Souldia est un nom qui rĂ©sonne dĂ©sormais partout dans la province. Des grands centres urbains aux plus petits bleds du pays, le rappeur se produit toujours dans des salles combles, devant une foule conquise qui le voit comme un hĂ©ros. En raison de son passĂ© trouble, la rĂ©demption de Souldia par la musique continue dâinspirer son auditoire, et agit comme un message dâespoir en affirmant quâil est possible de changer sa situation, aussi dĂ©sagrĂ©able soit-elle.
En fait, Souldia est au hip-hop quĂ©bĂ©cois ce quâest Ăric Lapointe est Ă la musique quĂ©bĂ©coise en gĂ©nĂ©ral : une rockstar lĂ©gendaire admirĂ©e par de die hard fans. En Ă©change de cet amour, le rappeur gĂąte constamment son public avec de nouvelles sorties Ă se mettre sous la dent : vidĂ©oclip, singles et mĂȘme des albums surprises, ça nâarrĂȘte jamais. Mais son vĂ©ritable contact avec son public, il lâa lors de ses spectacles oĂč la foule le traite comme un JĂ©sus en coat de cuir, un vĂ©ritable messie qui pave la voie aux marginaux.
On a eu la chance de discuter avec lâartiste lors de son passage au Festival de musique Ă©mergente (FME), dans le lobby de son hĂŽtel, alors quâil venait Ă peine dâarriver en ville. Il sortait tout juste de la douche et sâest excusĂ© de son retard en nous serrant la main. Bref, un vrai gentleman qui arriverait mĂȘme Ă mettre dans sa poche une Monique qui pense que le hip-hop câest juste du maudit criage. Et câest pour ça quâon lâaime autant.
à vous maintenant de vous laisser séduire.
Tu viens tout juste de sortir un nouveau single, Barillet, qui dĂ©tonne un peu avec le reste de ton rĂ©pertoire. Quâest-ce que tu voulais offrir comme propositions Ă tes fans? Est-ce que ça annonce la venue dâun nouveau projet?
Barillet câĂ©tait pas dans le cadre dâun nouveau projet. Mais oui, jâavais envie dâoffrir un nouveau vibe, plus prĂšs de comment je feel ces temps-ci. La chanson change deux ou trois fois de beats et je suis vraiment lĂ -dessus ces temps-ci : dĂ©couper une chanson en plusieurs parties. Pour lâinstant, câest un single, on sait pas si elle va ĂȘtre sur le prochain album. Je sais comment lâalbum va sâappeler, je sais quâil va sortir en 2020, mais pour lâinstant on nâa pas plus dâinfos que ça.
Toi qui es quelquâun dâintense sur tes chansons, Ă quoi ça ressemble une session studio avec Souldia?
Une session en studio avec moi ça peut tourner de ben des maniĂšres. On peut commencer avec de la joie et finir que tout le monde pleure pendant que je suis couchĂ© dans le coin du booth avec des feuilles dĂ©chirĂ©es partout. Des fois, je sors je suis pas content, des fois oui, ça finit en fight. On passe par plein dâĂ©motions.
Je viens justement de me sĂ©parer de mon technicien la semaine derniĂšre. On a fermĂ© le studio oĂč jâenregistrais depuis 3-4 ans. Les trois derniers albums je les ai faits avec ce gars-lĂ . Il mâa suivi pendant 3-4 ans, je lâai isolĂ© pour faire des albums. Quand on a fait le Black Album, je lâai amenĂ© une semaine entiĂšre avec moi tout seul. Câest sĂ»r quâil va devenir fou Ă un moment donnĂ©âŠ
Fak jâavais ce gars-lĂ avant pour vivre ces dĂ©lires-lĂ , maintenant je lâai plus. Sauf que jâai une personne qui a pris sa place, il sâappelle Christophe Martin. Il fait beaucoup de musique pour moi, et câest un gros producteur en studio. Câest intĂ©ressant parce que ça va faire sonner ma musique un peu diffĂ©remment.
Tâas justement fait plein de featurings avec des gens de milieu hip-hop diffĂ©rents. Et maintenant, tu fais le pont entre la scĂšne hip-hop de rĂ©gion et le street rap montrĂ©alais. Pourquoi tu voulais aller vers ces gars-lĂ ?
Moi je suis un gars de street. Pis le terme street rap ça existe juste depuis deux ans. Avant tâĂ©tais street, ou tu lâĂ©tais pas, thatâs it. Mais la chose avec la street, câest que tu te rejoins vite. Tu connais un gars qui lui connait un gars, qui lui a connu le cousin dâun tel en prison qui te prĂ©sente Ă quelquâun. Moi je travaille avec des gens avec qui jâai envie de travailler, mais dont je connais aussi lâhistoire. Câest ça qui mâintĂ©resse chez un artiste.
Tout ça pour dire que je fais tout ça aussi parce que ces derniers temps, je mâamuse man. Je suis rendu Ă un moment dans ma vie, oĂč jâai envie dâavoir du fun en faisant des chansons avec des gens que je sais quâavec eux on va exploser, atteindre de nouveaux levels. Jâai plein de nouvelles collaborations Ă vous faire entendre dâailleurs dans le futur. On travaille fort lĂ -dessus.
