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J’ai travaillé avec Éric Salvail. De 2014 à 2015. Comme auteur sur En mode Salvail en plus de m’occuper des réseaux sociaux de l’émission. Je côtoyais donc Éric tous les jours, ou presque. Et comme tout le monde qui a déjà travaillé avec lui, j’étais au courant de certains comportements disons, indélicats. Ce n’était pas un secret pour personne. Éric a un petit coté « mononcle cochon » quand il est en présence de quelqu’un qui lui plait. Un genre de Marcel Aubut avec du linge plus serré, finalement.
Trop de rumeurs. Trop de témoignages.
J’étais au courant, donc, de certaines rumeurs. Je tiens tout de même à spécifier que je n’ai jamais été témoin d’actes répréhensibles. Je n’ai jamais rien « vu de mes yeux vu. ». Si ce n’est quelques blagues de mauvais goûts envoyées par-ci, par-là. Mais ce n’est pas parce que je n’ai rien vu personnellement que rien ne s’est produit. Il y avait trop de rumeurs. Trop de témoignages. Trop d’accusations qui venaient de trop d’endroits différents pour que tout ça ne soit que de la poudre aux yeux.
Exactement comme l’affaire Harvey Weinstein aux États-Unis, tout le monde semblait au courant mais personne n’osait parler, par peur de représailles. On ravale nos commentaires en se disant que « dans le showbizz, c’est d’même que ça se passe. » Dans le showbizz ça se passe peut-être comme ça, mais dans la vraie vie, non.
Et c’est « la vraie vie » qui frappe le King de V de plein fouet, aujourd’hui.
L’article de La Presse cite 11 témoignages… presque tous anonymes. La crainte de se retrouver sur la blacklist de Salvail & Co, la boîte de production d’Éric, est bien réelle. Son influence est immense. Son aura, intimidante. Pour quelqu’un qui commence dans le milieu, travailler avec Éric Salvail est un signe de succès et de reconnaissance. On veut lui plaire. On veut qu’il nous fasse confiance. On veut qu’il nous aime. Et ça, visiblement Éric l’a compris.
Qui est game de dire « non » à Éric Salvail?
Il est là, le problème. Éric a compris qu’il était hyper-puissant. Le p’tit gars qui rêvait de faire de la télé a atteint son objectif. Il a gagné sur ses détracteurs. Et au lieu d’utiliser son immense éclat pour éclairer les autres, il l’utilisait afin d’intimider quiconque oserait lui dire « non. » Parce que c’est de ça qu’on parle: un gros égo qui ne prend pas « non » comme une réponse.
Ce soir tout est permis, ce n’était pas qu’un titre d’émission, finalement.
Et honnêtement, qui est game de dire « non » à Éric Salvail? Certaines vedettes l’ont déjà dit: le seul moyen qu’Éric arrête de les appeler pour les inviter à son émission, c’était de dire « oui ». Sinon les appels n’allaient jamais cesser. C’est cute quand vient le temps de booker Julie Snyder sur son show, ça l’est un peu moins quand il est question de consentement sexuel.
Habitué de réussir tout ce qu’il entreprend, l’animateur déchu n’acceptait pas le refus. Ça devait fonctionner selon SES règles. Que ce soit dans ses bureaux durant dans un meeting de contenu en avant-midi ou ailleurs, personne n’avait interêt à lui dire « non ». Ce soir tout est permis, ce n’était pas qu’un titre d’émission, finalement.
Dans certains milieux, on louange quelqu’un qui dit ne pas prendre « non » comme une réponse. Ça peut être perçu comme un signe d’ambition. Quelqu’un qui n’accepte pas le « non », dans un contexte professionnel, ça peut être un moteur d’avancement. Dans une relation de consentement sexuel, c’est beaucoup moins glorieux. Éric Salvail avait l’habitude que tout le monde lui dise oui. Dans le milieu des médias, c’est tout à son honneur. Dans un contexte de consentement sexuel, ça l’est un peu moins.
Bye bye le contrôle
Pour Éric, tout ça ne devait être qu’un jeu. On s’entend que sortir ses attributs dans un meeting ou pogner les fesses d’un jeune caméraman, c’est pas exactement un « viol de ruelle ». Ça peut paraître coquin, anodin… les séquelles sont moins apparentes, l’histoire est moins spectaculaire… du moins, c’est ce dont Éric semble s’être convaincu durant de nombreuses années. Mais il n’y a rien de coquin dans le fait d’insister pour avoir des rapprochements sexuels avec quelqu’un qui ne semble pas intéressé. Il n’y a rien d’anodin dans le fait de menacer quelqu’un qui a refusé nos avances. La réalité qu’Éric s’est construite n’est pas la même que celle du gros bon sens, malheureusement.
La chute est brutale pour la méga-vedette adulée du public. Pour la première fois depuis longtemps, Éric Salvail ne contrôle plus sa propre destinée. Ce bourreau de travail à la limite du control freak ne contrôle maintenant plus rien de la tempête qui s’abat présentement sur lui. Pour une rare fois, il se retrouve du côté des « vulnérables ». Exactement comme ceux et celles qui ont pu se sentir en position de faiblesse face à lui, Éric est maintenant à la merci de l’opinion publique. L’avenir nous dira si elle a été plus indulgente avec lui que lui l’était avec ses victimes.
Combien d’autres hommes continuent de sévir impunément dans leur milieu de travail? Combien d’entre eux peuvent agir en toute immunité, de par leur statut? Aujourd’hui, on peut se permettre de craindre que le cas d’Éric Salvail ne soit que la pointe d’un maudit gros iceberg.
Lui qui a passé sa vie à chercher l’amour du public s’apprête à recommencer à zéro.