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Éric Lapointe est une icône queer qui s’ignore. Voici pourquoi.

Parce qu'on a tous besoin de tendresse.

Par
Guillaume Mansour
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Ça y est, Éric frappe les 50 ans cette année, comme un improbable survivant du rock. Il ne reste plus beaucoup de marches à monter avant que Ti-Cuir ne se hisse au Panthéon des Mick Jagger et des Gene Simmons de ce monde. Éric est un roffe and toffe, un dur à CUIRe (c’est juste un jeu de mots, ça fait pas mal) que le Québec a rapidement adopté comme son rockeur de service. Le gars a les poings serrés, le jean à l’épreuve des déchirures, les tatous encrés ben profonds.

Le gars a aussi le cœur le plus moelleux de la province, les émotions dans le 220, 24 h/24 h. C’est pour cette raison que, secrètement, Éric Lapointe est devenu en catimini l’idole d’une génération de queers à la recherche de repaires. En collaboration avec Thomas Leblanc (l’humeuriste le plus redoutable d’URBANIA) qui proposera un hommage queer à Éric pendant le Zoofest, et juste avant le gros show à Québec du rockeur, on s’est penchés sur le répertoire de celui qu’on dit toujours loadé comme un gun.

Voici donc une rétrospective ti-queer-friendly en 5 actes.

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Terre promise — Exil vers le Village

Prochaine sortie, station Beaudry. Pour l’homosexuel.le lambda des années 90, faire son coming out ressemblait souvent à frapper un homerun : envoyer la balle de sa queernesse bien loin de son village natal, de sa région rétrograde, pour l’envoyer dans le Village à Montréal, ou pas trop loin du Drague dans le Vieux-Québec. Entouré.e des siens, le masque tombe enfin. Terre promise, c’est en plein ça. L’importance du vagabondage dans le processus d’affirmation de son identité. Quand Lapointe chante à tue-tête « TON ENFANT REVIENT » à la fin de la chanson, on pourrait aussi bien entendre le queer prodige qui rapporte les couleurs exubérantes de l’arc-en-ciel dans son patelin.

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Tendre fesse — Genderf*ck

Allez lire les paroles de la succulente Tendre fesse, sortie en 1999 sur le mythique À l’ombre de l’ange, et essayez pour le fun d’en discerner un genre. Ni masculine ni féminine, cette chanson cochonne par excellence est une célébration du sexe qui vole bien au-dessus de nos vies binaires et hétéronormatives. « Pas de tabous, rien d’anormal/dans mon confessionnal », râle un Éric à l’ambiguïté bien tombée. Même le vidéoclip sexualise à peu près tous les corps (MÊME celui de Peter MacLeod) sans discernement. Comme quoi, y’a rien de plus tendre que les paires de fesses de la communauté LGBTQIA2+.

Mon ange — Nous contre le monde

Est-ce que Mon ange est l’apothéose des ballades émotives queb? C’est la question que je me pose chaque fois que j’entends son refrain se faire massacrer au karaoké. « Ce monde s’ra jamais beau/Il n’est pas pour nous/Si au moins la nuit je peux toucher ta peau/Le reste je m’en fous », entonne Ti-Cuir (à son ange de genre neutre au prénom inconnu), mais aussi tous ces couples dans la marge, incompris, renégats, dont l’amour interdit vient choquer des familles en entier. Sans le savoir, Éric et sa team de chansonniers (incluant un Roger Tabra au sommet de sa forme) ont écrit la trame sonore des amants qui s’aiment envers et contre tous, des baises anonymes qui sauvent des vies.

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Les boys — ou les gais, c’est du pareil au même

Il faut quand même faire un effort pour arriver à déceler le sous-texte queer à la chanson thème du film éponyme de 1997. Oublions les sports, les chars et les femmes mentionnés dans le premier couplet pour se pencher un peu plus sur l’esprit collégial derrière les prérefrains. « On t’lâche pas, on est encore là/Fidèles au poste, prêts au combat/Les chums, c’est fait pour ça » devrait être la devise de toutes les gangs de gais qui se respectent. C’est en se réappropriant pour lui l’hymne des hockeyeurs du dimanche que l’homo devient un héros de tous les jours. Levez vos bâtons de hockeys bien haut, mes boys, parce qu’être FIER, c’est pas juste dans le vestiaire que ça se passe.

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Loadé comme un queer

Je me souviendrai toujours de cette nuit au Normandin, un bar karaoké du Village où les bières cheaps éclaboussaient autant que les émotions étalées devant le télésouffleur. Une jeune personne percée, tatouée, à la coupe en brosse à la Ti Cuir circa 1996, a entamé un Loadé comme un gun avec la voix la plus sombre du monde. Absolument aucun frémissement, aucune envolée à la Éric. Monotone et glaciale, « S’il faut frapper plus fort que ceux qui nous menacent/Je fracasserai la mort et les années qui passent » a pris un sens beaucoup trop réaliste pour ne pas m’atteindre en plein cœur. Éric Lapointe — autant que le queer en détresse — connait la souffrance dans son intimité la plus cruelle. Heureusement que les bouées existent.

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