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Entrevue : Souldia, bourreau de travail

Le rappeur accumule les sorties sans ralentir son rythme de production.

Par
Mathieu Palmer
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Souldia est un nom qui rĂ©sonne dĂ©sormais partout dans la province. Des grands centres urbains aux plus petits bleds du pays, le rappeur se produit toujours dans des salles combles, devant une foule conquise qui le voit comme un hĂ©ros. En raison de son passĂ© trouble, la rĂ©demption de Souldia par la musique continue d’inspirer son auditoire, et agit comme un message d’espoir en affirmant qu’il est possible de changer sa situation, aussi dĂ©sagrĂ©able soit-elle.

En fait, Souldia est au hip-hop quĂ©bĂ©cois ce qu’est Éric Lapointe est Ă  la musique quĂ©bĂ©coise en gĂ©nĂ©ral : une rockstar lĂ©gendaire admirĂ©e par de die hard fans. En Ă©change de cet amour, le rappeur gĂąte constamment son public avec de nouvelles sorties Ă  se mettre sous la dent : vidĂ©oclip, singles et mĂȘme des albums surprises, ça n’arrĂȘte jamais. Mais son vĂ©ritable contact avec son public, il l’a lors de ses spectacles oĂč la foule le traite comme un JĂ©sus en coat de cuir, un vĂ©ritable messie qui pave la voie aux marginaux.

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On a eu la chance de discuter avec l’artiste lors de son passage au Festival de musique Ă©mergente (FME), dans le lobby de son hĂŽtel, alors qu’il venait Ă  peine d’arriver en ville. Il sortait tout juste de la douche et s’est excusĂ© de son retard en nous serrant la main. Bref, un vrai gentleman qui arriverait mĂȘme Ă  mettre dans sa poche une Monique qui pense que le hip-hop c’est juste du maudit criage. Et c’est pour ça qu’on l’aime autant.

À vous maintenant de vous laisser sĂ©duire.

Tu viens tout juste de sortir un nouveau single, Barillet, qui dĂ©tonne un peu avec le reste de ton rĂ©pertoire. Qu’est-ce que tu voulais offrir comme propositions Ă  tes fans? Est-ce que ça annonce la venue d’un nouveau projet?

Barillet c’était pas dans le cadre d’un nouveau projet. Mais oui, j’avais envie d’offrir un nouveau vibe, plus prĂšs de comment je feel ces temps-ci. La chanson change deux ou trois fois de beats et je suis vraiment lĂ -dessus ces temps-ci : dĂ©couper une chanson en plusieurs parties. Pour l’instant, c’est un single, on sait pas si elle va ĂȘtre sur le prochain album. Je sais comment l’album va s’appeler, je sais qu’il va sortir en 2020, mais pour l’instant on n’a pas plus d’infos que ça.

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Toi qui es quelqu’un d’intense sur tes chansons, à quoi ça ressemble une session studio avec Souldia?

Une session en studio avec moi ça peut tourner de ben des maniĂšres. On peut commencer avec de la joie et finir que tout le monde pleure pendant que je suis couchĂ© dans le coin du booth avec des feuilles dĂ©chirĂ©es partout. Des fois, je sors je suis pas content, des fois oui, ça finit en fight. On passe par plein d’émotions.

Je viens justement de me sĂ©parer de mon technicien la semaine derniĂšre. On a fermĂ© le studio oĂč j’enregistrais depuis 3-4 ans. Les trois derniers albums je les ai faits avec ce gars-lĂ . Il m’a suivi pendant 3-4 ans, je l’ai isolĂ© pour faire des albums. Quand on a fait le Black Album, je l’ai amenĂ© une semaine entiĂšre avec moi tout seul. C’est sĂ»r qu’il va devenir fou Ă  un moment donné 

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Fak j’avais ce gars-lĂ  avant pour vivre ces dĂ©lires-lĂ , maintenant je l’ai plus. Sauf que j’ai une personne qui a pris sa place, il s’appelle Christophe Martin. Il fait beaucoup de musique pour moi, et c’est un gros producteur en studio. C’est intĂ©ressant parce que ça va faire sonner ma musique un peu diffĂ©remment.

T’as justement fait plein de featurings avec des gens de milieu hip-hop diffĂ©rents. Et maintenant, tu fais le pont entre la scĂšne hip-hop de rĂ©gion et le street rap montrĂ©alais. Pourquoi tu voulais aller vers ces gars-lĂ ?

Moi je suis un gars de street. Pis le terme street rap ça existe juste depuis deux ans. Avant t’étais street, ou tu l’étais pas, that’s it. Mais la chose avec la street, c’est que tu te rejoins vite. Tu connais un gars qui lui connait un gars, qui lui a connu le cousin d’un tel en prison qui te prĂ©sente Ă  quelqu’un. Moi je travaille avec des gens avec qui j’ai envie de travailler, mais dont je connais aussi l’histoire. C’est ça qui m’intĂ©resse chez un artiste.

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Tout ça pour dire que je fais tout ça aussi parce que ces derniers temps, je m’amuse man. Je suis rendu Ă  un moment dans ma vie, oĂč j’ai envie d’avoir du fun en faisant des chansons avec des gens que je sais qu’avec eux on va exploser, atteindre de nouveaux levels. J’ai plein de nouvelles collaborations Ă  vous faire entendre d’ailleurs dans le futur. On travaille fort lĂ -dessus.

