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Entrevue : Robert Nelson est sur le chemin du roé

Le rappeur lance son premier album studio en solo.

Par
Alexandre Demers
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N’est pas Président de la République libre du Bas-Canada qui veut. Et ça, le rappeur Ogden Ridjanovic en sait quelque chose, lui qui est mieux connu sous le nom de Robert Nelson, le personnage historique éclaté au ton humoristique qu’il a développé au fil des années.

De ses humble beginnings à pratiquer ses rimes et son flow dans sa chambre à l’abri des regards, Ogden a fait sa marque et ses premiers pas dans l’œil du public avec ses comparses Eman, KNLO, Maybe Watson, Claude Bégin et Vlooper au sein de la formation post-rigodon Alaclair Ensemble.

Au bout d’une décennie à s’imposer comme une force de la nature, Robert Nelson s’est vu revenir dans ses bonnes vieilles pantoufles de création en solitaire. Désirant explorer davantage ses propres idées et traiter avec un certain recul quelques passages un peu plus rough de sa vingtaine, le rappeur s’est plongé dans un exercice qu’il n’avait pas conduit depuis longtemps. Le fruit de ces efforts, Nul n’est roé en son royaume, est un premier album solo sur lequel l’artiste surprend grâce à un habile mash-up entre exercices de style spontanés et réflexions introspectives plus abouties.

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Se laisser le temps de composer

Créatif et prolifique de nature, Robert Nelson savait que le moment où il allait s’y pencher, un exercice solo allait arriver. « Quand je crée, c’est comme si je visualisais un peu une image ou un tableau. Je trouve souvent le nom de la toune avant de l’écrire. Je visualise un peu l’univers, le champ lexical, la couleur. C’est comme une espèce de synesthésie. C’est très aléatoire », remarque-t-il.

« Ça pouvait me prendre des semaines pour développer une ou plusieurs idées de tounes dans ma tête, les nourrir psychologiquement, me mettre à l’écriture, écrire une partie, y revenir un peu plus tard, etc. Contrairement à Alaclair ou Rednext ou c’est plutôt impulsif, je me suis vraiment laissé le temps. »

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Le résultat est un album varié fidèle aux codes préétablis par l’artiste sur lequel il se balance entre humble brag assumé, angoisses prenantes et célébrations amicales.

Parlons producteurs

Pour la production, Robert Nelson a fait appel à un cercle rapproché de beatmakers qui gravitent autour de lui. Ainsi se succèdent tour à tour les productions de Claude Bégin, Tork, KenLo Craqnuques & Caro Dupont, Shash’U, Eman et le tandem DJ Manifest et Lowpocus. Ces instrus se promènent dans les plates-bandes des trap beats contemporains aux samples de soul à l’ancienne, en passant par les beats vaporeux bien smooth et les productions organiques.

« C’est un mélange de choses préméditées et de choses qui sont juste arrivées de même. Par exemple, pour Mani et Lowpocus, qui signent le premier single Jacques Plante, les gars m’ont envoyé des beats, j’ai choisi ceux qui me parlaient et j’ai écrit directement là-dessus. C’était un peu plus simple. Sinon, avec Ken pis Claude, avec qui je travaille depuis longtemps, je savais qu’une fois que j’avais terminé une maquette de mon côté, j’allais leur envoyer ça et ils allaient faire leur truc. J’étais content de faire travailler différentes personnes. »

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« Je serais intéressé un jour à faire un projet solo juste moi et un beatmaker, mais j’aime aussi l’idée d’avoir l’apport créatif de tout le monde. Et sur ce projet-là, je ne voulais pas trop les diriger. J’ai pas mal donné carte blanche à chacun d’entre eux. »

Entre déni et implication sociale

Bien que la nature extravagante et ludique du personnage soit toujours bien présente sur certains morceaux, Robert Nelson explore également quelques nuances et partage des réflexions qui l’ont habité dans un passé en dehors de la fête et des shows. Notamment sur la pièce Le ruisseau est motivé, dont les tournures de phrases colorées laissent place à un flot de pensées qui portent autant sur la bêtise humaine que sur les débats actuels entourant les enjeux identitaires.

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« Le nom de cette chanson-là, c’est un peu l’idée que chaque jour apporte son lot d’efforts. Et ça continue tout le temps. C’est d’arriver avec une série de pensées ou de thèmes qui ont marqué ma vie dans les dernières années. Je ressens ça par rapport à tout ou presque. L’état du monde, en général. Des fois j’ai le feeling, pis c’est pas parce que je suis cynique ou défaitiste, mais c’est qu’on est dans la zone où la pile de vaisselle sale grandit plus vite que ce qu’on est capable de laver. Il y a ça comme vibe. »

« Et il y a plein de débats que je trouve un peu débiles en ce moment, mais c’est qu’à un moment donné, tu peux soit faire semblant que ça n’existe pas, ou full t’impliquer à un point où ça te pourri la vie. T’es vraiment pris entre les deux. Tu peux dire ce que tu penses, mais au final, le truc c’est aussi de faire ton petit bout de chemin par toi-même. »

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Fermer une porte puis en ouvrir une autre

L’écriture de cet album aura également permis à Robert Nelson de libérer ses états d’âme sur des pièces comme Chimie et Lucioles et de rendre hommage à un tragique évènement qui a secoué sa vie il y a quelques années. Le 22 aout 2015, son meilleur ami et coloc Bernard Carignan a tragiquement perdu la vie dans un accident de vélo dans une rue de Montréal. L’évènement, par un triste concours de circonstances, aura également mené l’année suivante à la fin d’une relation sérieuse qu’il entretenait avec sa copine de l’époque.

« J’avais été assez chanceux dans ma vie avant cet évènement-là, j’avais l’impression générale que tout se déroulait comme prévu »

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« Tout a été bouleversé à partir de ce moment-là. Ça a changé mes plans personnels, du quotidien jusqu’au long terme. J’avais été assez chanceux dans ma vie avant cet évènement-là, j’avais l’impression générale que tout se déroulait comme prévu », souligne-t-il. « Ça a donné lieu à plein de types de réflexions, à la fois sur ma vie professionnelle et ma vie personnelle. Ça a été de prendre un certain recul sur tout ça. »

Au terme de toute cette introspection et de la parution de Nul n’est roé en son royaume, le processus lui a fait réaliser qu’il vient à la fois de fermer un livre et d’ouvrir une porte vers autre chose.

« C’est un peu des deux, mais je ne me lance pas dès maintenant dans la finale. C’est que j’ai besoin de digérer un peu entre les projets. J’ai pas mal toujours été comme ça. J’ai le feeling qu’il y a effectivement une certaine boucle qui vient de se boucler avec cet album-là, par rapport à une période de ma vie, mais pour la suite des choses, je suis surtout content de retrouver un peu cette zone de la feuille blanche. Je ne suis pas pressé. Je ne suis pas déjà en mode planification du deuxième album ou quoique ce soit. Je vais sortir celui-ci, faire des shows, et par la suite, on verra au jour le jour où tout ça me mène. Je vais faire mon petit ruisseau. »

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L’album Nul n’est roé en son royaume est maintenant disponible en magasins et sur toutes les plateformes numériques.

Robert Nelson fera le lancement officiel de son album à Québec à L’ANTI Bar & Spectacles le 8 juin et à Montréal à l’Astral le 14 juin dans le cadre des Francofolies. Pour toutes les dates de tournée, ça se passe ici.

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