ) n’avait rien à voir avec les attaques.
Les autorités – à l’instar des médias – ont rapidement corrigé le tir, en confirmant que la personne apparaissant dans la vidéo suscitant un tel émoi (vue près de 160 000 fois depuis dimanche sur YouTube et partagée sur diverses plateformes ) n’avait rien à voir avec les attaques.
Mais pour le principal intéressé, ce qui n’était au départ qu’une façon de donner une frousse aux gens à l’Halloween a pris des proportions démesurées.
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En échange de son anonymat, il nous a accordé cette entrevue pour livrer sa version de l’histoire.
D’emblée, Olivier* raconte adorer l’Halloween – sa fête préférée – en plus d’être un adepte de grandeur nature (GN) et de role play.
«C’est plate, toutes les activités étaient annulées à cause de la zone rouge. J’ai donc simplement voulu mettre de l’ambiance en jouant au bonhomme épeurant qui se promène en Ville.»
Le soir du drame, il avait décoré sa citrouille et distribuait des bonbons en les lançant par la fenêtre de son appartement, où il vit seul, dans le Vieux-Québec. « C’est plate, toutes les activités étaient annulées à cause de la zone rouge. J’ai donc simplement voulu mettre de l’ambiance en jouant au bonhomme épeurant qui se promène en Ville. Je voulais juste faire peur », assure Olivier, qui jure n’avoir eu aucune idée que son quartier était alors le théâtre de l’horreur, la vraie.
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Le jeune homme de 29 ans était au départ avec un ami, mais ce dernier est rentré chez lui à cause du froid. Olivier a donc déambulé seul avec sa tunique blanche, rappelant le personnage de Samara dans le film d’épouvante The Ring. « L’idée de base, c’était de personnifier la sorcière Corriveau mais il n’existe pas vraiment d’image d’elle, sauf l’idée de la cage, d’où le métal que je traînais avec moi pour rappeler les barreaux. C’était pas du tout un tuyau plié en deux ou une épée comme on disait sur Internet », explique Olivier, qui s’est aussi inspiré des Yurei, sortes de fantômes dans le folklore japonais.
«Il y a une portion de la vidéo où on me voit de près. J’avais croisé des ados et je leur ai demandé de me filmer pour que je puisse garder un souvenir. Sinon tous les autres moments où j’étais filmé, je n’étais pas au courant.»
Une fois accoutré, le jeune homme s’est mis à errer, d’abord sur les plaines d’Abraham. Des badauds le filmaient et le photographiaient sur son chemin. Jamais il n’a lui-même publié la moindre image de son pèlerinage. « Il y a une portion de la vidéo où on me voit de près. J’avais croisé des ados et je leur ai demandé de me filmer pour que je puisse garder un souvenir. Sinon tous les autres moments où j’étais filmé, je n’étais pas au courant », explique Olivier, qui utilisait ponctuellement un sifflet de la mort aztèque qu’il trimballait avec lui pour simuler des cris de mort. On entend d’ailleurs le son du sifflet vers la fin de la vidéo, suscitant les cris d’effrois d’une passante en train de filmer.
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C’est à peu près à ce moment qu’Olivier a commencé à voir des gyrophares illuminer de plus en plus le quartier. Une présence policière normale les soirs d’Halloween, s’est dit au départ le jeune homme, avant de se faire interpeller par un agent. « Enlève ta perruque et rentre chez toi, il y a des meurtres! », lui aurait lancé le policier. « Ils cherchaient quelqu’un je les voyais paniquer », note Olivier.
«Je pense que la personne qui a tué cherchait la notoriété. Je prouve qu’on peut être viral sans blesser des gens et je suis quand même satisfait de lui avoir volé une partie de l’attention qu’il cherchait.»
Une fois chez lui, il découvre les terribles événements qui tiennent la police en haleine. Olivier prend l’initiative de contacter lui-même la police locale pour dissiper toute confusion. « Je leur ai laissé mes coordonnées en expliquant la situation. Mon but n’était évidemment pas de nuire à l’enquête », assure le jeune homme, vite happé par l’ampleur du drame qui venait de se jouer dans son quartier. « J’aurais pu le croiser (le tueur), j’aurais pu aller vers le Vieux-Port…», confie Olivier, au sujet de l’endroit où le suspect a finalement été appréhendé.
Olivier n’est pas prêt d’oublier l’Halloween 2020, même s’il aurait aimé que ça soit pour des raisons moins tragiques.
S’il accepte de nous parler, c’est néanmoins pour montrer qu’il est possible d’attirer l’attention sans faire de mal à personne. « Je pense que la personne qui a tué cherchait la notoriété. Je prouve qu’on peut être viral sans blesser des gens et je suis quand même satisfait de lui avoir volé une partie de l’attention qu’il cherchait », résume l’étudiant universitaire, qui souhaite maintenant tourner la page et se consacrer à sa mi-session qui l’occupe présentement.
Loin des attaques au sabre et des balades en costume creepy dans les rues du Vieux-Québec.
*Prénom fictif pour alléger la lecture