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Entrevue : The Seasons – Un party dépressif

Le groupe a dévoilé son nouvel album « Midnight, Let's Get a Hot-Dog ».

Par
Alexandre Demers
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Le groupe a fait paraître vendredi dernier son (pas mal moins sage) deuxième album marqué de blues rock qui capture musicalement le nihilisme et le détachement émotionnel qui a frappé les membres après leurs premiers pas dans l’industrie.

La dernière fois que le grand public avait eu des nouvelles de The Seasons, la formation indie folk originaire de Beauport se produisait en Europe aux côtés du mythique quatuor français Louise Attaque et se remettait de sa longue et essoufflante tournée québécoise ayant pris fin l’an dernier. À travers tout cela, il semblerait que les quatre membres du groupe n’aient pas arrêté de créer du nouveau stock pour autant. Loin de là.

Pendant que Hubert Lenoir (guitare, clavier et voix) secouait la province avec Darlène, son premier album solo qui a eu l’effet d’une bombe dans le paysage artistique, son frère Julien Chiasson (guitare, clavier et voix), Rémy Bélanger (batterie et percussions) et Samuel Renaud (basse) se donnaient corps et âmes dans un nouveau groupe aux grooves funky nommé Forest BOYS. Impatients, les fans de The Seasons qui avaient été charmés par Apples, le premier single de la formation, attendaient la suite des choses. Un follow-up qui allait finalement arriver plus tôt que prévu.

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Après de longs mois de silence radio, le groupe a annoncé tout récemment l’arrivée imminente de Midnight, Let’s Get a Hot-Dog, un deuxième album ayant été enregistré et produit il y a plus d’un an dans une petite municipalité en Oregon aux côtés du musicien américain Richard Swift, notamment connu pour ses liens avec les formations notoires The Black Keys et The Shins. Porté par le premier extrait Junk, l’album, qui a passé de longs mois à dormir dans leurs ordis à la suite de son enregistrement à l’été 2017, assure maintenant au groupe une nouvelle identité plus raunchy et propose des sonorités axées davantage vers le blues et le proto-punk des années 1970. Comme un passage de l’enfance à l’adolescence.

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On s’est installé autour d’une table (et quelques consommations) pour discuter avec Hubert, Julien, Samuel et Rémy de cette nouvelle offrande inattendue, de sa genèse et de la place qu’elle occupe dans l’évolution du band.

En route vers l’Oregon

Même si cet album peut sembler sortir de nulle part pour le commun des mortels, il était en chantier depuis la parution du premier opus, Pulp, en 2014. The Seasons n’avait pas de masterplan concret pour la suite des choses, mais cumulait déjà un lot intéressant de nouvelles maquettes. Julien se souvient de la manière dont ça a pris forme. « On avait une série de sessions de créations qui étaient nées dans les mois qui ont suivi la sortie du premier album. On prenait des idées, on les brassait, on les réintégrait. On s’était graduellement retrouvé avec quelque chose entre les mains. »

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Grâce à John Sidel, un contact qui travaillait déjà dans la sphère musicale aux États-Unis, les membres du groupe se sont fait proposer de collaborer avec Richard Swift, un musicien reconnu pour son travail dans la scène alternative mondiale. Une offre fort alléchante. Une conférence Skype, un envoi de maquettes et une invitation à le rejoindre dans ses studios auront suffit pour que Julien, Rémy, Hubert et Samuel s’envolent pour Cottage Grove, en Oregon, afin d’enregistrer avec le réputé musicien et producer.

Ayant déjà une vision du projet en tête, Hubert se souvient de la twist et de la signature sonore vers laquelle ce nouvel album allait tendre. « En embarquant dans l’avion, je me rappelle précisément d’écouter Sticky Fingers [des Rolling Stones]. On voulait des référents sonores assez forts dans les genres qu’on allait expérimenter. Il y avait ça et tout ce qui touche un peu plus au proto-punk de la fin des années 1960 et du début des années 1970 comme Iggy Pop. C’était quand même varié. »

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Un « party dépressif »

Arrivé dans les studios où Richard Swift les attendait, le band se souvient de leur rencontre avec le minutieux artisan du son qui a réussi à rehausser ses ambitions rock et bluesy. Une expertise de terrain très collaborative lorsque venait le temps de concrétiser le tout. « Il rendait notre travail vraiment simple. Même la prise de son était quasiment accessoire pour lui parce qu’il se limitait à garder ça très simple. Il voulait capturer le moment pis ajouter la couleur par après. Ça fait que son input était quand même assez abstrait pour nous à certains moments, mais au final ce n’était vraiment pas négligeable. C’était même tellement unique, » se souvient Rémy, le batteur.

