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Entrevue : Patrick Watson – Une fois la vague passée, reprendre son souffle

Discussion avec l'artiste sur son nouvel album «Wave».

Par
Mathieu Palmer
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Patrick Watson est l’une des figures les plus importantes du rock indie québécois. En fait, après cinq albums, un prix Polaris et des tournées mondiales, on peut même dire que c’est une icône du genre. Reconnu notamment pour sa voix unique et sa folie sur scène, il a ce don de faire voyager son auditoire grâce à ses mélodies féériques maîtrisées et sa poésie imagée. Bref, le genre de musique qui nous transporte dans l’irréel et qui arrive à point dans cet automne frisquet.

Cette fois-ci, il nous revient avec Wave, un nouvel album beaucoup plus réaliste, teinté par des années assez houleuses où se sont entremêlé deuils, départs et dépression. Il offre ainsi son œuvre la plus personnelle et la plus sobre en carrière. Un album qui nous encourage à nous laisser porter par la vague, sans tristesse ni remords. Parce que parfois, vaut mieux suivre le courant que de s’épuiser à le remonter.

Rencontré dans un café sur Saint-Laurent, Patrick Watson s’est ouvert sur ce dernier projet, en commençant par répondre à cette simple question : maintenant que le remous est passé, comment ça va?

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Tu viens de sortir WAVE ton dernier album, c’est un album teinté de tristesse, de deuil, mais surtout d’amour; en ce moment, comment vas-tu? Qu’est-ce qui te fait aimer la vie?

Oh moi je suis vraiment dans une bonne place dans la vie, tous ces changements après quatre ans, ça m’a donné une chance de reconstruire le tout. Vieillir c’est pas facile, parce que tout est en bordel. Les choses s’accumulent dans tes tiroirs à genre 37-38 ans, pis si tu fais pas le ménage c’est juste le bordel. Ça m’a vraiment permis de faire le ménage et de commencer sur du nouveau, alors je me sens vraiment bien! Je suis dans une bonne relation avec mes enfants, ma job c’est de jouer de la musique, ce qui est pretty good! J’ai aussi une merveilleuse personne dans ma vie. Je suis juste un homme chanceux.

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J’ai vraiment l’impression que cet album a été un genre de thérapie pour toi. Quand tu créais l’album, est-ce que tu pensais au côté thérapeutique du processus ou tu t’es vraiment laissé guider par tes sentiments?

J’ai commencé la musique à l’âge de sept ans et anyway même à cet âge-là, je jouais du piano de minuit à quatre heures du matin. Thérapie c’est un gros mot, mais c’est toujours une façon de réorganiser mon cerveau et de trouver un équilibre dans la vie. Que ça soit tough ou non, j’en ai toujours besoin pour trouver de la stabilité dans le monde.

Avec des thèmes aussi personnels et émotifs, à quoi ressemblaient les sessions d’enregistrements?


C’était beaucoup des un à un, moins d’interactions de groupe. Par exemple, une chanson comme Drive, c’est juste Joe et moi qui avons trippé pendant une journée de temps. On a composé ensemble, et ensuite on a fait les arrangements avec les autres. Turn Out the Lights, c’était différent : j’ai écrit la chanson avec Mishka, ensuite j’ai go crazy et j’ai juste joué du noise pendant deux jours. Plus tard, Evan, Mishka et moi on a fini la tape ensemble à deux heures du matin (après avoir mangé un peu trop de champignons…) et voilà.

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Alors, même si c’est un album intime au niveau des paroles, les musiciens sont vraiment importants, même si leur apport est plus subtil. C’est plus difficile de trouver les lignes subtiles que les gros sons, parce que dès que ça prend trop de place, la chanson est finie. Ça prend beaucoup de maturité dans ta façon de jouer pour permettre ça.

L’ambiance était comment en studio?

C’était pas un album fun à faire. Bon, peut-être que Turn Out the Lights et Wild Flowers étaient fun à faire, mais le reste c’était juste difficile. La première année et demie, je n’étais pas en très bonne santé mentalement, alors c’était difficile pour eux de travailler avec moi. Pas mal tout s’effondrait. Pis Robbie est parti… [Son batteur qui a quitté le groupe] C’était un petit désastre en soi.

Puis je me suis mis à aller mieux et on a recommencé à jouer ensemble, mais c’était ENCORE pénible parce que ce n’était pas un album où on se laissait aller. C’était plus un projet que je voulais garder simple, petit. S’assurer que tous les mots comptent, qu’il y ait de l’espace. Maintenant en live, ça se joue super facilement, pas parce que la musique est simple ou pas recherchée : ça se joue bien parce que la recherche derrière l’écriture de la chanson a été bien faite.

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Tu peux jouer la chanson dans n’importe quel sens et ça marche quand même! C’est quand même cool!

Quand on crée un album aussi touchant est-ce que ça fait plus mal ou du bien?

Mmmmm… Je sais pas. Mon travail c’est de vivre ma vie. Tous les jours je fais de la musique et je partage cette expérience-là, pour le meilleur ou le pire. Y a des moments dans ma job où je joue dans un stade et que c’est la chose la chose la plus impressionnante, et d’autres où je suis juste moi-même, où tout ça ne semble pas faire de sens et que je me sens fou.

Mais c’est ça mon travail. C’est de travailler 10 heures par jour et à la fin du processus, offrir 45 minutes de musique aux gens pour qu’ils prennent un break de leurs vies. J’adore ça!

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Qu’est-ce qui te rend le plus fier sur cet album?

J’aime beaucoup les paroles. En fait, les paroles dont je suis le plus fier sont sur Strange Rain. Quand ça dit « Hope was smiling high on melancholy ». Encore à ce jour, ce sont mes paroles favorites de tout l’album.

La thématique de l’eau, de la mer, est souvent exploitée dans tes albums. Est-ce que tu dirais que en ce moment, tu surf la vague ou t’es encore pris en dessous?

Y a toujours des vagues dans la vie. Et quand tu réalises que tu es pris dans une grosse, tu peux juste rien faire. Tu dois juste te laisser porter, et accepter que tu sois un peu magané par tout ça. Tu dois abdiquer, mais ce n’est pas un abandon parce que si tu essaies de nager, tu vas te noyer. Tu dois juste faire la paix avec la vague.

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Pour moi cet album-là se passe dans ce moment-là, c’est pour ça qu’il n’est pas triste. C’est plutôt une manière de dire « you know what, this is what shit is » sans rajouter de crémage. La vie, c’est un peu de bonheur, de tristesse, d’imparfait et de parfait. C’est tout ce qu’est la vie.

Et je pense que la raison pour laquelle je me sens satisfait de cet album-là, ce que je regarde en arrière en me disant « wow, les choses étaient vraiment fucked-up ». Sauf qu’en fait, ce sera toujours fucked-up et y a rien que tu peux faire pour changer ça, mais tu peux y prendre plaisir. Si tu cherches une manière d’être heureux, ce sera juste weird. Tu dois juste apprécier les choses comme elles sont, point.