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Mardi dernier avait lieu le lancement du premier numéro de Perle, ze nouveau magazine érotique québécois. Un petit bijou d’esthétisme, dédié expressément aux «clever few » du Montréal branché…
Des images magnifiques, on en conviendra. Mais au risque qu’on me lance un projecteur par la tête, malgré sa valeur artistique et la grande qualité esthétique du produit présenté, je ne peux m’empêcher de m’amuser un peu du concept du Perle.
D’abord, considérant que la tentation érotique est un phénomène basé sur des prémisses universelles et assez constantes, bien qu’on l’ait qualifié de magazine érotique «nouveau genre», Perle innove en fait seulement dans la mesure où il vise une classe d’individus en particulier, plutôt que le grand public.
Je dois avouer que je ne peux m’empêcher de ricaner un peu quand on se targue à demi-mot que Perle réinvente quoi que ce soit. Avec beaucoup de tact, certes, le magazine adapte tout simplement la notion de «photo trois-X» à une clientèle rigoureusement identifiée, selon sa propension à s’émoustiller devant un langage visuel très convenu, bien qu’en marge de la norme de l’industrie du soft porn sur papier.
Redéfinir la photo coquine? Allons donc! Les portraits de lolitas toutes de crépon diaphane vêtues, baignées dans une douce lumière ou lestement allongées dans un lieu insolite ont envahi Internet il y a un moment déjà! Sans dénigrer le rendu final, qu’on se le dise : Perle, c’est un peu un Tumblr de luxe, imprimé, et présentant des photos exclusives réalisées par des photographes avérés et talentueux. Du beau, certes; mais peut-être pas d’innovation.
Je veux dire par là que le magazine aurait pu s’employer à conquérir n’importe quel autre type de lectorat et prétendre au même résultat. Il aurait pu s’agir d’une «relique érotique» imprimée sur du parchemin en typographie Gothic Bold pour séduire les adeptes de Médiéval, ou alors d’un journal de bord pornographique rédigé en Klingon pour les fans de Star Trek, peu importe!
Or, dans le cas présent, on s’ajuste tout d’un bloc à une clientèle sensible à l’âââârt et à la subtilité comme moteur du fantasme érotique. C’est simple: le hipster en règles bande sur l’art plus que sur le sexe. Conséquemment, on lui pond un produit bien léché et suggestif, pour flatter son intelligence et son discernement tout en dissipant ses remords lorsqu’il (ou elle) se gâte le bas-corporel, sous prétexte qu’il contemple en fait une œuvre d’art; rien d’autre. Pas fou, quand même!
On pourrait donc affirmer que si les éditeurs du magazine ont réussi un tour de force, il s’agit essentiellement de proposer un véritable produit «méta-érotique» à leurs disciples.
Parce que c’est bien connu, les verres montés sur une structure vintage filtrent non-seulement les ignominies de la pop-culture, mais également la sensualité vulgaire du commun des mortels. Il faut donc revoir le concept, et créer ses propres médiums pour se rincer l’œil.
Ainsi, avec le révisionnisme historique comme mantra et en ajoutant du grain aux clichés désinvoltes de galbes dévoilés, même les moments de volupté solitaire peuvent s’imprégner de sophistication, pour le plus grand plaisir de tous…