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Au bout de onze jours d’enregistrement et de mixage, le groupe s’est retrouvé avec dix nouvelles pièces qui capturaient l’essence d’un band en pleine évolution personnelle et artistique. Une espèce de party décadent (et dépressif) où les élans du rock n roll se mêlent aux mouvements lascifs du blues et du glam sur des morceaux comme Animal Songs, Family Tree et la trilingue LIFE. Toutes ces pièces auront finalement sommeillé de nombreux mois dans les laptops des membres du groupe avant de voir le jour.

« On n’a pu le temps d’être gentils avec le monde. »

Hubert regarde maintenant la situation du groupe avec un certain recul. « C’est drôle de sortir l’album maintenant et d’en parler aujourd’hui. Il s’est passé tellement de choses depuis ce temps-là. Même quand on compare au moment où on a sorti Pulp, le monde a quand même pas mal changé. Avec tout ce qui se passe un peu partout, je sens que tout le monde a une espèce d’urgence d’agir. Je le ressens quand même pas mal de mon côté. On n’a pu le temps d’être gentils avec le monde. En tout cas, moi, j’ai plus le goût. »

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Julien, de son côté, est pensif lorsqu’il rebondit sur les propos de son frère « Personnellement, je trouve qu’il y a quand même un côté assez gentil dans les tounes de l’album. C’est un party dépressif, mais on ne veut pas faire de mal à personne. »

Nihilisme et Uber Eats

Même si les textes de Midnight, Let’s Get a Hot-Dog ont été rédigés assez rapidement par Hubert et Julien, ceux-ci sont empreints des états d’âme d’un groupe en pleine désillusion face aux aléas de la vie et qui peine réellement à ressentir quoi que ce soit. Ça se manifeste particulièrement sur The American Way To Dream, Junk et Helpless Aren’t We. Le résultat teinte l’album de nihilisme, d’égarement et de solitude. Hubert a expliqué que pendant cette phase de création, il vivait essentiellement sur le web, regardait constamment la télé et passait son temps à commander du Uber Eats.

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« En relisant les textes, je me disais que c’était quand même ça, pareil. C’était une zone vraiment spéciale dans laquelle créer parce qu’à ce moment-là, t’as quand même un peu cette impression qui s’apparente à comme si t’étais gelé sur quelque chose. Pas gelé sur une substance, mais juste se sentir gelé en général, pis ça fait en sorte que t’as de la misère un peu à évoquer les sentiments. C’était même difficile pour moi d’aller chercher des émotions parce que je n’en avais justement pas beaucoup, » remarque-t-il. « Au final, c’est un peu de ça que ça parle : le simple fait de vouloir s’évader, souvent en étant sur internet, en bouffant des hot dogs, en se retrouvant avec ses amis et d’être fucked up. Ou encore, juste checker PornHub. Je sais pas. »

« Cet album, je le vois vraiment comme une photo dans le temps. »

Julien renchérit sur sa propre expérience « Je n’ai jamais commandé de Uber Eats, mais je peux clairement m’identifier à tout ça. Je pense qu’on avait tous les deux le même feeling qui vient sûrement de ce qu’on avait vécu à la sortie du premier album. Il y a eu plein de belles choses, mais aussi d’autres vraiment éprouvantes. Notre succès et la manière dont on l’a vécu nous a fait passer par certaines difficultés. Je n’avais vraiment pas confiance en moi, j’avais des problèmes personnels pis je ne savais pas où était ma place. On dirait que j’avais oublié qui j’étais à travers tout ça. C’est un peu ça qui a amené ce nihilisme-là de mon côté. »

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En guise de réflexion finale, The Seasons se rallie et acquiesce lorsque Hubert fait le point sur ce que représente ce projet dans leur discographie et, au sens plus large, sur leur parcours. « Cet album, je le vois vraiment comme une photo dans le temps. Quand je l’écoute, je reconnais des trucs que j’aimais vraiment à ce moment-là. Des genres d’idées que j’avais. Même des manières de chanter qui me faisaient tripper à l’époque et qui me font moins tripper maintenant. C’est ça qui est cool, c’est vraiment un portrait. »

Crédit : Ben Pi

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L’album Midnight, Let’s Get a Hot-Dog de The Seasons est maintenant disponible sur toutes les plateformes numériques et en magasins.

La formation funk Forest BOYS (Julien, Samuel, Rémy et leurs comparses) prévoit également lancer quelques chansons au cours de l’hiver. Des dates de spectacle seront également annoncées sous peu. Pour rester à l’affût, ça se passe sur leurs réseaux sociaux ici et .

Hubert Lenoir poursuit la tournée québécoise de son album solo Darlène. Toutes les dates se retrouvent sur sa page Facebook.

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