Celle que tu as faite avec Alaclair Ensemble, c’est probablement celle qui Ă©tait la plus surprenante Ă©tant donnĂ© leur univers un peu plus ludique. Comment ça s’est passĂ© cet enregistrement-lĂ ?

Je pense pas que tous les artistes ont le luxe de faire ça. Je pense que c’est un atout que j’ai de pouvoir m’associer avec plein de gens comme ça. Je reste quand mĂȘme un individu sauvage, qui n’aime pas tous les humains. Mais les gars d’Alaclair ce sont des gars de QuĂ©bec. On se connait depuis des annĂ©es, et ça fait longtemps que je les vois grandir et dĂ©fricher le chemin pour moi. Ces gars-lĂ , ce sont des crĂšmes de rappeurs, pis si t’es pas capable de voir ça tu connais rien au rap.

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Quand on a enregistrĂ© la chanson j’ai dĂ» larguer un gros verse, rentrer en mode punchline parce que ouf, la barre Ă©tait haute. Mais j’étais ben content en finissant.

LĂ -dessus t’es allĂ© plutĂŽt dans l’humour, d’habitude tu explores la noirceur, le cĂŽtĂ© sombre de la vie. Toi t’as rĂ©ussi Ă  t’en sortir, comment tu y es arrivĂ©?

En fait, un gars comme moi ne s’en sortira jamais vraiment. On a Ă©tĂ© dans cette vie-lĂ  trop longtemps. La seule chose qu’on peut faire pour amĂ©liorer son sort c’est de devenir de meilleures personnes. Ce monde-lĂ , ça te suit toute ta vie. Personnellement, j’ai rĂ©ussi Ă  m’en sortir en me mettant l’objectif de gagner ma vie en faisant du rap. Et ça, je l’ai atteint. Mais chaque jour je suis encore confrontĂ© Ă  mon ancienne vie que ce soit par un appel d’un de nos boys en prison qui va pas bien, ou par l’enterrement d’un tel. Faut jamais penser que tu vas t’en sortir totalement. À moins que tu dĂ©mĂ©nages Ă  Hong Kong (rires), lĂ  peut-ĂȘtre que tu vas avoir la paix.

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Tu parles de ta musique comme du rap and roll et on sent effectivement une grosse influence de rock dans ta musique. C’est quoi exactement ton genre musical?

J’ai grandi dans le rock avec Iron Maiden, Metallica. Mon idole de jeunesse c’est Kurt Cobain t’sais. J’étais deep lĂ -dedans et mĂȘme encore aujourd’hui, je passe pas mes journĂ©es Ă  Ă©couter du rap. Les gens se trompent totalement s’ils pensent que je suis toujours en train de bump du Gucci Mane. Tu serais surpris de voir ma playlist. L’an dernier, j’ai dĂ©couvert une fille comme Tash Sultana et je capote encore. J’écoute juste de tout, j’aime la musique, point.

Le problĂšme aussi c’est que si t’écoutes trop de rap dans ton quotidien, tu te fais influencer sans mĂȘme le vouloir. Tu vas Ă©crire des lignes qui se ressemblent sans mĂȘme t’en rendre compte, pis moi je peux pas me permettre ça. Je dois toujours inventer un nouveau crĂ©neau. Je dois amener les gens Ă  m’imiter, pas l’inverse.

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Tu en inspires plusieurs d’ailleurs. Tes fans sont assez hardcores : ils achĂštent tes vĂȘtements, mettent des collants d’Explicit sur leur quatre-roues, ils se font mĂȘme tatouer ton nom. Comment tu vis avec ce genre de rĂŽle de « super-hĂ©ros »?

Je vis bien, je pense que ça fait partie de la game. J’ai des projets tellement big en ce moment que ce qui se passe aujourd’hui, c’est rien comparĂ© Ă  ce qui s’en vient. C’est une goutte d’eau sur le petit orteil.

Toi tu chantes, tu rappes, tu essaies plein d’affaires. C’est important pour toi de sortir de ta zone de confort?

Tellement man, tellement. J’ai tellement fait d’affaires dans le passĂ© avec mes diffĂ©rents groupes que si je fais juste rapper, je vais me tanner. Je me suis toujours dit que la journĂ©e oĂč ça ne me tentera pas d’aller au studio, je vais arrĂȘter de rapper. M’a aller vendre de la drogue ou quelque chose.

Mais oui, le but c’est de me renouveler, et comme j’écoute plein de choses diffĂ©rentes, des fois je pars dans une direction en studio et les gens doutent. Mais Ă  la fin, ils vont comprendre oĂč je m’en allais.

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Et c’est ça qui m’impressionne parce que ton beatmaker Farfadet arrive à te suivre dans tout ça. Il est vraiment polyvalent, c’est fou!

Ouais, Max de la maniĂšre qu’il fait ses beats, c’est avec le feeling. Il fait des beats pis quand il se dit « Yo, je verrais trop Souldia lĂ -dessus », il le met dans ma banque de beats que j’explore chaque semaine.

En terminant, si tu avais un conseil à donner à quelqu’un qui va te voir en show pour la premiùre fois, ce serait quoi?

Attache tes souliers comme il faut. Camisole en dessous du hoodie parce qu’il va faire chaud. Pis bois pas trop parce que les gens sont fous.

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