Valérie Poulin, Poulin de son nom de scène, avait tout d’une lionne lors de son passage fracassant aux Francouvertes il y a quelques semaines. Avec sa chevelure de feu, son charisme animal et sa présence sur scène captivante, la rockeuse s’est taillé une place bien méritée aux demi-finales du concours-vitrine. Après avoir été complètement charmés par sa performance, nous avons pris le temps d’aller nous asseoir avec elle dans un café de Rosemont pour discuter de son arrivée à Montréal, de ses textes et de sa fascination pour la dépendance sous toutes ses formes.
Tout laisser derrière
Assise à la table du petit café avec Valérie, on discute de nos parcours de vie similaires. Tout comme moi, la musicienne a quitté son coin du monde pour venir s’établir à Montréal. Dans son cas, c’est son Saguenay natal qu’elle a laissé derrière il y a cinq ans pour venir se concentrer sur la musique en ville. Un grand choc, qui aurait pu en déstabiliser plus d’un.e, mais c’est ce dont Poulin avait besoin pour s’épanouir en tant qu’artiste. « C’est pas que j’avais confiance en moi, mais j’avais confiance en mon intuition », me raconte-t-elle.
« C’est vraiment important pour moi que les textes soient représentatifs de l’instinct premier. »
À vingt ans, elle a changé de ville, arrêté ses études, laissé son chum… tout quitté. Si elle est partie, ce n’est pas sur un coup de tête, mais bien pour suivre cette fameuse intuition, cette impression que c’est ici, à Montréal, qu’elle devait être. C’est cette même intuition qui la guide lorsqu’elle crée. « J’ai toujours écrit beaucoup, j’ai même étudié en littérature, mais c’est vraiment important pour moi que les textes soient représentatifs de l’instinct premier, m’explique-t-elle, clairement passionnée par le sujet. Quand on joue, s’il y a quelque chose qui sort, des mots ou un thème, je veux vraiment respecter ça. Ça devient ma ligne directrice. Après, si je veux mettre une ellipse, je vais me payer la traite (rires), mais en général, j’essaie de garder [les textes] vraiment crus. »
Dépendance : une fascination
En spectacle, sa voix est franche et mise à l’avant. C’est d’ailleurs ce qui m’avait saisie sur la pièce « Assez ». À la première écoute, et avec l’énergie d’un show, j’avais compris que l’on abordait la masturbation féminine et ça me faisait vraiment triper qu’une artiste en parle. En faisant des recherches et en réécoutant le morceau à tête reposée, j’ai compris que c’était plus dark que ce que je pensais.
« J’ai abordé [la chanson sous l’angle de la compulsion parce que la dépendance, sous toutes ses formes, me fascine. La pornographie peut être une forme de compulsion au même titre que l’alcool ou la drogue, explique Valérie. La première partie de [“Assez”] c’est un peu comme “Bon ben, je vais m’arranger toute seule…” (rires), mais finalement ça devient “Est-ce que je vais finir par combler ce manque-là ?”. »
Le morceau parle, entre autres, de consommation de pornographie, une chose qui peut être assez tabou chez les femmes. « J’en consomme pas souvent de la pornographie, me raconte Valérie, mais quand j’en consomme j’ai un effet après… c’est comme si je venais de manger un Big Mac. C’est pas de la vraie bouffe, pis tu te le pardonnes si t’en manges pas souvent, mais si t’en manges trop, tu vas pas te sentir bien (rires). » Pour l’artiste, c’est impensable d’ignorer ce genre de tabou et de faire comme si cette compulsion n’existait pas.
Affronter les tabous
Un autre tabou dont elle parle ouvertement… la sobriété. Poulin ne consomme plus de drogues ni d’alcool depuis longtemps déjà et n’a pas peur d’en parler. « Quand tu ne consommes pas, la vie est vraiment différente. Tu ne peux pas te cacher des affaires, t’es tout le temps là. » Cette clarté l’a aidée à mieux voir des souffrances présentes chez elle ou chez ses amis et l’inspire dans sa musique.
Elle en a assez de l’idée de l’artiste autodestructeur qui consomme pour créer. « Je veux pas juger le monde qui consomme parce que j’ai déjà consommé en criss, mais cette idée-là elle n’est pas cool [le lien entre la consommation et la créativité], il faut pas la nourrir. Quand j’étais jeune, je regardais ça pis j’embarquais là-dedans. Je buvais, je prenais de la drogue, pis je trouvais ça cool. Maintenant, j’ai pu envie de faire ça de même, j’ai pas envie d’envoyer ce message-là. »
Ce qui l’allume maintenant, c’est de monter sur scène et d’exister dans le moment présent. « Ce que je trouve intéressant dans l’esprit du rock, c’est l’intuition animale brute. Exempt de toutes modifications. »
Après des passages au Festival international de la chanson de Granby, au concours Ma première Place des Arts et maintenant aux Francouvertes, le premier album de Poulin ne saurait tarder. Selon la principale intéressée, L’or des fous, le titre de cet opus, devrait être disponible à l’automne 2019 et explorera lui aussi les thèmes de la compulsion et de la désillusion, entre autres.