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Cette semaine, sans s’en rendre compte, les médias ont donné le bon dieu sans confession à un gars un brin xénophobe qui est contre le mariage gai, contre l’avortement, contre l’euthanasie, mais, bien sûr, pour la liberté.
T’es jeune? T’es un vrai Québécois pure laine fier de ses racines? T’es à la recherche de Dieu? L’Église du coin et son pasteur Éric Lanthier t’ouvrent leurs portes.
C’est un peu comme ça, en tutoyant ses brebis, que la nouvelle église de Rosemont s’est présentée dans cette courte vidéo. «À l’Église du coin, c’est différent, dit Éric Lanthier. Premièrement, on est des Québécois qui aiment la poutine, le hockey, le football, qui aiment manger et rire ensemble. Et on a quelque chose en commun : on a été touchés par Dieu».
Le sous-entendu «on n’est pas des races» dans cette profession de foi envers la poutine ne serait pas si évident si on n’avait pas lu un récent dossier dans La Presse qui indique que Montréal, ville aux 100 clochers, ne compte pas moins de 1000 lieux de cultes, la plupart tenus par des pasteurs d’origine haïtienne ou sud-américaine.
Montréal ne manque pas d’églises. Elle en compte deux fois plus que Paris, selon ce dossier de La Presse. Or, la plupart des articles qui ont parlé de l’Église du coin ce weekend ont évoqué le fait que plusieurs églises fermaient leurs portes en ce moment au Québec. Pourquoi? Parce que c’était écrit dans le communiqué de presse d’Éric Lanthier, un fin stratège média, à ce que l’on peut comprendre en consultant ses multiples interventions sur CNW, le fil de communiqués de presse auquel s’abreuvent parfois aveuglément les médias. Laissez-moi vous le présenter.
En plus d’avoir été le prof d’anglais de ma blonde au primaire, Éric Lanthier s’est longtemps exprimé sur le blogue «Décentrer le discours». Dommage qu’il ait fermé son site et rendu ses archives inaccessibles : vous auriez pu y découvrir la voix d’une droite religieuse contre les unions entre conjoints de même sexe, contre l’avortement, contre l’euthanasie et le suicide assisté, mais apparemment pas contre la peine de mort, à la défense de l’enseignement privé confessionnel, et, comme George W. Bush, pour la liberté.
Continuons la bio. Éric Lanthier a été porte-parole de la Table de Concertation Protestante sur l’Éducation, il s’est exprimé sur les votes ethniques à titre de Directeur général de l’Académie Chrétienne Rive Nord (ACRN), qui enseignait jusqu’à tout récemment le créationnisme aux enfants. Il a été relationniste pour l’Association d’Églises Baptistes Évangéliques au Québec (AÉBÉQ), pour le Réseau des Instituts Bibliques Francophones Affiliés (RIBFA), et, là où je l’aime le mieux : porte-parole pour la Coalition protestante évangélique pour le mariage.
Ça sonne bien, une coalition pour le mariage. Personne ne peut être contre l’amour. Mais la coalition de monsieur Lanthier semble n’avoir qu’une vocation : contrer les unions de même sexe. Ses communiqués de presse sont un ramassis d’énormités : «l’échangisme n’est pas une vertu», le mariage gai mènera inévitablement à «l’érosion de la cellule familiale», «le gouvernement ouvre la porte à la triparentalité», «le mariage hétérosexuel deviendra une relique folklorique».
Là, c’est le moment où je peux faire mon travail d’éducation et rassurer monsieur Lanthier : non, monsieur Lanthier, le mariage hétérosexuel ne perdra pas de son lustre parce que les homosexuels peuvent eux aussi se marier. Promis. C’est justement parce que l’échangisme c’est mal que l’on veut s’unir pour le meilleur et pour le pire jusqu’à ce que la mort nous sépare. Compris?
«Je dois te dire quelque chose par contre», m’a averti ma blonde alors qu’elle me voyait surfer sur les communiqués de presse paranoïdes de son ex-enseignant. «Il n’a jamais eu si bonne mine. Il a perdu du poids et si ça se trouve, il a même rajeuni».
J’imagine que ça lui fait du bien, de s’accrocher à toutes ces valeurs conservatrices. Qu’il a trouvé un refuge en l’Église. Peut-être que, comme plusieurs évangélistes, il avait connu l’enfer de la drogue, et que là il connaît Dieu.
Grand bien lui en fasse. Je lui souhaite beaucoup de succès dans son projet d’église, une couverture médiatique complaisante et naïve, et surtout, tout plein d’adeptes de toutes les nationalités.
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Photo: Cette photo représente non pas l’Église du coin (qui, comme son nom l’indique, est située au coin d’une rue), mais l’une des quelque 1000 églises qui ont pignon sur rue à Montréal.
Pour une raison obscure, le titre original du commnuniqué de presse de l’Église du coin: «Alors que les Églises ferment, des Québécois démarrent un nouveau projet d’Église», a été changé sur le fil de CNW.
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