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Entrevue : «Vacuum» de Groovy Aardvark – Le droit de rocker en français

Vingt ans plus tard, l'album a droit à une édition en vinyle.

Par
Alexandre Demers
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Plus de vingt ans se sont écoulés depuis la parution de Vacuum, le deuxième album de la formation rock alternative Groovy Aardvark, originalement lancé en 1996, une œuvre qui a eu l’effet d’un coup de masse dans l’underground québécois au siècle dernier grâce à ses singles décapants qui ont spinné en rotation forte à MusiquePlus et dans les radios commerciales. Un exploit inespéré qui a autant pris l’industrie que le public par surprise.

À l’occasion du Record Store Day 2019, l’album a décidé de faire peau neuve et de se présenter pour une première fois dans une édition remastérisée sur deux disques vinyle bleus pour les collectionneurs et amateurs de musique qui brasse. Une proposition offerte par Slam Disques que les fans attendaient depuis longtemps.

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Avec un certain recul sur ses propres créations, le frontman du groupe Vincent Peake s’est remémoré avec nous quelques souvenirs reliés à ce deuxième album et le processus qui a mené à cette réédition toute spéciale.

L’album qui a tout changé

Fondé en 1986, la formation québécoise Groovy Aardvark, principalement menée de front par les frères Danny (drums) et Vincent Peake (bass et voix), a erré pendant de nombreuses années dans l’underground local avec ses détonants morceaux inspirés du prog des années 1970 avant de présenter son premier album, Eater’s Digest, en 1994.

Puis, baignée dans la mouvance du grunge et l’explosion de la scène punk indépendante américaine, Groovy Aardvark a retravaillé sa formule pour offrir quelque chose de plus direct et concis. Vincent garde de souvenirs très clairs de la conception et le déploiement de Vacuum, leur deuxième album paru en 1996.

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« Pour nous, c’est l’album qui a raffermi le son et le style de Groovy. Le premier album, c’était une collection des sept premières années du groupe, ça fait qu’il y avait beaucoup d’influences diverses qui représentaient ce que le band était entre 1986 et 1994. Vacuum, c’est un album qui a simplifié notre affaire, mais dans le bon sens. Ça a rendu tout ça un peu plus punk rock, dans le sens que les tounes sont plus courtes et plus punchées. Au lieu de faire une toune à 20 riffs, on a fait quatre tounes à cinq riffs. »

Porté par les singles Dérangeant, Boisson d’Avril (avec La Bottine Souriante) et une reprise de Le p’tit bonheur de Félix Leclerc chantée par Marc de BARF, le groupe a pris la scène locale d’assaut pour s’imposer comme une force de la nature. Ils ont ouvert les portes de la radio commerciale, ont fait des spectacles remarqués aux Edgefest et Centre Molson et ont vendu des dizaines de milliers d’albums. Un phénomène rarissime pour un groupe de rock alternatif qui chantait en joual.

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Ramener Groovy dans les bacs

Même s’il figure parmi les albums phares de la scène underground locale des années 1990, Vacuum a fait profil bas dans l’espace public durant un certain temps pour diverses raisons. Mais maintenant que le vinyle a la cote, les choses se sont placées tranquillement du côté de Groovy Aardvark.

Le catalogue du groupe ayant été un peu dans l’inaction pendant de nombreuses années, il aura fallu attendre l’initiative de Jessy Fuchs, membre de la formation Rouge Pompier et directeur artistique du label Slam Disques, mais surtout un grand fan du groupe, pour que tout le processus se mette en branle.

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« C’était lui qui était tanné de ne pas trouver du Groovy sur les plateformes musicales. Et avec son label, il est en mesure de faire tout ça », explique Vincent. « C’est vraiment son idée. Ça fait des années qu’il me gosse. Personnellement, en 2005, quand j’ai décidé de mettre la clé dans la porte du groupe, j’ai lâché le projet ben raide. J’ai laissé ça aller. Ça a été des années où il ne se passait absolument rien. J’étais rendu dans Grimskunk et je voulais vivre autre chose. Puis, sept ou huit ans plus tard, c’était de revenir là-dessus, de se ressaisir et reprendre notre business en main. Il faut que la musique existe et on veut ça en vinyle. »

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« Ça a toujours été mon médium préféré. Il faut que tu te lèves pour mettre l’aiguille, tourner le disque, etc. Il y a de quoi de magique là-dedans. C’était donc un rêve pour nous d’enfin avoir Groovy en vinyle. »

Le droit de rocker en français

Pour en arriver avec cette réédition toute particulière, Vincent a dû réécouter en boucle un album qu’il avait un peu délaissé pendant des années. Désormais plus mature, l’exercice lui a permis de revisiter quelques souvenirs et contempler un peu ce que l’album aura laissé derrière lui.

« C’est un plaisir de redécouvrir les tounes aujourd’hui. Ce ne sont que de bons souvenirs. C’est une autre époque, mais je me rappelle exactement où on était quand on a écrit telle toune, quand on a tapé l’album avec La Bottine. On était dans une période de grâce. Et même si on avait nos petits problèmes, le band roulait à fond pis on était chargé à bloc. On avait beaucoup à dire et beaucoup à écrire. Entre 1994 et 1999, c’était vraiment une période de grâce pour nous. Je me rappelle de tout ça comme si c’était hier. C’est fou comment ça passe vite, » remarque-t-il.

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« Vacuum nous a permis de faire énormément de shows, et de devenir un meilleur band live. Je dirais que les gens se rappellent du band sur l’ensemble de sa carrière, mais l’album s’est ramassé dans Les 101 albums québécois qu’il faut avoir écoutés dans sa vie d’Éric Trudel. C’était tout un honneur de se retrouver à côté de Daniel Bélanger pis Jean Leloup. »

« Il y a aussi beaucoup de jeunes qui m’ont dit “Enfin on a le droit de rocker en français!”. Avant Groovy, il n’y avait pas grand exemples de rock alternatif en joual. On a souvent entendu des messages comme “Merci de nous avoir permis de croire en notre langue pis d’être capable de rocker notre joual comme il faut”. Ça a été un apport important du band. Un peu comme Charlebois l’avait fait vers la fin des années 1960 quand il s’est mis à faire l’Osstidsho. Ça nous a permis de sortir du carcan anglophone pis de nous exprimer à notre façon. »

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Vincent nous laisse sur ces mots. « Honnêtement, je suis plus content de l’écouter aujourd’hui que je l’étais dans le temps. Les tounes que j’aimais moins à l’époque, je les aime vraiment aujourd’hui. J’étais extrêmement difficile avec moi-même et dès qu’il y avait un petit bout de toune que je n’aimais pas, ça me gossait énormément. J’étais vraiment plus control freak. Avec le recul, tu réalises que It’s Only Rock n’ Roll pis il ne faut pas trop s’en faire avec la vie. Maintenant, je trouve que c’est un album phare ».

La réédition de Vacuum est disponible en vinyle dans tous les bons disquaires indépendants et sur toutes les plateformes de streaming.

Groovy Aardvark sera de passage au MTELUS le 21 juin pour un spectacle spécial 100 % franco présenté dans le cadre des Francofolies de Montréal. Ils seront accompagnés de Cirrhose et Cendrier ainsi que de Code 40-11.

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