Celle que tu as faite avec Alaclair Ensemble, câest probablement celle qui Ă©tait la plus surprenante Ă©tant donnĂ© leur univers un peu plus ludique. Comment ça sâest passĂ© cet enregistrement-lĂ ?
Je pense pas que tous les artistes ont le luxe de faire ça. Je pense que câest un atout que jâai de pouvoir mâassocier avec plein de gens comme ça. Je reste quand mĂȘme un individu sauvage, qui nâaime pas tous les humains. Mais les gars dâAlaclair ce sont des gars de QuĂ©bec. On se connait depuis des annĂ©es, et ça fait longtemps que je les vois grandir et dĂ©fricher le chemin pour moi. Ces gars-lĂ , ce sont des crĂšmes de rappeurs, pis si tâes pas capable de voir ça tu connais rien au rap.
Quand on a enregistrĂ© la chanson jâai dĂ» larguer un gros verse, rentrer en mode punchline parce que ouf, la barre Ă©tait haute. Mais jâĂ©tais ben content en finissant.
LĂ -dessus tâes allĂ© plutĂŽt dans lâhumour, dâhabitude tu explores la noirceur, le cĂŽtĂ© sombre de la vie. Toi tâas rĂ©ussi Ă tâen sortir, comment tu y es arrivĂ©?
En fait, un gars comme moi ne sâen sortira jamais vraiment. On a Ă©tĂ© dans cette vie-lĂ trop longtemps. La seule chose quâon peut faire pour amĂ©liorer son sort câest de devenir de meilleures personnes. Ce monde-lĂ , ça te suit toute ta vie. Personnellement, jâai rĂ©ussi Ă mâen sortir en me mettant lâobjectif de gagner ma vie en faisant du rap. Et ça, je lâai atteint. Mais chaque jour je suis encore confrontĂ© Ă mon ancienne vie que ce soit par un appel dâun de nos boys en prison qui va pas bien, ou par lâenterrement dâun tel. Faut jamais penser que tu vas tâen sortir totalement. Ă moins que tu dĂ©mĂ©nages Ă Hong Kong (rires), lĂ peut-ĂȘtre que tu vas avoir la paix.
Tu parles de ta musique comme du rap and roll et on sent effectivement une grosse influence de rock dans ta musique. Câest quoi exactement ton genre musical?
Jâai grandi dans le rock avec Iron Maiden, Metallica. Mon idole de jeunesse câest Kurt Cobain tâsais. JâĂ©tais deep lĂ -dedans et mĂȘme encore aujourdâhui, je passe pas mes journĂ©es Ă Ă©couter du rap. Les gens se trompent totalement sâils pensent que je suis toujours en train de bump du Gucci Mane. Tu serais surpris de voir ma playlist. Lâan dernier, jâai dĂ©couvert une fille comme Tash Sultana et je capote encore. JâĂ©coute juste de tout, jâaime la musique, point.
Le problĂšme aussi câest que si tâĂ©coutes trop de rap dans ton quotidien, tu te fais influencer sans mĂȘme le vouloir. Tu vas Ă©crire des lignes qui se ressemblent sans mĂȘme tâen rendre compte, pis moi je peux pas me permettre ça. Je dois toujours inventer un nouveau crĂ©neau. Je dois amener les gens Ă mâimiter, pas lâinverse.
Tu en inspires plusieurs dâailleurs. Tes fans sont assez hardcores : ils achĂštent tes vĂȘtements, mettent des collants dâExplicit sur leur quatre-roues, ils se font mĂȘme tatouer ton nom. Comment tu vis avec ce genre de rĂŽle de « super-hĂ©ros »?
Je vis bien, je pense que ça fait partie de la game. Jâai des projets tellement big en ce moment que ce qui se passe aujourdâhui, câest rien comparĂ© Ă ce qui sâen vient. Câest une goutte dâeau sur le petit orteil.
Toi tu chantes, tu rappes, tu essaies plein dâaffaires. Câest important pour toi de sortir de ta zone de confort?
Tellement man, tellement. Jâai tellement fait dâaffaires dans le passĂ© avec mes diffĂ©rents groupes que si je fais juste rapper, je vais me tanner. Je me suis toujours dit que la journĂ©e oĂč ça ne me tentera pas dâaller au studio, je vais arrĂȘter de rapper. Mâa aller vendre de la drogue ou quelque chose.
Mais oui, le but câest de me renouveler, et comme jâĂ©coute plein de choses diffĂ©rentes, des fois je pars dans une direction en studio et les gens doutent. Mais Ă la fin, ils vont comprendre oĂč je mâen allais.
Et câest ça qui mâimpressionne parce que ton beatmaker Farfadet arrive Ă te suivre dans tout ça. Il est vraiment polyvalent, câest fou!
Ouais, Max de la maniĂšre quâil fait ses beats, câest avec le feeling. Il fait des beats pis quand il se dit « Yo, je verrais trop Souldia lĂ -dessus », il le met dans ma banque de beats que jâexplore chaque semaine.
En terminant, si tu avais un conseil Ă donner Ă quelquâun qui va te voir en show pour la premiĂšre fois, ce serait quoi?
Attache tes souliers comme il faut. Camisole en dessous du hoodie parce quâil va faire chaud. Pis bois pas trop parce que les gens sont fous.
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