Sur la très belle Scène des arbres d’Osheaga, MUNYA, jeune artiste québécoise, se produisait il y a quelques jours à peine pour le plus grand plaisir de ses fans.
Dans la foule, ça chuchotait majoritairement dans la langue de Shakespeare. Il ne faut pas s’en surprendre : le talent de Josie Boivin (c’est son vrai nom) fait surtout jaser au sud de la frontière, ce qui explique probablement pourquoi elle s’adressait à son public en anglais.
C’est que MUNYA a été propulsée aux États-Unis par Pitchfork à travers une critique fort élogieuse de son single Des bisous partout. C’était tout ce qu’il fallait pour que sa musique pop, alternative soit entendue chez nos voisins.
Mais c’est bel et bien à Montréal, entre deux puffs de poussière du parc Jean-Drapeau qu’on a pu lui poser quelques questions pour en savoir plus sur son parcours atypique.
Tu as lancé ton projet solo il y a un an à peine et déjà tu te retrouves à Osheaga! Peut-on qualifier ça de success story?
Je suis tellement reconnaissante, parce que je ne m’attendais jamais à ça. Si tu m’avais dit quand j’ai sorti mon premier EP « tu vas être à Osheaga », j’aurais dit non, tu niaises, ça se peut pas!
Je suis comme un kid à la Ronde. J’ai du fun.
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Il faut quand même dire que ça fait longtemps que tu gravites dans l’univers de la musique. Tu as notamment collaboré avec Alex Nevsky et Philémon Cimon. Qu’est-ce qui t’a poussé à faire ta propre musique?
Je joue du piano classique depuis l’âge de 4 ans, j’ai chanté de l’opéra. Quand je suis arrivée à Montréal, j’ai été choriste. J’avais peur de me lancer dans le vide et faire mes propres chansons, mais j’avais une amie qui s’occupait d’un show à Pop Montréal et elle m’a dit « hey ça te tente tu de faire un set ». Elle m’a demandé si j’avais des chansons originales, parce qu’elle savait que je faisais des remix. J’ai répondu oui, mais c’était vraiment pas vrai! J’avais aucune toune.
J’écrivais, mais je ne prenais pas ça au sérieux. Je ne finissais pas les chansons que je commençais, je n’avais rien de concret. Donc, quand j’ai dit oui, j’avais deux semaines pour écrire un set. Les tounes étaient «correctes», mais c’est là que je me suis dit qu’il fallait que j’arrête de faire ça un peu boboche et que je prenne ça au sérieux.
Tu as produit trois EPs et un album qui les regroupe. Tu dis que c’était trois périodes distinctes de ta vie. Comment c’est perceptible à travers la musique?
J’ai fait mon premier EP avec une certaine naïveté, sans vraiment me poser des questions, avec mon coeur. C’est ce EP qui a mené aux critiques de Pitchfork et ça a vraiment pogné aux states. J’ai réalisé que les gens aimaient ma musique.
Le deuxième EP m’a confirmé que je pouvais écrire de la musique. J’étais un peu plus à l’aise, je me sentais plus en contrôle, plus en confiance.
J’ai vécu des moments personnels à travers les EP… T’sais j’ai été confrontée à la maladie avec ma mère. Tout ça au moment où je commençais à avoir du succès. Je vivais donc les deux parallèlement.
Ce sont trois périodes distinctes, mais en les regroupant en un album, j’ai réalisé qu’elles étaient vraiment connectées.
Ta musique rappelle celle des années 60. Même tes vidéos ont un feel vintage…
J’adore les années 60’s, 70’s. C’était les années très peace and love et deep down, je suis vraiment comme ça. Pour moi, être sur le stage et voir les gens sourire, laisser leurs cheveux voler au vent. C’est un genre de trip de vie, je suis high on life.
Sur le plan musical, toutes les clés qu’ils utilisaient dans ces années là, les percussions, les vieux synthétiseurs, ça m’inspirent. Mes deux claviers datent de 1967 et de 1972. Leur son, c’est une zone inspirante où je me sens bien.
Ma mère écoutait souvent de Françoise Hardy, ça m’influence encore certainement.
T’as d’abord eu du succès sur la scène anglo, même si ton premier EP est entièrement francophone. Est-ce que tu crois que les Québécois pourraient défricher davantage le marché états-unien ?
Oui! Je pense surtout que c’est une question de style de musique. Comme mes paroles ne sont pas mises de l’avant, je chanterais dans n’importe quelle langue que ça sonnerait sensiblement pareil. Ça ne veut pas dire que les paroles n’ont pas d’importance pour moi.
Aux States, les gens écoutent ma musique et me disent « je comprends absolument rien, mais ça diminue mon anxiété, je me sens bien, tu me fais oublier mes soucis.» C’est fou à quel point on transmet de l’émotion juste avec la voix.
Et avec internet, il n’y a pas de barrières pour la création. Si les gens aiment ce que tu fais et connectent avec ta musique, peu importe où ils habitent, ils vont te suivre.
Tout le début de ton set était en anglais aujourd’hui. Tu produis de plus en plus de chansons anglophones. C’est pour répondre à une demande à l’international ?
Je parle anglais et français. Ce sont deux langues qui font partie de ma vie. Au départ, je ne voulais écrire qu’en anglais. Mais quand je me suis mise à écrire de la musique sérieusement, c’est venu naturellement en français.
J’ai pas un cadre précis. I go with the flow! J’ai lancé Dove dernièrement qui est complètement en français. Si ça avait été pour répondre à la demande, je l’aurais écrite en anglais.
Honnêtement, j’aimerais ça chanter en espagnol et en japonais si je pouvais.
Sens-tu la pression de représenter ta région quand tu te déplaces.
Je suis vraiment fière de venir du Saguenay. Pour moi, c’est le meilleur endroit au monde. Quand je fais des entrevues en anglais, je parle constamment du Saguenay et tout le monde me demande où c’est.
J’ai grandi avec les chevaux, la nature, le fjord. J’y retourne et je me sens tellement bien sur le top de la montagne. Connecter avec la nature, c’est une grande source d’inspiration.
Penses-tu te produire davantage au Québec dans les prochaines années.
C’est certain. En ce moment j’ai beaucoup d’offres pour des tournées aux États-Unis et en Europe. Mais je veux revenir au Canada aussi, pas juste au Québec. C’est tellement le fun de jouer à la maison. De faire des shows et voir des visages que je connais.